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Traitement sur ordonnance : la copropriété est-elle sauvée ?

L’article 22 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 s’intéresse aux contrats de syndic arrivant à échéance pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

par Pierre-Édouard Lagrauletle 27 mars 2020

Pour le salut des syndicats de copropriétaires menacés par la vacance des fonctions de leurs syndics, le législateur, dans une divine intervention, a ressuscité leurs contrats par l’adoption de l’article 22 de l’ordonnance n° 2020-204 du 25 mars 2020 :

« Par dérogation aux dispositions de l’article 1102 et du deuxième alinéa de l’article 1214 du code civil et de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le contrat de syndic qui expire ou a expiré pendant la période définie à l’article 1er [soit, pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020] est renouvelé dans les mêmes termes jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires. Cette prise d’effet intervient, au plus tard six mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire mentionné à l’article 1er.
Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables lorsque l’assemblée générale des copropriétaires a désigné, avant la publication de la présente ordonnance, un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020. »

Alléluia ?

Il faut sur la démarche féliciter le législateur qui, dans l’urgence, a su écouter et entendre les syndics professionnels qui l’ont alerté sur une difficulté majeure qu’allaient rencontrer les syndicats qu’ils administrent : la vacance de leurs fonctions faute de pouvoir réunir les copropriétaires tout aussi confinés qu’eux.

À la lecture du texte, il faut cependant regretter que l’urgence se traduise par une rédaction précipitée.

Alors qu’il était attendu une simple « prorogation » des effets des contrats de syndic, son « renouvellement » surprend, dans la mesure où le législateur vient de former, en dehors de la volonté des parties, un nouveau contrat.

Cette immixtion de l’État dans la sphère contractuelle paraît particulièrement forte et peut-être disproportionnée.

Les syndicats ne seront toutefois pas dépourvus de syndics puisque leur contrat, arrivé à terme à compter du 12 mars 2020 sans que l’assemblée générale ait pu se réunir pour conclure un nouveau contrat de syndic, est renouvelé.

Au-delà de l’étonnement que peut susciter cette méthode, digne des temps de guerre, le choix du renouvellement plutôt que de la prorogation des effets du contrat interroge, car pour le syndic la situation de confinement et d’urgence sanitaire ne sera plus imprévisible au moment de la formation, d’office, de ce nouveau contrat. Le remède pourrait s’avérer empoisonné…

Par ailleurs, ce contrat nouveau est « renouvelé », d’après la lettre de l’article 22, « dans les mêmes termes » que le précédent. Pourtant, la durée du contrat est modifiée dans la mesure où il prendra fin au jour de la « prise d’effet  du nouveau contrat de syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires ». Afin que la situation ne dure pas trois ans, en cas de non-réalisation de cette nouvelle désignation, un terme extinctif est prévu au plus tard « six mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire », soit, en principe, le 24 novembre 2020 (par application de l’art. 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020).

Le rapport au président, joint à la présente ordonnance, mentionne pourtant comme date butoir, le 31 décembre 2020, ce qui laisse deux possibilités : 

  • soit il y a erreur de calcul ;
  • soit le législateur a déjà envisagé de prolonger l’état d’urgence…

Dans ce cas, n’aurait-il pas été plus simple d’arrêter le terme à cette date plutôt que d’envisager un calcul, certes à la mode, d’apothicaire ?

On regrettera finalement que le droit de la copropriété soit le parent pauvre du droit des groupements auxquels une ordonnance a été consacrée pour « simplement » adapter les règles de réunion et de délibération des assemblées générales et organes dirigeants. N’aurait-on pu envisager d’étendre le champ personnel d’application de ces mesures au syndicat des copropriétaires qui est aussi, rappelons-le, une personne morale ?

L’Alléluia attendra.

 

L’AJDI de mai consacrera un dossier au thème « Covid- 19 et immobilier ».