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Transformation avant cession : seule compte la nature des droits sociaux cédés au jour du transfert de propriété

Les droits d’enregistrement applicables à une cession de droits sociaux sont liquidés selon la nature juridique de ces droits déterminée à la date du fait générateur des droits d’enregistrement, lequel correspond à la date du transfert de propriété, peu important qu’à la date de la soumission de l’acte de cession à la formalité de l’enregistrement, la transformation dont la société a fait l’objet antérieurement n’ait pas été publiée au registre du commerce et des sociétés.

1. On savait déjà, depuis près de trente ans (Com. 10 déc. 1996, n° 94-20.070 P, D. 1997. 169 , note G. Tixier et I. Anselin ; ibid. 229, obs. J.-C. Hallouin ; Rev. sociétés 1997. 589, note E. Kornprobst ; JCP E 1997. II. 923, note H. Hovasse), que transformer une SARL en société par actions avant de céder le contrôle de la société, en minorant ainsi le montant des droits d’enregistrement à payer sur la cession des titres, ne pouvait être considéré comme un abus de droit, mais « relevait seulement d’une légitime habilité fiscale » (M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, 37e éd., LexisNexis, 2024, n° 762). La seule (et évidente) limite étant que, une fois la transformation et la cession corrélative réalisées, la société ne retrouve pas son enveloppe originelle, auquel cas le but exclusivement fiscal de l’opération serait clairement établi et l’abus consommé.

2. Aussi comprend-on qu’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon ait suscité étonnement et critiques (Lyon, 6 juill. 2023, n° 20/05110, Rev. sociétés 2024. 51, note X. Cabannes ; BRDA, 21/23, n° 25, note B. Dondero ; BJS nov. 2023. 34, note R. Vabres).

En substance, les juges lyonnais avalisaient la prétention de l’administration fiscale, qui considérait que, tant que la transformation de la société – initialement une SARL transformée en SAS – n’avait pas été rendue opposable aux tiers, les droits d’enregistrement dus étaient ceux prévus pour les cessions de parts sociales et non ceux, plus légers, prévus pour les cessions d’actions.

3. Cette solution est justement remise en cause par la Cour de cassation.

La censure intervient au visa de l’article 726, I, 1°, du code général des impôts, dans la version applicable à l’espèce. Le message exprimant la cassation est construit autour de deux propositions. En premier lieu, il est énoncé que les droits d’enregistrement applicables à une cession de droits sociaux sont liquidés selon la nature juridique de ces droits déterminée à la date du fait générateur des droits d’enregistrement, lequel correspond à la date du transfert de propriété. En second lieu, façon d’objecter plus directement encore à l’analyse développée en appel, elle énonce qu’il importe peu que, à la date de la soumission de l’acte de cession à la formalité de l’enregistrement, la transformation n’ait pas encore été publiée au RCS.

Commençons par ce second énoncé à forme négative.

Droits d’enregistrement de l’article 726 du code général des impôts : indifférence de la date d’opposabilité de la transformation

4. Il faut rappeler, en quelques mots, l’enjeu (financier) du débat. En application de l’article 726 du code général des impôts, les cessions de droits sociaux sont soumises à des droits de mutation à un taux différent, selon que sont cédées des parts sociales ou des actions (à l’exception notable des cessions de participations dans des sociétés à prépondérance immobilière qui sont soumises à un même droit de 5 %, qu’il s’agisse d’actions ou de parts sociales).

À l’époque où les faits ayant donné lieu à contentieux se sont produits, plus exactement pour les cessions réalisées entre le 1er janvier et le 1er août 2012, les cessions d’actions étaient soumises à un barème dégressif (par tranches) : 3 % pour la fraction d’assiette inférieure à 200 000 € ; 0,5 % pour la fraction comprise entre 200 000 et 500 000 000 € ; 0,25 % pour la fraction excédant 500 000 000 €. Les cessions de parts sociales, celles de SARL singulièrement, étaient soumises à un droit de 3 %.

Désormais, en réalité depuis 1er août 2012, les cessions d’actions sont soumises à un droit de 0,1 % qui, s’agissant des actions négociées sur une plateforme de négociation, n’est exigible que si la cession est constatée par un acte (CGI, art. 726, I, 1°). Les cessions de parts sociales sont toujours soumises à un droit d’enregistrement de 3 % dont l’assiette fait l’objet d’un abattement (CGI, art. 726, I, 1° bis).

5. Voilà pourquoi il était, et demeure, intéressant de transformer avant de céder.

6. Mais comme la transformation doit évidemment précéder la cession et que, de façon générale, aux termes de l’article L. 123-9 du code de commerce, « la personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l’exercice de son...

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