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Article
Transmission d’une information par tout moyen : oui, mais à condition d’être effective
Transmission d’une information par tout moyen : oui, mais à condition d’être effective
L’information par tout moyen de ce que le juge envisage de statuer sans audience peut être communiquée aux avocats des parties, notamment par messages via le Réseau privé virtuel des avocats (RPVA) conformément à l’article 748-1 du code de procédure civile ou, à défaut, par courriels à leur adresse professionnelle, ou, à défaut encore, par tout autre mode assurant l’effectivité de cette transmission. Ce n’est pas le cas si l’information, qui avait consisté en une note transmise au bâtonnier de l’ordre des avocats par un magistrat chargé de la coordination du pôle civil de la cour d’appel, n’a pas été portée à la connaissance des parties.
par Corinne Bléry, Professeur de droit privé, Université Polytechnique Hauts-de-Francele 19 janvier 2022
Parmi les arrêts rendus par la deuxième chambre civile le 16 décembre 2021, l’un s’intéresse à une notion assez nouvelle de la procédure civile et qui a été mise en lumière pendant la « crise sanitaire ». La notion de « tout moyen » est en effet apparue en 2005 dans le code de procédure civile, mais elle a surtout été réglementée en 2015, où elle s’est « incarnée » dans les textos et courriels (v. infra). Les dispositions dérogatoires des ordonnances « Covid », tant celle du printemps que celle de l’automne, ont permis un recours plus libéral à des notifications ou transmissions d’information par tout moyen. L’arrêt est l’illustration de la transmission d’une information « par tout moyen », ineffective donc ratée : faute d’avoir été portée à la connaissance des parties, elle n’a pas rempli son office…
Une affaire fait l’objet d’un appel. Le 3 mars 2020 intervient l’ordonnance de clôture et le 12 mars 2020, le dossier de plaidoirie des appelants est déposé en vue de l’audience de plaidoirie prévue le 16 mars 2020 (alors que l’art. 912 c. pr. civ. exige en principe un dépôt 15 jours avant la date de l’audience), soit pendant la période d’« état d’urgence sanitaire » (rappelons que l’art. 1er de l’ord. n° 2020-304 du 25 mars 2020 prévoyait que « les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée »).
En conséquence de cet état d’urgence, la procédure se déroule sans audience, « le juge ayant usé de la faculté prévue à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 » et les parties ayant été « régulièrement » avisées de la mise en œuvre de cette procédure et de leur possibilité de former opposition dans le délai de quinze jours. Cette information a eu pour vecteur « une note transmise au bâtonnier de l’ordre des avocats par un magistrat chargé de la coordination du pôle civil de la cour d’appel ».
Le 18 juin 2020, la cour d’appel confirme le jugement. Les perdants se pourvoient en cassation. À l’occasion de celui-ci, ils formulent une question prioritaire de constitutionnalité, que la Cour de cassation refuse de transmettre au Conseil constitutionnel, faute pour la QPC de présenter un caractère sérieux (Civ. 2e, 8 avr. 2021, n° 20-20.443 NP, D. 2022. 20 ). Ils critiquent l’arrêt par un moyen divisé en trois branches. Les deuxième et troisième branches reprochent respectivement une violation de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, ensemble l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et un manque de base au regard de ces mêmes textes. Les appelants n’ont pas été informés personnellement ou par l’intermédiaire de leur avocate de la décision de statuer sans audience et ils ont été ainsi privés du droit de s’opposer à cette décision. L’absence d’effectivité de l’information, non constatée par la cour d’appel, résulte des échanges entre l’avocate des appelants et la juridiction. À l’inverse, l’effectivité de celle-ci ne résulte d’aucune pièce de la procédure.
La Cour de cassation casse, au visa du seul article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, pour manque de base légale. Elle rappelle d’abord le régime de la procédure sans audience pendant la période d’état d’urgence, et en particulier que les parties sont informées de la décision d’y recourir « par tout moyen » (n° 9), elle expose ensuite quels moyens entrent dans cette notion (n° 10 et chapô), puis, elle reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si l’information avait été portée à la connaissance des parties (nos 11 et 12).
Procédure sans audience
Les principes de la procédure sans audience « ordinaire » sont posés par l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire, issu de la loi du 23 mars 2019, applicable devant le tribunal judiciaire (C. Bléry, Un juge civil toujours plus lointain… ? Réflexions sur la dispense de présentation et la procédure sans audience, Dalloz actualité, 22 déc. 2020). Le recours concret à cette procédure sans audience est réglementé dans différents articles du code de procédure civile, dans leur rédaction du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui a été modifiée et complétée par le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020. La procédure, devant le tribunal judiciaire, peut se dérouler sans audience et est alors exclusivement écrite… tant en procédure écrite qu’en procédure orale.
La procédure sans audience « ordinaire » présente différentes caractéristiques : ainsi l’initiative et l’accord des parties sont nécessaires pour y recourir, peu...
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