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Travail temporaire et succession de missions : l’inobservation du délai de carence ne permet pas la requalification à l’égard de l’entreprise utilisatrice

Aucune disposition ne prévoit, dans le cas de la succession d’un contrat de travail temporaire et d’un contrat de travail à durée déterminée au bénéfice de l’ancienne entreprise utilisatrice, la sanction de la requalification en contrat de travail à durée indéterminée en cas de non-respect du délai de carence. Un travailleur intérimaire ne peut en conséquence obtenir – à l’égard de l’entreprise utilisatrice – la requalification de ses contrats en CDI au motif que les missions s’étaient succédées sans qu’ait été respecté le délai de carence.

Dans la mesure où le contrat de travail à durée indéterminée (CDI) est « la forme normale et générale de la relation de travail » (C. trav., art. L. 1221-2, al. 1er), la requalification des relations de travail à durée déterminée (CDD, CTT…) en relation de travail à durée indéterminée fait traditionnellement l’objet d’un contentieux très abondant.

Au cas d’espèce, un salarié a été mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire sur le fondement d’un contrat de mission (C. trav., art. L. 1251-11) justifié par un accroissement temporaire d’activité (C. trav., art. L. 1251-6, 2°). Le salarié a effectué plusieurs missions sur une période de trois mois, entre septembre et novembre 2015. À la fin de son dernier contrat de mission, le salarié a conclu un CDD avec l’entreprise utilisatrice pour une durée de trois mois entre novembre 2015 et février 2016.

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes afin de voir requalifiée sa relation de travail à durée déterminée en CDI, outre l’octroi de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail. Plus précisément, le salarié a scindé devant les juges du fond sa demande de requalification en deux demandes distinctes. Ses demandes sont cependant toutes dirigées contre l’entreprise utilisatrice, à l’exclusion de l’entreprise de travail temporaire. La première demande porte sur la requalification des contrats de mission, conclus entre septembre et novembre 2015, en CDI. La seconde porte sur une demande de requalification de son CDD, conclu en novembre 2015 directement à la suite du terme des contrats de mission, en CDI.

Au soutien de sa première demande de requalification de ses contrats de mission en CDI, le salarié invoque un argument pour le moins classique : il reproche à l’entreprise utilisatrice d’avoir cherché, par le biais des différents contrats de mission, à pourvoir durablement un emploi permanent lié à son activité normale. Il est constant que le recours au travail temporaire dans ces conditions expose l’entreprise utilisatrice à la requalification de la relation de travail en un CDI (C. trav., art. L. 1251-40 et art. L. 1251-5 ; v. par ex., Soc. 24 avr. 2013, n° 12-11.793 P, Dalloz actualité, 15 mai 2013, obs. B. Ines ; D. 2013. 1143 ; Dr. soc. 2013. 576, chron. S. Tournaux ; 19 févr. 2014, n° 13-16.362 P, D. 2014. 1332 ).

L’entreprise utilisatrice justifie toutefois de la licéité du recours au travail temporaire au cas particulier en fournissant des éléments pertinents (conclusions de nouveaux contrats de sous-traitance sur divers chantiers, intensification ponctuelle des interventions en plomberie à l’issue de la réalisation des travaux de gros œuvre, etc.). Le salarié est donc logiquement débouté sur ce fondement devant les juges du fond.

La seconde demande du salarié est plus intéressante sur le plan juridique. Le salarié estime en effet que son CDD doit être requalifié en CDI au motif qu’aucun délai de carence n’a été observé entre le dernier contrat de mission et le CDD. L’article L. 1251-36 du code du travail impose il est vrai le respect d’un délai de carence à l’expiration d’un contrat de mission, pour recourir à un CDD ou à un autre contrat de...

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