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Travail à temps partagé et responsabilisation de l’entreprise prêteuse

L’entreprise de travail à temps partagé qui ne respecte pas les dispositions de l’article L. 1252-2 du code du travail se place hors du champ d’application du travail à temps partagé et se trouve liée au salarié par un contrat de droit commun à durée indéterminée, au contraire de l’entreprise utilisatrice, mise à l’abri de tout établissement d’un lien contractuel de droit commun avec le salarié, du fait de la non-application à la situation de l’article L. 1252-40 du code du travail.

Par ailleurs, la même entreprise de travail à temps partagé lorsqu’elle se place hors du champ d’application du travail à temps partagé, s’expose à une condamnation pénale, la sanction de la violation des dispositions relatives au travail à temps partagé n’étant pas exclusive de celles réprimant le marchandage et le prêt illicite de main d’œuvre.

Enfin, l’entreprise de travail à temps partagé et l’entreprise utilisatrice sont tenues, à l’égard des salariés mis à disposition, d’une obligation de sécurité dont elles doivent assurer l’effectivité, chacune au regard des obligations que les textes mettent à leur charge en matière de prévention des risques, de sorte que la première doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement moral et sexuel, y compris lorsqu’ils sont commis au sein de l’entreprise utilisatrice en cours de mission.

Le travail à temps partagé est une forme de prêt de main d’œuvre. Il permet à une entreprise utilisatrice dont la taille ou les moyens sont limités de se faire prêter un travailleur qualifié par une entreprise de travail à temps partagé (ETTP). Le travailleur est lié à l’ETTP par un contrat de travail « réputé être à durée indéterminée » (C. trav., art. L. 1252-4), et est mis à disposition de l’utilisatrice pour une durée qui n’est pas bornée, sans que celle-ci ait à justifier d’un cas de recours. Au-delà de ces grandes lignes, le travail à temps partagé recèle cependant, vingt ans après sa création, encore bien des mystères. Bâti à la hâte, son régime légal est incomplet et soulève de nombreuses questions, auxquelles la jurisprudence n’a pas souvent eu l’occasion de répondre. Dès lors, l’arrêt rendu le 27 mai 2025 par la chambre sociale est d’importance. Il offre trois enseignements, qui témoignent d’un mouvement de responsabilisation de l’ETTP.

L’ETTP, garante du champ d’application du dispositif

L’article L. 1252-2 du code du travail prévoit qu’« est un entrepreneur de travail à temps partagé toute personne physique ou morale dont l’activité exclusive […] est de mettre à disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens ». Si le législateur présente cette disposition comme une simple définition, d’aucuns y ont vu, dès l’origine, l’expression d’une condition subordonnant la valable mise en œuvre du dispositif (contrainte sans laquelle le travail à temps partagé aurait constitué une forme de prêt de main d’œuvre ouverte à toutes les entreprises et en toutes circonstances, figure peu crédible eu égard à l’interdiction de principe des opérations de prêt de main d’œuvre à but lucratif posée aux art. L. 8231-1 et L. 8241-1 c. trav.). Si l’idée d’un travail à temps partagé conditionné à l’impossibilité de l’utilisatrice de recruter elle-même le travailleur prêté était donc admise, un doute subsistait quant aux conséquences du manquement à cette condition : la mise en œuvre d’une opération de travail à temps partagé au profit d’une entreprise utilisatrice dont la taille et les moyens étaient suffisants pour...

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