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Le travailleur indépendant protégé de la discrimination sur l’orientation sexuelle

Lorsque la discrimination prend la forme du refus de conclure un contrat de droit civil par lequel une personne physique exerçant une activité indépendante s’engage à réaliser un travail et que ce refus est fondé sur l’orientation sexuelle du contractant potentiel, le droit de l’Union européenne impose aux États membres de prévoir une sanction.

La discrimination sur l’orientation sexuelle est un sujet aujourd’hui largement couvert, tant par la jurisprudence française qu’européenne (v. le récent commentaire de M. Mercat-Bruns, Le refus d’accès à une activité en raison de l’orientation sexuelle : une autre forme de discrimination ?, RDT 2022. 646 ). L’une des questions prégnantes s’incarne, dans le monde du travail, sur la situation des travailleurs indépendants. Peuvent-ils profiter de la protection européenne en la matière en cas d’interruption des relations contractuelles avec un donneur d’ordre en invoquant une telle discrimination ? C’est à cette interrogation que l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 12 janvier 2023 vient apporter d’utiles confirmations.

En l’espèce, un entrepreneur indépendant a travaillé pendant plusieurs années au travers d’une série de contrats d’entreprise consécutifs de courte durée avec une société d’exploitation d’une chaîne de télévision publique à l’échelle nationale en Pologne et dont l’actionnaire unique est le Trésor public.

Ce dernier a, à l’issue de leur période de collaboration, formulé à l’encontre de son donneur d’ordre une demande d’indemnisation du préjudice résultant du refus de cette société de renouveler le contrat d’entreprise qu’elle avait conclu pour un motif fondé, selon ce dernier, sur son orientation sexuelle.

L’intéressé avait en effet publié sur sa chaîne YouTube une vidéo le mettant en scène avec son partenaire invitant à la tolérance envers les couples de même sexe. Deux jours plus tard, l’organisation, qui avait pourtant planifié ses interventions pour le mois à venir, l’a informé de l’annulation de son service à venir et l’entrepreneur n’a plus jamais reçu d’offre de collaboration de cette structure.

Dans le cadre du contentieux l’opposant à son donneur d’ordre, une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 3, § 1, sous a) et c), ainsi que de l’article 17 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JOUE L 303, 2 déc. 2000) a été adressée à la Cour de justice de l’Union européenne.

Les juridictions du fond saisies de la demande d’indemnisation pour discrimination directe ont en effet soulevé la question de la compatibilité de la loi polonaise sur l’égalité de traitement avec le droit de l’Union, en ce qu’une disposition exclut du champ d’application de cette loi et, partant, de la protection contre les discriminations, conférée par la directive 2000/78/CE, le libre choix du contractant, uniquement pour autant que ce choix ne soit pas fondé sur le sexe, la race, l’origine ethnique ou la nationalité. En d’autres termes, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, § 1, sous a) et c), de la directive 2000/78/CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale ayant pour effet d’exclure, au titre du libre choix du contractant, de la protection contre les discriminations devant être conférée en vertu de cette directive, le refus, fondé sur l’orientation sexuelle d’une...

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