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Tribunal de police : l’impossible condamnation de la partie civile pour constitution abusive non conforme

Le Conseil constitutionnel déclare le premier alinéa de l’article 541 du code de procédure pénale contraire à la Constitution.

par Dorothée Goetzle 2 juin 2021

Cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est relative à l’impossibilité d’obtenir devant le tribunal de police la condamnation de la partie civile pour constitution abusive. Elle porte sur la conformité à la Constitution du second alinéa de l’article 541 du code de procédure pénale. Selon ce texte, si le tribunal de police estime que le fait ne constitue aucune infraction à la loi pénale, ou que le fait n’est pas établi, ou qu’il n’est pas imputable au prévenu, il renvoie celui-ci des fins de la poursuite. Les dispositions de l’article 470-1 sont applicables. La jurisprudence a, en application de ce texte, déjà considéré qu’un prévenu ne saurait faire grief à la cour d’appel qui a prononcé sa relaxe par réformation de la décision du tribunal de police, de n’avoir pas statué sur la demande de dommages-intérêts pour abus de constitution de partie civile (Crim. 21 nov. 1991, n° 90-83.877, Bull. crim. n° 423 ; Dr. pénal 1992. Comm. 164 ; 2 févr. 1988, n° 87-81.377, Bull. crim. n° 50). 

Selon la requérante, en excluant la possibilité pour une personne directement citée devant le tribunal de police et renvoyée des fins de la poursuite de demander, au cours de cette même instance, la condamnation de la partie civile au paiement de dommages-intérêts pour abus de constitution de partie civile, ces dispositions créeraient deux différences de traitement inconstitutionnelles. Premièrement, elles opéreraient une différence entre prévenus relaxés, selon qu’ils ont été poursuivis devant le tribunal de police ou devant le tribunal correctionnel, puisque seuls les seconds peuvent solliciter devant le tribunal l’octroi de dommages-intérêts pour abus de constitution de partie civile. Deuxièmement, elles instaureraient, devant le tribunal de police, une différence de traitement entre la personne poursuivie et la partie civile, seule cette dernière pouvant demander des dommages-intérêts.

Le Conseil constitutionnel constate qu’en application de l’article 541 du code de procédure pénale, la personne citée directement par la partie civile à comparaître devant le tribunal de police ne peut, dans la même instance, demander que cette dernière soit condamnée, en cas de relaxe, au paiement de dommages-intérêts pour abus de constitution de partie civile. Or cette possibilité est ouverte, en cas de désistement de la partie civile, pour la personne directement citée devant le tribunal de police en application de l’article 536 du code de procédure pénale. Elle l’est aussi pour le prévenu qui, après avoir été cité directement devant le tribunal de police, est relaxé en appel, en application de l’article 549 du même code. Le Conseil constitutionnel, selon la formule consacrée, énonce que si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales. En l’espèce, il considère que l’article 541 du code de procédure pénale génère une distinction injustifiée entre les justiciables poursuivis par citation directe devant le tribunal de police.

En conséquence, ce texte, qui méconnaît le principe d’égalité devant la justice, est déclaré contraire à la Constitution. L’abrogation est reportée au 31 décembre 2021.