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Un bail dérogatoire peut en cacher un autre, pas plus statutaire

Lorsqu’un contrat de bail dérogatoire comprend une clause de renouvellement tacite et que le bailleur a fait connaître sa volonté de ne pas poursuivre le bail tacitement renouvelé, le locataire ne peut se prévaloir d’un défaut de respect des dispositions de l’article L.145-41 du code de commerce, applicables aux seuls baux commerciaux statutaires.

par Timothée Brault, Avocatle 2 juin 2022

À effet du 1er juillet 2015, un bailleur a concédé à une société preneuse l’occupation de certains locaux au titre d’un bail de courte durée (dit « dérogatoire ») échappant au statut des baux commerciaux, consentie pour une année, stipulée tacitement et annuellement renouvelable sans toutefois pouvoir excéder, cumul fait, une durée globale de trois ans.

Le terme du second renouvellement se profilant, le bailleur fit délivrer, par exploit d’huissier daté du 27 juin 2017, un congé à effet du 30 juin suivant.

Le preneur n’ayant spontanément déguerpi après cette date, le bailleur dut alors l’assigner en libération des locaux et en paiement d’une indemnité d’occupation.

Favorablement accueillies par les premiers juges, les prétentions du bailleur furent jusqu’au bout combattues par le preneur qui, aux termes de son pourvoi, estimait encore que le congé reçu, en ce qu’il ne satisfaisait pas aux exigences statutaires, n’avait pu valablement mettre fin au contrat de louage.

Il est vrai que les baux relevant du statut « ne cessent que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance » (C. com., art. L. 145-9) et, espérant l’application de cette règle à un bail dérogatoire, la société locataire développa un argumentaire pertinent qui mérite d’être explicité bien qu’il succombât.

Il fallait d’abord au preneur, pour parvenir à ses fins, réussir à semer le doute sur la qualification juridique de son titre locatif.

Il lui aurait ensuite été plus aisé d’obtenir que la convention locative litigieuse reçoive application des règles du statut et, notamment, celles dictant les modalités selon lesquelles congé doit être dûment donné.

Sur la qualification

Ne contestant pas que le bail initialement consenti était dérogatoire, le preneur tenta d’accréditer, au gré d’une lecture partisane de l’article L. 145-5 du code de commerce (et 1738 du code civil), la thèse selon laquelle un nouveau bail naquit au terme de la première période contractuelle d’un an, nouveau contrat cette fois soumis aux dispositions statutaires.

Abstraction faite du débat lexical (prorogation, reconduction, renouvellement), la société locataire insista sur l’abstention du bailleur qui n’entreprit nullement de la congédier au terme du premier bail dérogatoire, inaction de nature à lui ouvrir, selon elle, les portes du statut.

Là encore, l’argumentaire tenu repose sur fond de vérité puisque le preneur titulaire d’un bail dérogatoire et, au-delà de trois années, laissé en possession des locaux peut se prévaloir du bénéfice des dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce applicables à la nouvelle convention locative.

C’est justement cette brève précision temporelle, enserrée de virgules, que la locataire aurait souhaité taire puisque, sans elle, il eût été plausible que le bail commercial, né du maintien dans les lieux au terme d’un précédent bail dérogatoire, soit reconnu statutaire.

Argumentaire d’autant plus plausible qu’il aurait éventuellement été mieux reçu il y a quelques années de cela.

Bref rappel historique

Dans sa rédaction première, l’article L. 145-5 du code de commerce (Décr. n° 53-960 du 30 sept. 1953, art. 3-2) subordonnait la faculté dérogatoire « à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux...

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