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Un décret modificatif sur le fonds de solidarité pour les très petites entreprises

Un décret modificatif confirme que les très petites entreprises éligibles aux aides du fonds de solidarité sont celles ayant subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % de chiffre d’affaires au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019.

par Xavier Delpechle 4 avril 2020

Parmi les instruments mis en place par les pouvoirs publics pour venir en aide aux entreprises frappées de plein fouet par la crise du covid-19 figure le fonds de solidarité pour les très petites entreprises. Il a été institué par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 (JO 26 mars) et son régime a été précisé quelques jours plus tard, par le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 (JO 31 mars). Ce décret précise, outre le montant de l’aide (en principe limité à 1 500 € par entreprise ; décr. n° 2020-371, art. 3, al. 1er) et la procédure à suivre pour l’obtenir (art. 3, al. 2), les critères d’éligibilité à celle-ci (art. 1er et 2). Ce dispositif est ouvert, précise le décret, aux très petites entreprises (pour faire simple, le montant du chiffre d’affaires de leur dernier exercice doit être inférieur à un million d’euros et leur bénéfice imposable ne doit pas excéder 60 000 €) qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou qui «  ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 70 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ».

Seuil de perte de chiffre d’affaires

La question du seuil de perte de chiffres d’affaires a suscité une certaine cacophonie. En effet, avant même la publication du décret du 30 mars 2020, le site internet du ministère de l’économie faisait référence à une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % de chiffre d’affaires au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019, soit une solution nettement plus favorable pour les entreprises. Dans son point presse du 31 mars 2020, le ministre de l’économie et des finances annonce que le seuil de pertes de chiffres d’affaires conditionnant l’éligibilité à l’aide du fonds de solidarité allait effectivement passer à 50 %, mais sans préciser la base juridique pour y parvenir. Le doute a été levé le 1er avril par la Direction générale des finances publiques – laquelle est en charge de la gestion du fonds de solidarité – qui a annoncé sur son site internet la publication prochaine d’un décret modificatif portant le seuil d’éligibilité au fonds de solidarité à 50 %. C’est chose faite grâce à la publication au Journal officiel du 3 avril du décret modificatif n° 2020-394 du 2 avril 2020.

Situation de l’entreprise au regard des procédures collectives

Mais ce texte ne se contente en réalité pas de modifier à la baisse ce seuil. Il apporte une précision sur la déclaration sur l’honneur que doit remplir le demandeur de l’aide. Dans sa rédaction précédente, cette déclaration sur l’honneur devait attester que l’entreprise remplit les conditions d’éligibilité prévues par le décret du 30 mars 2020, l’exactitude des informations déclarées, « ainsi que la régularité de sa situation fiscale et sociale au 1er mars 2020 ». C’est cette dernière mention qui est remplacée par la mention suivante : l’entreprise doit désormais attester « l’absence de dette fiscale ou sociale impayée au 31 décembre 2019, à l’exception de celles bénéficiant d’un plan de règlement ». La formule, un peu énigmatique, paraît signifier que l’entreprise ayant un passif fiscal ou social et soumise à un plan de sauvegarde ou de redressement demeure éligible aux aides du fonds de solidarité. Elle contribue ainsi à lever une ambiguïté, mais sans parvenir pour autant à dissiper toute interrogation.

Les termes du débat méritent d’être exposés. Parmi les critères d’éligibilité à l’aide du fonds de solidarité, il en est un qui concerne la situation financière des entreprises : celle-ci ne doit pas avoir « déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 » (décr. n° 2020-371, art. 1er, 2°). La formulation est claire à première vue : a contrario, une entreprise sous le coup d’une procédure préventive (conciliation ou mandat ad hoc), voire de sauvegarde (l’entreprise sous sauvegarde n’est en principe pas en cessation des paiements) est éligibles aux aides du fonds. Qu’en est-il de l’entreprise une fois la période d’observation terminée et un plan de redressement (voire de sauvegarde) adopté ? N’est-elle pas redevenue in bonis ? Les professionnels du restructuring se sont bien entendu inquiétés d’une lecture trop restrictive du texte. L’Institut français des praticiens des procédures collectives (IFPPC) a ainsi pris attache auprès du gouvernement afin d’obtenir une clarification. Ce dernier lui a apporté une réponse rassurante : une entreprise ne peut pas être éligible au dispositif si elle fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires), cette situation devant être appréciée à la date de publication de la loi du 23 mars 2020, soit le 24 mars 2020. En outre, ajoute le gouvernement, ce critère ne vaut que jusqu’à « clôture de ladite procédure », ce qui doit être compris, précise le gouvernement « comme ayant pour conséquence de ne pas exclure une entreprise qui est en cours d’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement au 24 mars 2020 ; ces dernières sont donc bien éligibles au dispositif » (sur cette position du gouvernement, v. C. de Girval, « #Actu : Et les procédures collectives ? », maydaymag.fr, 31 mars 2020). Le décret du 2 avril 2020 fournit une base juridique à cette position du gouvernement, mais il paraît considérer que, pour une entreprise en plan soit bien éligible au dispositif, c’est à condition qu’elle soit grevée d’un passif fiscal ou social, pas, a contrario, si son passif est purement « privé » (dette bancaire ou fournisseur, en particulier). Il est douteux que telle soit la position du gouvernement, mais une lecture excessivement littérale du décret du 2 avril 2020 pourrait conduire à défendre ce point de vue. À quand la clarification de la clarification ?

Aide complémentaire

Le décret du 2 avril 2020 apporte une précision supplémentaire et, disons-le, opportune. Elle concerne l’aide complémentaire forfaitaire de 2 000 euros à laquelle les entreprises les plus fragiles (concrètement celles qui emploient au moins un salarié, qui se trouvent dans l’impossibilité de régler leurs dettes à trente jours et qui se sont vu refuser un prêt de trésorerie par leur banque) peuvent prétendre. Celle-ci est versée par les collectivités locales, en principe par les régions. Ce sont également ces collectivités « qui instruisent la demande et examinent en particulier le caractère raisonnable du montant du prêt refusé, le risque de cessation des paiements et son lien avec le refus de prêt » (décr. n° 2020-371, art. 4). Le décret du 2 avril 2020 vient compléter l’article 4 du décret du 30 mars 2020 en apportant la précision suivante afin de préserver le secret fiscal de l’entreprise qui sollicite une aide complémentaire : « Des échanges de données sont opérés, dans le respect du secret fiscal, entre l’administration fiscale et les services chargés de l’instruction et de l’ordonnancement de l’aide complémentaire prévue au présent article, pour leur permettre d’instruire les demandes et de verser l’aide complémentaire ».