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Un frein à la correctionnalisation du viol entre époux

Méconnaît l’étendue de sa compétence la juridiction correctionnelle qui, tout en reconnaissant la pénétration imposée, déclare le prévenu coupable du délit d’agressions sexuelles aggravées envers son épouse.

Avant que le viol entre époux ne soit reconnu, il était admis qu’une présomption de consentement aux relations sexuelles dans le couple marié résultait du devoir de cohabitation imposé par l’article 215 du code civil. Puis, la loi du 23 décembre 1980 (n° 80-1041, relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs) a fait de l’absence du consentement de la victime l’élément essentiel du viol, ce qui a permis à la jurisprudence d’apporter un regard nouveau sur les relations forcées entre époux (Crim. 5 sept. 1990, n° 90-83.664, JCP 1991. II. 21629, note M.-L. Rassat ; 11 juin 1992 n° 91-86.346 P, Proc. gén. C. cass., D. 1993. 117 , note M.-L. Rassat ; ibid. 13, obs. G. Azibert ; RSC 1993. 107, obs. G. Levasseur ; ibid. 330, obs. G. Levasseur ; JCP 1993. II. 22043, note Garé). C’est ensuite par la loi du 4 avril 2006 (n° 2006-399, renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs) que le viol entre époux a été consacré. L’article 222-22 du code pénal énonçait alors que « la présomption de consentement ne vaut que jusqu’à preuve du contraire », reprenant la formule de la chambre criminelle (Crim. 11 juin 1992, préc.). Puis en 2010, le législateur est venu supprimer la référence à la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel (L. n° 2010-769, 9 juill. 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants). Désormais, le texte prévoit que le viol peut être constitué, « quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage » (v. Rép. pén., Viol, par A. Darsonville).

Plus que de reconnaître le viol entre époux, le législateur en a fait une circonstance aggravante (C. pén., art. 222-24, 11°), pouvant concerner un grand nombre d’affaires. En effet, sur 65 % des personnes connaissant leur agresseur, 29 % d’entre elles ont été victimes de leur époux ou de leur épouse (A. Sourd, Les violences sexuelles dans la famille : une approche statistique, AJ pénal 2020. 316 ), comme ce fut le cas dans l’affaire portée devant la chambre criminelle le 14 septembre dernier.

Présentation de l’affaire

Le 5 avril 2016, la femme du requérant a déposé plainte pour des faits de harcèlement, d’agressions sexuelles et de viols imposés par son époux depuis plusieurs années. L’année suivante, il a été convoqué par officier de police judiciaire à comparaître devant le tribunal correctionnel de Nantes, du chef d’agressions sexuelles par personne étant ou ayant été le conjoint de la victime, et...

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