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Un nouvel outil dans la boîte du juge de l’excès de pouvoir
Un nouvel outil dans la boîte du juge de l’excès de pouvoir
Le juge de l’excès de pouvoir peut désormais prononcer, si les parties ont présenté des conclusions en ce sens, l’abrogation d’un acte réglementaire qu’un changement dans les circonstances de droit ou de fait a rendu illégal en cours d’instance.
par Marie-Christine de Monteclerle 23 novembre 2021
La section du contentieux vient de doter le juge de l’excès de pouvoir d’un nouvel outil : la possibilité d’abroger un acte réglementaire lorsqu’il apparaît que celui-ci, légal au jour de son édiction, est devenu illégal du fait d’un changement de circonstances de droit ou de fait intervenu pendant l’instance.
Comme toutes les délibérations du conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) fixant la liste des pays d’origine sûrs, celle du 5 novembre 2019 avait fait l’objet de recours de la part d’associations de défense des demandeurs d’asile. Par une décision du 2 juillet 2021, le Conseil d’État a annulé cette délibération en tant qu’elle maintenait sur la liste le Bénin, le Sénégal et le Ghana (CE 2 juill. 2021, n° 437141, Association des avocats ELENA France, Dalloz actualité, 9 juill. 2021, obs. C. Biget ; Lebon ; AJDA 2021. 1418 ).
De façon beaucoup moins classique, en cours d’instruction, les associations requérantes avaient également demandé au juge l’abrogation de la délibération en tant qu’elle concerne l’Arménie, la Géorgie et le Sénégal. Cette seconde demande se heurtant au principe classique selon lequel le juge de l’excès de pouvoir se prononce sur la légalité d’un acte à la date de son édiction, les deuxième et septième chambres réunies ont renvoyé ces conclusions subsidiaires à la section du contentieux.
Comme le préconisait Sophie Roussel dans ses conclusions, la section fait évoluer la jurisprudence pour donner au juge un « outil de plus », privilégiant une « approche fonctionnelle du recours pour excès de pouvoir ». Après avoir rappelé que le juge apprécie en principe la légalité d’un acte à la date de son édiction, elle ajoute que, « saisi de conclusions à fin d’annulation recevables, le juge peut également l’être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu’il prononce l’abrogation du même acte au motif d’une illégalité résultant d’un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu’un acte réglementaire est susceptible de porter à l’ordre juridique. Il statue alors prioritairement sur les conclusions à fin d’annulation. »
« Dans l’hypothèse où il ne ferait pas droit aux conclusions à fin d’annulation et où l’acte n’aurait pas été abrogé par l’autorité compétente depuis l’introduction de la requête, il appartient au juge, dès lors que l’acte continue de produire des effets, de se prononcer sur les conclusions subsidiaires. Le juge statue alors au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision. S’il constate, au vu des échanges entre les parties, un changement de circonstances tel que l’acte est devenu illégal, le juge en prononce l’abrogation. Il peut, eu égard à l’objet de l’acte et à sa portée, aux conditions de son élaboration ainsi qu’aux intérêts en présence, prévoir dans sa décision que l’abrogation ne prend effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine. »
Comme souvent, les requérants qui ont obtenu une évolution de jurisprudence n’en bénéficient pas. Leurs conclusions tendant à l’abrogation de la délibération en ce qui concerne l’Inde, présentées après la décision du 2 juillet 2021, sont irrecevables ; celles concernant le Sénégal sont sans objet, du fait de l’annulation prononcée. Et la section juge que l’évolution de la situation politique en Arménie comme en Géorgie ne doit pas conduire à mettre fin à leur inscription sur la liste des pays d’origine sûrs.
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