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Le gouvernement vient de déposer un projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée. Un texte fourre-tout, qui contient plusieurs dispositions sur le parquet national financier, la répression des délits environnementaux, la création de nouvelles peines ou le fonds interprofessionnel d’accès au droit et à la justice. Il sera en débat au Sénat dès le 26 février.
par Pierre Januelle 31 janvier 2020
La mise en musique du parquet européen
Le projet de loi vise tout d’abord à adapter notre droit à la création du parquet européen (v. Dalloz actualité, 20 juin 2017, obs. P. Dufourq). Le parquet européen disposera de compétences judiciaires propres sur les fraudes portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne (TVA, détournement de fonds publics, blanchiment, etc.). Son action en France se fera par un procureur européen délégué, un magistrat placé en position de détachement, qui ne pourra recevoir aucune instruction générale ou individuelle. Selon l’étude d’impact, il devrait récupérer de soixante à cent dossiers français par an.
L’un des enjeux principaux est de donner au procureur délégué des compétences qui relèvent en France du seul juge d’instruction. Or il ne pourra ouvrir d’information judiciaire, sauf à perdre la conduite de la procédure. Le projet de loi donne compétence au procureur européen délégué de recourir à des actes qui relèvent normalement du juge d’instruction. Il pourra ordonner un contrôle judiciaire, la personne pouvant faire un recours devant le juge des libertés et de la détention (JLD). Le procureur délégué devra en revanche saisir le JLD pour demander une détention provisoire, une assignation à résidence avec surveillance électronique ou un mandat d’arrêt. De même, les perquisitions, écoutes et autres techniques spéciales d’enquête devront, sauf exception, être autorisées par le JLD.
Mieux réprimer les infractions environnementales
Le projet de loi vise à mieux traiter les infractions environnementales. Actuellement, les trois quarts des procédures aboutissent à des alternatives aux poursuites. Quant aux peines prononcées, elles « apparaissent relativement faibles » selon l’étude d’impact. Sur 1 993 personnes physiques condamnées en 2018, seules 27 ont eu de la prison ferme et 954 des amendes fermes (1 464 € en moyenne). Sur 139 personnes morales condamnées en 2017, il n’y a eu que 60 amendes fermes (27 000 € en moyenne). Cela tranche avec les sanctions prononcées par les juridictions du littoral spécialisées en matière de pollution des eaux maritimes par rejets des navires (JULIS) : les 57 amendes prononcées entre 2000 et 2014, avec un montant moyen de 333 000 €.
Pour y remédier, l’article 8 institue une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) en matière environnementale, qui concernera les personnes morales. Comme celle issue de la loi Sapin 2, cette CJIP pourra prévoir le paiement d’une amende, un programme de mise en conformité et la réparation du préjudice écologique. Par ailleurs, le texte crée, dans le ressort de chaque cour d’appel, un tribunal judiciaire chargé du traitement des délits complexes du code de l’environnement, à l’exclusion du contentieux propre aux JULIS et aux juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).
Corrections de bugs, autorisations permanentes et fonds d’accès au droit et à la justice
Plusieurs articles portent sur les juridictions spécialisées. L’article 4 précise qu’un parquet bénéficiant d’une compétence spécialisée (PNF, JIRS, etc.) pourra exercer sa compétence de manière prioritaire, tant que l’action publique n’a pas déjà été mise en mouvement. L’article 5 confie au procureur de la République antiterroriste certaines compétences qui relevaient jusqu’ici du parquet de Paris, notamment concernant les crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la nation « dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité ». L’article 7 donne compétence au parquet national financier sur les délits relevant des pratiques anticoncurrentielles (entente illicite, abus de position dominante et abus de dépendance économique).
Le texte corrige plusieurs incohérences de la loi Justice et tire les conséquences de deux questions prioritaires de constitutionnalité (2019-770 QPC, sur l’information des jurés d’assises sur les peines, D. 2019. 644, et les obs. ; ibid. 2320, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ pénal 2019. 391, obs. L. Grégoire , et 2019-802 QPC, sur la possibilité de refuser les vidéo-audiences sur les demandes de mise en liberté, D. 2019. 1762, et les obs. ; AJ pénal 2019. 600, étude J.-B. Perrier ; Constitutions 2019. 442, Décision ). Par ailleurs, l’article 9 légalise les pratiques d’autorisation permanente du procureur de la République aux officiers de police judiciaire pour procéder à des examens médicaux et psychologiques et à des comparaisons d’empreintes (génétiques ou digitales). Celles-ci avaient été remises en cause par un arrêt de la Cour de cassation du 17 décembre 2019 (v. Dalloz actualité, 24 janv. 2020, obs. S. Fucini).
L’article 11 crée une nouvelle peine complémentaire d’interdiction « de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public ». L’objectif est de lutter contre les pickpockets et les auteurs de violences.
L’article 12 vise à mettre en œuvre le fonds interprofessionnel d’accès au droit et à la justice (FIADJ) institué par la loi Macron. Le sujet était réapparu lors de la dernière loi de finances (v. Dalloz actualité, 22 oct. 2019, art. P. Januel), mais avait été supprimé in extremis (v. Dalloz actualité, 24 déc. 2019, art. P. Januel). La redistribution ne se fera plus qu’entre, d’une part, les notaires et, d’autre part, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires. Pour son financement, le gouvernement semble privilégier le mécanisme des contributions volontaires obligatoires plutôt que la taxe envisagée en loi de finances (et qui aurait rapporté 35 millions d’euros). Le changement se ferait par ordonnances, moyen d’évacuer le parlement d’un sujet où il a été très actif.
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