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Une dernière représentation du contentieux post-divorce des donations conjugales révocables

La remise de fonds entre époux pour l’acquisition d’un bien peut s’analyser en une donation rémunératoire si celui qui reçoit les fonds avait déployé une activité professionnelle et/ou domestique excédant sa contribution aux charges du mariage. Il appartient donc à l’époux qui soutient que l’opération est une donation révocable d’établir que les paiements n’ont pas eu d’autre cause que son intention libérale.

par Quentin Guiguet-Schieléle 11 février 2021

Le contentieux post-divorce sur la révocation des donations conjugales est en voie naturelle de disparition. À l’occasion de cet arrêt du 16 décembre 2020, nous assistons sans doute à l’une des dernières représentations d’une pièce de théâtre d’un autre temps. Elle a pour enjeu le caractère révocable ou irrévocable d’une donation entre époux, selon qu’elle revêt ou non une dimension rémunératoire. La question ne se pose plus guère désormais que pour les donations conjugales entre vifs consenties avant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004. Autant dire que le spectacle se fera de plus en plus rare (sur ce contentieux v. not., J. Casey, La preuve de la donation rémunératoire et l’avocat « professionnel qualifié », AJ fam. 2016. 603 ; Rép. civ.,  Séparation de biens, par G. Yidririm, nos 429 s. ; sur la notion de donation rémunératoire, notamment son intérêt au regard de l’incapacité de recevoir à titre gratuit à laquelle elle échappe, Rép. civ.,  Donation, par I. Najjar, nos 58 s. ; Rép. civ., Donation entre époux, par V. Brémond, nos 27 s. ; C. Goldie-Génicon, Les libéralités rémunératoires, in Mélanges en l’honneur du professeur Gérard Champenois. Liber amicorum, Defrénois, 2012, p. 347 ; P. Timbal, Des donations rémunératoires en droit romain et en droit français, thèse, Toulouse, 1925).

Lever de rideau

Sur scène, deux époux se déchirent. Mariés depuis plusieurs années sous le régime de séparation de biens, ils ne s’entendent plus. Leur divorce est prononcé par un arrêt du 9 septembre 2008 qui énonce notamment la révocation de tous les avantages matrimoniaux consentis par l’époux, sur le fondement de l’ancien article 267 du code civil. Des difficultés s’élèvent quant au règlement de leurs intérêts patrimoniaux.

Au début du premier acte, l’époux attaque : il entend obtenir la révocation des donations qu’il prétend avoir consenties à son épouse (la révocation des avantages matrimoniaux ne lui suffit visiblement pas). Il affirme lui avoir fourni des sommes par l’intermédiaire d’un compte joint. Ces sommes ont été utilisées pour l’acquisition de divers biens immobiliers : deux en indivision et deux au nom personnel de l’épouse. Or, selon l’ancien article 1096 du code civil : « Toutes donations faites entre époux pendant le mariage, quoique qualifiées entre vifs, seront toujours révocables ». Ce texte est applicable en la cause car les donations auraient été consenties avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, le 1er janvier 2005 (art. 47-III L. n° 2006-728 du 23 juin 2006).

À l’ouverture du deuxième acte, l’épouse se défend. Elle sollicite la qualification de l’opération en donation rémunératoire, ce qui exclurait toute possibilité d’en obtenir la révocation. La cour d’appel de Lyon, par arrêt du 3...

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