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Une interdiction d’entrée sur le territoire n’empêche pas le regroupement familial

Par un arrêt du 8 mai, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que la demande de regroupement familial d’un ressortissant non-UE frappé d’une d’interdiction d’entrée sur le territoire doit être appréciée au cas par cas.

par Emmanuelle Maupinle 17 mai 2018

Pour la Cour de justice de l’Union européenne, les demandes de regroupement familial doivent être prises en compte même si le ressortissant d’un pays non-UE, membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, est frappé par une interdiction d’entrée sur le territoire.

La Cour était saisie par le Conseil du contentieux des étrangers belge de plusieurs affaires concernant des ressortissants de pays tiers, résidant en Belgique, ayant fait l’objet d’une décision de retour dans leurs pays respectifs assortie d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire belge. Leurs demandes de titres de séjour, fondées sur les liens existants avec des ressortissants belges, n’ont pas été prises en considération par les autorités belges compétentes au motif que les personnes concernées avaient fait l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire, toujours en vigueur. Le Conseil s’interrogeait sur la compatibilité de cette pratique avec la directive 2008/115 ou avec l’article 20 du TFUE.

Contrairement à la directive 2008/115, l’article 20 du Traité « s’oppose à une pratique d’un État membre consistant à ne pas prendre en considération une telle demande pour ce seul motif, sans qu’il ait été examiné s’il existe une relation de dépendance entre ce citoyen de l’Union et ce ressortissant d’un pays tiers d’une nature telle que, en cas de refus d’octroi d’un droit de séjour dérivé à ce dernier, ledit citoyen de l’Union serait, dans les faits, contraint de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble et serait ainsi privé de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut », estime la Cour de justice de l’Union européenne.

L’existence de cette relation de dépendance doit être appréciée au cas par cas. Pour définir les circonstances dans lesquelles une relation de dépendance, susceptible de fonder un droit de séjour dérivé peut se matérialiser, la Cour distingue les majeurs des mineurs. Pour les premiers, une relation de dépendance « n’est envisageable que dans des cas exceptionnels, dans lesquels, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes, la personne concernée ne peut, d’aucune manière, être séparée du membre de sa famille dont elle dépend ». En revanche, pour le mineur, il faut prendre en compte, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, son âge, son développement physique et émotionnel, le degré de sa relation affective avec chacun de ses parents ou le risque que la séparation d’avec le parent ressortissant d’un pays tiers engendrerait pour son équilibre. Mais, précise la juridiction, « l’existence d’un lien familial avec ce ressortissant, qu’il soit de nature biologique ou juridique, n’est pas suffisante et une cohabitation avec ce dernier n’est pas nécessaire aux fins d’établir pareille relation de dépendance ».

La Cour précise, en outre, que lorsque des raisons d’ordre public ont justifié une décision d’interdiction d’entrée, ces dernières ne peuvent conduire au refus d’octroi à ce ressortissant d’un droit de séjour dérivé que s’il ressort d’une appréciation concrète de l’ensemble des circonstances de l’espèce, à la lumière du principe de proportionnalité, de l’intérêt supérieur du ou des éventuels enfants concernés et des droits fondamentaux, que l’intéressé représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l’ordre public.