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Une mairie peut refuser d’inscrire un élève à la cantine scolaire en cas de manque de places

le Conseil d’État est venu préciser la portée du droit, reconnu par la loi depuis 2017, pour tous les enfants scolarisés d’être inscrits aux services de restauration scolaire mis en place par les communes dans les écoles primaires.

par Thomas Bigotle 29 mars 2021

Le droit pour tout élève de s’inscrire à la cantine de l’école primaire doit-il être compris comme une obligation pour la commune de garantir le droit d’inscription à tous les enfants scolarisés qui en font la demande, ou seulement comme une interdiction de retenir des critères discriminatoires dans l’attribution des places disponibles ? C’est la question que posait l’affaire présentée devant le Conseil d’État.

En l’espèce, par deux courriers adressés aux services de la commune de Besançon, la mère d’un élève en classe de CE1 a sollicité l’inscription de son fils auprès des services périscolaires de restauration, d’accueil du matin et d’accueil de l’après-midi. Par une décision du 18 septembre 2019, le maire de la commune de Besançon a rejeté chacune de ces demandes d’inscription, au motif qu’aucune place n’était disponible.

Par un jugement du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a partiellement annulé la décision de la commune de Besançon, en tant qu’elle refuse d’inscrire le fils de la requérante auprès du service de restauration scolaire. La commune de Besançon a interjeté appel du jugement en tant qu’il donne satisfaction à la requérante sur ce point. La cour administrative d’appel de Nancy a, par un arrêt du 5 février 2019, rejeté la requête de la commune (CAA Nancy, 5 févr. 2019, n° 18NC00237, AJCT 2020. 73, étude F.-J. Defert ), qui a alors présenté un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.

Les juridictions du fond ont considéré que la commune ne pouvait se délier de son obligation légale en se prévalant des contraintes techniques et financières auxquelles se heurterait sa mise en œuvre.

La cantine scolaire, un service public « particulier » mais généralisé

Le litige repose sur l’interprétation du droit général posé en ces termes par l’article L. 131-13 du code de l’éducation : « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ».

Cette disposition, issue de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, a pour objectif de lutter contre la pratique de certaines municipalités, qui prétextent du nombre limité de places disponibles pour refuser d’accueillir des élèves selon des critères discriminatoires, tenant notamment à l’origine ethnique des familles ou à la situation socio-professionnelle des parents des élèves. En effet, face aux contraintes matérielles et financières inhérentes à la mise en place d’un service de restauration scolaire, plusieurs municipalités ont fait le choix de refuser l’inscription à la cantine des élèves dont les parents sont au chômage, au motif que ces derniers seraient suffisamment disponibles pour s’occuper de leurs enfants durant la pause méridienne, et privilégiant par conséquent des familles plus favorisées dans l’accès au service public.

Or, comme l’a récemment relevé le rapporteur public du Conseil d’État dans le dernier épisode de la saga des « menus de substitution » à la cantine (CE 11 déc. 2020, n° 426483, Chalon-sur-Saône (Cne), Lebon avec les concl. ; AJDA 2021. 461 , concl. L. Cytermann ; ibid. 2020. 2464 ; AJCT 2021. 157, obs. H. Bouillon ), la restauration scolaire est un service public particulier à bien des égards et auquel sont très attachés les citoyens. Outre que la cantine scolaire soulage le quotidien des parents qui sont effectivement dans l’impossibilité de récupérer leurs enfants lors de la pause méridienne, elle est également, « pour des millions de familles défavorisées, un élément essentiel de leur capacité à subvenir aux besoins alimentaires de leurs enfants, et son absence durant le confinement a été durement ressentie ».

Aussi, bien que l’article en cause ne soit que la transposition dans la loi d’une jurisprudence administrative jusque-là bien établie, son adoption par les deux chambres n’a pourtant pas été simple. Certains...

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