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Une nouvelle loi sur l’IVG

La loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement garantit un meilleur accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en allongeant, entre autres, le délai légal de l’IVG.

La loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement s’inscrit dans une évolution législative destinée à faciliter l’accès à l’IVG. La mesure phare consiste en l’allongement du délai légal mais d’autres mesures importantes ont également été prises dans la continuité de certaines réformes précédentes, notamment l’extension de la compétence des sages-femmes.

Allongement du délai de l’IVG chirurgicale

Les premières mesures concernent l’allongement des délais, et notamment celui du délai légal de douze à quatorze semaines. Le délai légal avait déjà subi un allongement, passant de dix à douze semaines, avec la loi du 4 juillet 2001.

Ce nouvel allongement du délai légal est apparu nécessaire en raison du nombre de femmes ayant dépassé la limite autorisée pour les IVG en France et se rendant à l’étranger pour interrompre leur grossesse. Le rapport d’information fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, à l’origine de cette proposition de loi, et remis à l’Assemblée nationale le 16 septembre 2020, avance le chiffre de 3 000 à 4 000 femmes concernées.

Mais, au-delà de l’importance de ce chiffre, les raisons de cet allongement relèvent du contexte dans lequel l’interruption volontaire de grossesse est mise en œuvre aujourd’hui en France, comme l’exposent tant le rapport précité que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Ce dernier, dans son avis favorable à l’allongement du délai légal du 8 décembre 2020, relève ainsi plusieurs éléments justifiant sa décision fondée sur la bienveillance à l’égard des femmes :

  • le délai qui s’écoule entre la première demande des femmes en vue d’une IVG auprès d’un professionnel et la réalisation effective de l’acte est en moyenne de 7,4 jours ;
     
  • la probabilité d’avoir eu une IVG décroît avec l’augmentation du niveau de vie ;
     
  • les inégalités territoriales en termes d’accès à l’IVG sont fortes ;
     
  • le nombre établissements de santé pratiquant l’IVG ne cesse de baisser ;
     
  • il existe des difficultés d’accès spécifiques à certains publics en raison de leur précarité ou de la barrière de la langue.

Comme le constate le CCNE, ce sont ainsi principalement les difficultés d’accès à l’IVG dans le délai légal qui conduisent « des femmes à ne pas pouvoir réaliser leur décision personnelle, sauf à solliciter un déplacement à l’étranger pour en concrétiser la réalisation ».

L’allongement de ce délai est donc motivé par le constat d’un certain échec à garantir l’accès à l’IVG pour toutes les femmes et s’inscrit dans la volonté d’en améliorer l’accès.

Allongement du délai de l’IVG médicamenteuse

L’autre allongement de délai concerne celui des IVG médicamenteuses. Il existe en effet deux méthodes d’interruption volontaire de grossesse entre lesquelles la femme choisit librement en vertu de l’article L. 2212-1 du code de la santé publique : la méthode chirurgicale, dite aussi instrumentale, et la méthode médicamenteuse. La loi du 2 mars 2022 modifie d’ailleurs quelque peu ce texte afin que soit bien précisé que la femme « a le droit » d’en choisir une librement tandis qu’elle « doit » être informée sur ces méthodes : un droit à l’information au service d’une liberté de choix est ainsi consolidé. Ces deux méthodes répondent à des conditions communes strictes dont l’information et le consentement écrit de la femme. Cependant, leur mise en œuvre est très différente.

Alors que l’IVG chirurgicale peut être pratiquée jusqu’à la fin du délai légal, l’IVG médicamenteuse ne peut, en raison du moyen employé, répondre à toutes les demandes d’interruption de grossesse mais seulement à celles qui concernent les grossesses les plus précoces. L’IVG médicamenteuse ne peut être pratiquée en établissement de santé que dans les sept premières semaines de grossesse tandis que l’article R. 2212-10 du code de la santé publique limitait la réalisation des IVG médicamenteuses hors établissement de santé à la fin de la cinquième semaine de grossesse.

Mais la loi vient ici pérenniser une mesure temporaire prise durant l’épidémie de covid, l’allongement de ce délai de cinq à sept semaines. Un arrêté du 14 avril 2020, complétant celui du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, avait en effet assoupli temporairement les conditions de l’IVG médicamenteuse. La mesure principale consistait en un allongement du délai propre à cette forme d’interruption de grossesse : l’article 10-4 I de l’arrêté autorisait sa mise en œuvre hors établissement de santé jusqu’à la fin de la septième semaine de grossesse.

Suivant la recommandation de la Haute Autorité de santé publiée dans un avis du 12 avril 2021, la loi uniformise le délai pour pratiquer l’IVG médicamenteuse à sept semaines, qu’elle se réalise dans ou hors un établissement de santé, toujours dans un souci de faciliter l’accès à l’IVG.

Évolution de la pratique de l’IVG médicamenteuse

La pratique même de cette forme d’IVG médicamenteuse hors établissement de santé évolue, pérennisant là encore des mesures prises dans le cadre de la covid-19. L’article L. 2212-2 prévoit désormais que l’interruption volontaire de grossesse peut être pratiquée « dans le cadre de consultations, le cas échéant réalisées à distance ». C’est ainsi que la prise du médicament, qui ne pouvait auparavant se faire qu’en présence d’un médecin ou d’une sage-femme, peut se réaliser à domicile dans le cadre d’une téléconsultation avec le professionnel de santé, comme cela avait été prévu par le même arrêté du 14 avril 2020 et comme le recommandait la Haute Autorité de santé dans l’avis précité. La femme pourra donc rester chez elle. Plus globalement, la loi consacre la possibilité de réaliser à distance les deux consultations médicales obligatoires avant toute interruption volontaire de grossesse.

Extension des compétences des sages-femmes

C’est cette même volonté de faciliter l’accès à l’IVG qui anime les dispositions de la loi prévoyant une extension des compétences des sages-femmes en matière d’IVG.

Tandis que l’IVG est restée pendant très longtemps un acte médical qui ne pouvait être pratiqué que par un médecin, les difficultés d’accès à l’IVG et notamment le manque croissant de médecins acceptant de pratiquer cet acte médical ont conduit le législateur à mobiliser à cet égard une autre profession de santé, les sages-femmes. Elles sont ainsi autorisées depuis 2016 à pratiquer des IVG médicamenteuses. La loi du 2 mars 2022 vient accroître encore leur compétence en les autorisant à réaliser des IVG par voie chirurgicale après que la loi du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 l’a prévu à titre expérimental. Un décret du 30 décembre 2021 en précise d’ailleurs les modalités de mise en œuvre.

Cette loi met ainsi définitivement fin à l’exclusivité de la compétence des médecins en matière d’IVG. L’article L. 2212-2 prévoit donc dorénavant que « l’interruption de grossesse ne peut être pratiquée que par un médecin ou une sage-femme » dont il est précisé qu’elle est une « profession médicale à part entière ». Le texte indique également que, « lorsqu’une sage-femme la réalise par voie chirurgicale, cette interruption ne peut avoir lieu que dans un établissement de santé ». Elles ne peuvent donc pas, contrairement aux médecins, les pratiquer en centres de santé.

Fin de tout délai de réflexion

La loi du 2 mars 2022 met aussi fin au délai de réflexion résiduel de deux jours qui subsistait après un entretien psychosocial. Cet entretien prévu à l’article L. 2212-4, alinéa 2, est facultatif pour la femme majeure mais obligatoire pour la femme mineure non émancipée. Cette disposition est donc surtout significative pour les mineures. Mais elle consacre la fin de tout délai de réflexion imposé en matière d’IVG, après que la loi du 26 janvier 2016 a mis fin au délai de réflexion d’une semaine autrefois imposée à toute femme désirant interrompre volontairement sa grossesse.

Sanction en cas de refus de délivrer un moyen de contraception en urgence

Une dernière disposition est insérée à l’article L. 1110-3 du code de la santé publique afin de sanctionner un « professionnel de santé » qui refuserait « l’accès à un moyen de contraception en urgence ». Le pharmacien est ici principalement visé.

Bilans

Il est également prévu par la loi que le gouvernement devra remettre au Parlement, dans les six mois de la publication de la loi, un bilan de l’application de la législation sur le délit d’entrave à l’IVG. Il devra également dresser le bilan du dispositif d’accès des femmes à l’IVG.

Maintien de la clause de conscience

Le texte initial de la proposition de loi prévoyait de supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG qui permet aux médecins et aux sages-femmes de refuser de pratiquer un tel acte. Les députés ont supprimé cette disposition lors de la deuxième lecture du texte.