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Usage d’un téléphone au volant : nécessité d’un véhicule en circulation

Un véhicule momentanément arrêté sur une voie de circulation pour une cause autre qu’un événement de force majeure est un véhicule en circulation. Le conducteur d’un tel véhicule peut donc être poursuivi du chef d’usage d’un téléphone tenu en main par le conducteur d’un véhicule en circulation.

par Dorothée Goetzle 5 février 2018

En l’espèce, un individu est contrôlé alors qu’il était en train d’utiliser son téléphone en étant assis au volant de son véhicule. Il stationnait, moteur allumé, sur la file de droite d’un rond-point avec les feux de détresse allumés. Le procès-verbal de renseignement judiciaire établi à la demande de l’officier du ministère public est très clair : le moteur était en état de marche. Poursuivi devant la juridiction de proximité du chef d’usage d’un téléphone tenu en main par le conducteur d’un véhicule en circulation, l’intéressé sollicitait sa relaxe. Il soutenait en effet que son véhicule n’était pas en circulation puisqu’il se trouvait à l’arrêt, moteur éteint. La juridiction de proximité est entrée en voie de condamnation et l’a condamné à 135 € d’amende. Pour justifier ce choix, la juridiction rappelle les conditions dans lesquelles s’est déroulé le contrôle, à savoir que le prévenu faisait usage de son téléphone au volant de son véhicule et se trouvait en stationnement sur une voie de circulation. Ils montrent ensuite leur intérêt par rapport à l’argument avancé par le prévenu selon lequel le moteur était coupé au moment du contrôle. Toutefois, ils constatent que les éléments versés aux débats ne permettent pas d’établir le bien-fondé de ses allégations. En conséquence, ils en déduisent que le véhicule, bien qu’arrêté momentanément, « devait être considéré comme étant en circulation ».

Le conducteur forme un pourvoi en cassation et invoque la violation de l’article R. 412-6-1 du code de la route. L’alinéa 1 de ce texte dispose que « l’usage d’un téléphone tenu en main par le conducteur d’un véhicule en circulation est interdit ». Le prévenu revendiquait que son véhicule n’était pas en circulation, espérant ainsi rendre inapplicable le texte d’incrimination précité. Il est vrai que la jurisprudence pose comme condition, pour pouvoir appliquer l’article R. 412-6-1 du code de la route, que le véhicule objet du contrôle soit en circulation. La chambre criminelle a déjà eu l’occasion d’apporter des précisions sur le sens à donner à cette exigence de circulation du véhicule. Elle a déjà affirmé que l’article R. 412-6-1 du code de la route est applicable au conducteur d’un véhicule arrêté à un feu rouge, le véhicule étant alors considéré en circulation (Crim. 20 sept. 2006). En revanche, ce texte n’est pas applicable au conducteur d’un véhicule en stationnement, l’obligation de se tenir constamment en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres nécessaires ne s’appliquant qu’au conducteur d’un véhicule en circulation (Crim. 13 mars 2007, n° 06-88.537, Bull. crim. n° 77 ; D. 2007. 1206 ; AJ pénal 2007. 281, et les obs. ; Jurispr. auto 2007. 297; Dr. pénal 2007, n° 105, obs. J.-H. Robert).

En l’espèce, la question est donc de savoir si un véhicule arrêté momentanément sur une voie de circulation peut ne pas être en circulation. Pour la Cour de cassation, la réponse est non. En effet, « doit être regardé comme étant toujours en circulation, au sens et pour l’application de l’article R. 412-6-1 du code de la route, le véhicule momentanément arrêté sur une voie de circulation pour une cause autre qu’un événement de force majeure ». En conséquence, la chambre criminelle rejette le pourvoi.

Ce choix est logique. Premièrement, il s’agit d’une interprétation stricte et pragmatique de l’article R. 412-6-1 du code de la route. En effet, comment un véhicule pourrait-il ne pas être en circulation alors qu’il est arrêté, hors le cas de la force majeure, sur une voie de circulation ? C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le code de la route réglemente l’arrêt et le stationnement des véhicules ainsi que l’entrave à la circulation (v. en ce sens C. route, art. L. 412-1 et R. 412-51). Deuxièmement, le rejet du pourvoi s’explique également par l’article 537 du code de procédure pénale, selon lequel les procès-verbaux dressés par les agents de police judiciaire font foi jusqu’à preuve contraire des contraventions qu’ils constatent, preuve contraire qui ne peut être rapportée que par écrit ou par témoin. La chambre criminelle a en effet déjà rappelé que méconnaît cet article la juridiction de proximité qui, pour relaxer un prévenu du chef d’usage d’un téléphone tenu en main par le conducteur d’un véhicule en circulation, énonce que « l’imprécision et même l’invraisemblance de l’heure exacte » de commission des faits affectent la valeur probante du procès-verbal, sans constater expressément que la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal avait été rapportée dans les conditions prévues par la loi (Crim. 4 juin 2008, Jurispr. Auto 2008. 511).