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Usage de la marque d’autrui pour le référencement d’un site Internet et contrefaçon de marque

La Cour de cassation marque la fin du contentieux Aquarelle (du nom de la demanderesse) qui alimente la jurisprudence depuis 2017 concernant l’usage de la marque d’autrui, d’une part, à des fins de référencement payant, avec la problématique de la réservation de la marque d’autrui comme Google Adwords (pratique de « position squatting ») et, d’autre part, à des fins de référencement naturel, avec la problématique de l’usage de la marque d’autrui dans le code source du site Internet (pratique du « meta-tag squatting »).

La société Aquarelle qui est spécialisée dans la vente de fleurs, plantes et décorations florales, est titulaire de plusieurs marques verbales (française et de l’Union européenne) « AQUARELLE » pour désigner notamment des fleurs naturelles. La société concurrente SCT qui a pour activité la vente en ligne de fleurs avait réservé le mot « AQUARELLE » à titre de Google Adwords, en vue du référencement payant de son site. Ainsi, s’affichait en premier résultat, après une recherche avec le mot clé « AQUARELLE » sur le moteur de recherches Google, une annonce renvoyant au site de la société SCT. Par ailleurs, la société SCT a intégré le mot « AQUARELLE » directement dans la balise du code source de son site internet en vue d’en favoriser le référencement naturel. Ainsi, lorsqu’une recherche était réalisée à partir de ce mot clé, le site de la société SCT s’affichait en priorité parmi les résultats de la recherche.

La société Aquarelle a attaqué la société SCT en contrefaçon de marque en raison de ces usages. Nous relevons que d’autres agissements étaient reprochés sur le fondement de la contrefaçon de marque et de la concurrence déloyale par la société Aquarelle à la société SCT, mais ne sont pas intégrés au présent commentaire, étant hors des débats devant la Cour de Cassation.

Par jugement du 12 octobre 2017, le Tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Aquarelle de ses demandes fondées sur la contrefaçon de marque en raison des usages de sa marque par la société SCT en vue du référencement naturel et payant de son site internet. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 3 mars 2020, a confirmé la décision de première instance à ce titre.

Présentation succincte de la décision de la cour d’appel attaquée par le pourvoi

S’agissant, d’abord, de l’usage de la marque d’un tiers comme mot clé dans le système de référencement Adwords, et pour confirmer l’absence de contrefaçon de marque, la cour d’appel s’est fondée sur l’article L. 713-2, a), du code de propriété intellectuelle qui prévoit que le titulaire d’une marque peut s’opposer à l’usage d’un signe identique à sa marque pour désigner des produits et services identiques à ceux désignés par sa marque, sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve d’un risque de confusion. Sa décision était aussi fondée sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) venue interpréter l’article 9, § 1, a), du règlement (CE) 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire (pendant au niveau communautaire de l’art. L. 713-2, a), du CPI) selon laquelle le titulaire d’une marque ne peut s’opposer à l’exploitation d’un signe identique à sa marque pour désigner des produits identiques à ceux pour laquelle sa marque a été enregistrée seulement si cet usage porte atteinte à l’une des fonctions essentielles de la marque (CJUE 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal Football Club PLC c/ Matthew Reed, D. 2003. 755, et les obs. , note P. de Candé ; RTD com. 2003. 415, obs. M. Luby ; RTD eur. 2004. 106, obs. G. Bonet ).

La cour d’appel s’est ensuite fondée sur la décision dite Google c/ Louis Vuitton Malletier SA (CJUE 23 mars 2010, aff. C-236/08, Dalloz actualité, 30 mars 2010, obs. C. Manara ; D. 2010. 885, obs. C. Manara ; ibid. 1966, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny-Goy ; ibid. 2011. 908, obs. S. Durrande ; Légipresse 2010. 158, comm. C. Maréchal ; RTD eur. 2010. 939, chron. E. Treppoz ) qui a jugé, concernant la réservation de la marque d’autrui comme mot clé, qu’il y a atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque et donc contrefaçon lorsque l’annonce générée par le mot clé reproduisant la marque d’autrui, « ne permet pas ou seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci, ou au contraire d’un tiers ». Dans cette décision la CJUE a précisé qu’il incombait à la juridiction nationale saisie « d’apprécier au cas par cas, si les faits du litige dont elle est saisie sont caractérisés par une atteinte ou un risque d’atteinte, à la fonction d’indication d’origine ».

Appliquant ces directives, la cour d’appel s’est ainsi livrée à une analyse de la présentation de l’annonce litigieuse. Elle a alors considéré que l’internaute moyen était bien en mesure d’être éclairé sur l’identité du site, dans la mesure où la marque litigieuse « AQUARELLE » n’apparaissait ni dans l’annonce publicitaire elle-même, ni dans le lien cliquable renvoyant au site de la société SCT, ni dans l’adresse URL du site Internet...

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