Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Utiles précisions sur l’indemnisation du passager en cas de retard important de vol

Le passager est privé du droit à indemnisation forfaitaire prévu par le règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 en l’absence de présentation à l’embarquement d’un vol qui est arrivé avec un retard important ou encore lorsque l’achat d’un billet sur un vol de remplacement a permis d’arriver à destination avec moins de trois heures de retard.

Par deux arrêts du 25 janvier 2024, la Cour de justice de l’Union européenne a apporté plusieurs précisions fort utiles sur les conditions du bénéfice du droit à indemnisation prévues par le règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 sur les droits des passagers aériens. Ce texte fondamental, qui vient de fêter son vingtième anniversaire, pourrait d’ailleurs être prochainement révisé, la Commission voulant notamment, à l’occasion de cette révision, renforcer les droits des passagers ayant réservé des vols via un intermédiaire (la dir. [UE] 2015/2302 du 25 nov. 2015, dite « travel », pourrait égal. être révisée ; X. Delpech, Révision de la directive travel et du règlement passagers aériens en vue, JT 2024, n° 270, p. 9 ).

Ce règlement, nul ne l’ignore, prévoit une indemnisation forfaitaire en faveur des passagers victimes d’une annulation de vol, dont le montant varie entre 250 et 600 € en fonction de la distance du vol et de son caractère intra-communautaire ou non (art. 5, § 1er, et 7, § 1er).

Les raisons de l’assimilation du retard important à l’annulation de vol

La Cour de justice a étendu, dans un arrêt remarqué – et sévèrement critiqué par les compagnies aériennes – le bénéfice de l’indemnisation en faveur du passager ayant subi un retard important, à savoir de trois heures ou plus après l’heure d’arrivée initialement prévue par le transporteur aérien (CJCE 19 nov. 2009, Sturgeon, aff. C-402/07 et C-432/07, D. 2010. 1461 , note G. Poissonnier et P. Osseland ; ibid. 2011. 1445, obs. H. Kenfack ; JT 2010, n° 116, p. 12, obs. X.D. ; RTD com. 2010. 627, obs. P. Delebecque ; RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ; JCP 2009. Actu. 543, obs. F. Picod ; ibid. 2010. 201, obs. J. Stuyck). Arrêt critiquable, car, comme on a pu l’affirmer, la règle d’or du transport aérien est celle de la sécurité de la navigation, dont le respect doit conduire, si besoin est, à différer le décollage, et cet impératif devrait tempérer l’exigence de ponctualité (P. Delebecque, obs. préc.). L’arrêt Sturgeon est d’ailleurs un véritable arrêt de règlement, rendu ultra legem ; il faut dire, comme l’a justement fait remarquer le professeur Balat, que la Cour de justice n’est pas tenue par la prohibition de l’article 5 du code civil (N. Balat, Une introduction au droit des contrats de transport à partir de Josserand, in Mélanges en l’honneur de Philippe Delebecque, Dalloz, 2024, à paraître).

La Cour explique de manière très pédagogique les raisons de cette assimilation, très critiquée par les compagnies aériennes : elle tient au fait que les passagers d’un vol affecté d’un retard important subissent, à l’instar des passagers d’un vol annulé, un préjudice qui se matérialise par une « perte de temps irréversible », égale ou supérieure à trois heures, et, partant, un « désagrément analogue » (aff. C-54/23, pt 20, D. 2024. 166 ; JT 2024, n° 272, p. 11, obs. X. Delpech ). L’utilisation du terme « désagrément » – et non de dommage – est à cet égard symptomatique. Il traduit l’idée selon laquelle le règlement (CE) n° 261/2004 ne raisonne pas en termes de responsabilité (P. Delebecque, Le règlement [CE] n°...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :