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Validité de la captation des données EncroChat : recours préalable obligatoire devant les juridictions françaises

La Cour européenne des droits de l’homme rejette la saisine des requérants, faute pour eux d’avoir épuisé les voies de recours internes. Poursuivis au Royaume-Uni, notamment sur la base de données captées en France et transmises par décision d’enquête européenne aux autorités britanniques, les intéressés auraient dû contester la légalité de la captation devant les juridictions françaises pour valablement saisir la Cour à l’encontre de la France. 

La décision de la Cour européenne relative à la validité de la captation des données d’EncroChat par les autorités françaises était particulièrement attendue, d’autant que la Cour de justice de l’Union européenne s’était récemment prononcée sur le sujet. Toutefois, cette décision d’irrecevabilité n’éclaire que partiellement le contentieux en la matière.

La captation des données en France

EncroChat était un dispositif de communication chiffré qui fonctionnait en réseau fermé par téléphone mobile et qui ne fut distribué que de manière occulte et clandestine de 2016 à 2020. La saisie de plusieurs téléphones possédant ce dispositif dans des affaires différentes a conduit les autorités françaises, par recoupement d’informations, à ouvrir une enquête préliminaire des chefs d’associations de malfaiteurs qui visait les utilisateurs d’EncroChat et les personnes ayant permis sa diffusion en France. Diverses mesures de captations des données, autorisées et reconduites par le juge des libertés et de la détention, furent mises en place sur l’ensemble des appareils reliés au réseau EncroChat. Ces mesures étaient motivées en ce que les premières investigations avaient démontré que les téléphones concernés étaient utilisés dans le cadre d’activités criminelles générant des revenus considérables et que les terminaux EncroChat étaient utilisés à des fins criminelles. Les captations ont porté sur près de 40 000 terminaux et ont été permises par un logiciel créé par une équipe commune d’enquête. Un dossier fut parallèlement ouvert auprès d’Europol, ce qui a conduit la France à proposer aux autorités britanniques (le Royaume-Uni étant alors encore membre de l’UE) de mettre à leur disposition les données concernant les utilisateurs localisés sur leur territoire.

La demande de transmission britannique et les poursuites au Royaume-Uni

En 2020, les autorités britanniques ont émis une décision d’enquête européenne (DEE) afin d’obtenir la transmission de toutes les données concernant les appareils localisés sur son sol que les autorités françaises parviendraient à capter à titre de preuve recueillie dans l’État d’exécution (la décision était intervenue en période de transition du Brexit et demeure régie par le droit de l’UE). Les données de plus de 7 000 appareils ont été transmises par les autorités françaises et exploitées par les autorités britanniques. Les deux futurs requérants devant la Cour européenne ont été poursuivis par les autorités britanniques, notamment à raison des données issues dEncroChat, ces dernières étant retenues à titre de preuve. Les deux requérants contestaient en interne la recevabilité de ces preuves. Les juges nationaux rejetaient cette contestation, tant par une analyse de l’équité de la procédure eu égard à la réglementation nationale qu’en retenant que la légalité des opérations captation sont régies par le seul droit français.

Saisine de la Cour européenne

Les deux requérants ont alors saisi la Cour européenne. Il se plaignaient d’une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme à raison de la captation des données sur l’ensemble des terminaux et de leur transmission aux autorités britanniques, critiquant tant les dispositions relatives à la captation que la nécessité de l’ingérence. Les intéressés n’ayant effectué aucun recours France, ils invoquaient par ailleurs une violation des articles 6 et 13, en ce qu’ils ne disposent d’aucun recours leur permettant de contester de manière effective les décisions ayant permis la captation des données, faute de qualité à agir. La France a alors excipé de trois causes d’irrecevabilité afin que la Cour ne juge pas sur le fond.

Position antérieure de la Cour de justice de l’Union européenne

Dans son arrêt M.N. (EncroChat) de grande chambre du 30 avril 2024, la Cour de justice a été amenée à préciser l’organisation des voies de recours s’agissant de l’émission et de l’exécution de décisions d’enquête européennes relatives à la transmission de données d’EncroChat collectées par les autorités françaises (CJUE 30 avr. 2024, aff. C-670/22, Dalloz actualité, 31 mai 2024, obs. H. Christodoulou ; AJDA 2024. 1107, chron. P. Bonneville et A. Iljic ; D. 2024. 874 ; AJ pénal 2024. 324, note H. Partouche et C. Berthélémy ). L’on savait que les règles relatives à l’admissibilité et à l’appréciation des preuves relèvent « en principe » du seul droit national (CJUE 6 oct. 2020, La Quadrature du Net e.a., aff. C-511/18, C-512/18 et C-520/18, § 222, Dalloz actualité, 13 oct. 2020, obs. C. Crichton ; AJDA 2020. 1880 ; D. 2021. 406, et les obs. , note M. Lassalle ; ibid. 2020. 2262, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; ibid. 2022. 2002, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; AJ pénal...

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