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Variations sur la durée des mesures de sonorisation

La présence dans un lieu d’habitation d’un dispositif de sonorisation devenu inutilisable ne suffit pas à caractériser une atteinte effective au droit à la vie privée. La durée maximale de deux ans ne s’applique pas à la somme des durées de sonorisations réalisées à l’occasion de procédures distinctes, sauf en cas de recours à un stratagème. Par ailleurs, il est loisible au juge d’instruction d’ordonner plusieurs mesures de sonorisation dans un même domicile et à l’occasion d’une même information judiciaire, dès lors que la durée totale des opérations n’excède pas deux ans.

La sonorisation est une mesure d’investigation particulièrement intrusive, qui a pour objet de capter, fixer, transmettre et enregistrer les paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel sans leurs consentements (C. pr. pén., art. 706-96). Selon la Cour européenne des droits de l’homme, elle fait partie des techniques de surveillance les plus graves dans la vie privée d’un individu, qui révèlent plus d’informations sur la conduite, les opinions ou les sentiments de la personne qui en fait l’objet (CEDH 13 sept. 2018, Big Brother Watch et autres c/ Royaume-Uni, nos 58170/13, 62322/14 et 24960/15, § 350, Dalloz actualité, 4 oct. 2018, obs. S. Lavric ; D. 2019. 1673, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; AJ pénal 2018. 529 ).

Dans leur régime actuel, les sonorisations de police judiciaire sont réservées aux investigations relatives à la criminalité et à la délinquance organisée (C. pr. pén., art. 706-95-11). En effet, le Conseil constitutionnel a refusé l’extension des techniques spéciales d’enquête, dont relève la sonorisation, à des infractions qui ne sont pas d’une particulière gravité et complexité (Cons. const. 21 mars 2019, n° 2019-778 DC, Dalloz actualité, 25 mars 2019, obs. P. Januel ; ibid., 4 avr. 2019, obs. Y. Rouquet ; AJDA 2019. 663 ; D. 2019. 910, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; ibid. 2020. 1324, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; AJ fam. 2019. 172, obs. V. Avena-Robardet ; Constitutions 2019. 40, chron. P. Bachschmidt ; AJ pénal 2019. 180, obs. J. Leblois-Happe ). L’affaire étudiée répond à cette condition de complexité ; afin de simplifier la présentation des faits, ils seront scindés en deux parties.

Le maintien dans les locaux du dispositif de sonorisation désactivé

Dans le cadre d’une information judiciaire ouverte en raison d’infractions à la législation sur les armes, l’appartement occupé par un couple a fait l’objet d’une sonorisation du 3 juin 2016 au 6 juin 2017. À la fin de la mesure, les enquêteurs ont désactivé le dispositif. Par deux fois, ils ont tenté d’aller le récupérer, mais ils se sont heurtés à une porte inviolable. Puis, dans le cadre d’une deuxième information judiciaire relative à une tentative d’assassinat, le même juge d’instruction a estimé nécessaire de sonoriser le même appartement, ce qu’il a ordonné le 16 novembre 2018. Pour ce faire, le 3 décembre 2018, un service technique de la police national a réactivé à distance le dispositif, pour une durée qui n’est pas indiquée dans l’arrêt étudié. On sait en revanche que cette deuxième mesure de sonorisation a révélé la dissimulation d’importantes sommes d’argent dans l’appartement. Pour cette raison, une troisième information judiciaire a été ouverte, et une nouvelle sonorisation de l’appartement a été réalisée, du 12 avril 2019 au 28 septembre 2020.

L’occupante des lieux, après avoir été mise en examen dans le cadre de la troisième affaire, a soulevé la nullité des mesures de sonorisations. Sa demande ayant été rejetée,...

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