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Vente d’un immeuble occupé et dol de l’acheteur

La personne qui se porte acquéreur d’un immeuble loué ne peut pas dissimuler, lors de l’échange des consentements avec le vendeur, la conclusion préalable d’un accord de résiliation amiable du bail avec le locataire, même si le vendeur avait préalablement consenti une promesse unilatérale de vente.

Il arrive fréquemment que l’acquéreur d’un bien immobilier sollicite l’annulation de la vente ou le versement de dommages-intérêts sur le fondement du dol aux motifs que le vendeur a surpris son consentement par des manœuvres positives de tromperie (actes ou mensonges) ou des silences fautifs (réticence dolosive). L’hypothèse d’une action du vendeur sur ce fondement est beaucoup plus rare dans la mesure où il est censé connaître mieux que quiconque la valeur et les qualités substantielles du bien qu’il propose sur le marché. Le dol de l’acheteur se manifeste d’ailleurs généralement dans la rétention d’une information relative au bien convoité qui lui permet de réaliser une bonne affaire. Cette configuration a donné lieu à l’élaboration d’une jurisprudence fournie. Après avoir décidé qu’« aucune obligation d’information ne pèse sur l’acheteur, même professionnel sur la valeur du bien acquis » (Civ. 3e, 17 janv. 2007, n° 06-10.442, D. 2007. 1051 , note D. Mazeaud ; ibid. 1054, note P. Stoffel-Munck ; ibid. 2966, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; AJDI 2007. 416 , obs. S. Bigot De La Touanne ; RTD civ. 2007. 335, obs. J. Mestre et B. Fages ; v. déjà l’arrêt Baldus, Civ. 1re, 3 mai 2000, n° 98-11.381, D. 2002. 928 , obs. O. Tournafond ; RTD civ. 2000. 566, obs. J. Mestre et B. Fages ), la Cour de cassation a exceptionnellement retenu la réticence dolosive de l’acquéreur s’il détient une information privilégiée sur le bien vendu (v. sur la connaissance de la richesse du sous-sol d’un bien, Civ. 3e, 15 nov. 2000, Bull. civ. III, n° 171 ; v. déjà, sur la connaissance de la révision prochaine du plan d’occupation des sols, CIv. 3e, 27 mars 1991, n° 89-16.975, D. 1992. 196 , obs. G. Paisant ; RTD civ. 1992. 81, obs. J. Mestre ). C’est exactement dans ce champ d’exception que s’inscrit la présente décision, mais les faits apportent à la solution un relief particulier.

Résiliation amiable du bail sous condition suspensive

En l’espèce, le bien litigieux est constitué de cinq lots d’un immeuble en copropriété. Le 5 octobre 2011, il fait l’objet d’une promesse unilatérale de vente conclue en la forme authentique qui stipule que les lots sont à vendre pour un montant 1 100 000 € et qu’ils sont assortis d’un contrat de bail d’habitation en cours au profit d’un tiers. Le 23 novembre 2011, l’acheteur conclut avec le locataire un accord de résiliation amiable du bail sous condition suspensive de la réalisation de la vente en contrepartie du versement de la somme 100 000 €. Le 17 janvier 2012, la vente est conclue dans les mêmes conditions que celles prévues dans la promesse unilatérale de vente sans que l’acheteur n’informe la venderesse de l’accord conclu avec le locataire.

La venderesse agit alors en dommages-intérêts après avoir pris connaissance du contrat entre l’acheteur et le locataire, puisqu’elle estime que si elle avait eu connaissance de cet accord, elle n’aurait pas accepté de céder le bien litigieux au prix de 1 100 000 €. Contrairement aux juges de première instance, la cour d’appel de Paris accueille sa demande en condamnant l’acquéreur au paiement de 300 000 € de dommages-intérêts.

Moment où le consentement du vendeur est acquis

Le moyen au pourvoi soulevé par l’acheteur, divisé en quatre branches, se concentre sur le moment où il convient de considérer comme acquis le consentement du vendeur à l’opération de vente. Il défend que ce consentement s’apprécie au moment où est conclue la promesse unilatérale de vente, soit...

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