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Vente sur licitation : remplacement de l’avocat désigné pour établir le cahier des charges

Il entre dans les pouvoirs du juge commis, tenu de veiller au bon déroulement des opérations de partage et de statuer sur les demandes relatives à la succession, de procéder au remplacement de l’avocat désigné par un jugement pour rédiger le cahier des charges de la vente sur licitation.

par Mehdi Kebirle 5 janvier 2018

Cet arrêt porte sur les prérogatives du juge commis en matière de partage judiciaire, une question qui a connu un profond changement depuis le décret n° 2006-1805 du 23 décembre 2006. Alors qu’avant ce texte, le juge commis devait essentiellement faire état au tribunal des contestations élevées au cours des opérations pour lesquelles il n’avait pas été possible de concilier les parties (V. Req. 19 nov. 1851, DP 1851. 1. 315 ; 17 juin 1873, DP 1873. 1. 475 ; 24 févr. 1879, S. 1881. 1. 445), il dispose aujourd’hui de prérogatives plus importantes qui lui permettent de gérer la complexité des opérations.

La question posée par cette décision est de savoir quelles sont les limites de ces pouvoirs.

Au cas d’espèce, une liquidation judiciaire avait été ouverte à l’encontre d’une personne décédée par la suite, laissant notamment pour lui succéder son épouse. Le liquidateur a assigné en partage les membres de l’indivision successorale.

Un premier jugement a ordonné le partage des biens dépendant de la succession et a désigné un notaire pour procéder aux opérations. Il a, en outre, désigné un juge-commissaire. Un jugement postérieur, confirmé par un arrêt, a ordonné la vente par adjudication d’un immeuble indivis sous les clauses et conditions du cahier des charges établi par le suppléant de l’avocate en charge d’établir le cahier des charges. Après le décès de celle-ci, le juge-commissaire, saisi sur requête du liquidateur, a considéré qu’un autre avocat serait chargé de dresser ce cahier des conditions de vente de l’immeuble.

Par un dernier jugement, le juge de l’exécution a rejeté les exceptions de nullité de procédure soulevées par l’épouse et a adjugé le bien immobilier.

Une cour d’appel a confirmé le jugement en estimant que le juge-commissaire dispose du pouvoir de remplacer le notaire commis par le tribunal et donc, « par analogie, » l’avocat chargé de rédiger le cahier des conditions de vente en cas de licitation. Le juge-commissaire n’avait pas outrepassé ses pouvoirs en désignant pour procéder à l’établissement du cahier des charges et plus généralement pour représenter le liquidateur judiciaire l’avocat dont celui-ci avait fait choix.

L’épouse a formé un pourvoi en cassation fondé sur un moyen divisé en deux branches.

Dans la première, elle arguait d’un excès de pouvoir du juge-commissaire. Selon elle, le juge ne pouvait modifier, sur requête, l’avocat désigné par le jugement ordonnant la vente par adjudication pour établir le cahier des charges.

La Cour de cassation rejette le grief en relevant qu’aux termes des dispositions de l’article 1371 du code de procédure civile, il entre dans les pouvoirs du juge commis, tenu de veiller au bon déroulement des opérations de partage et de statuer sur les demandes relatives à la succession, de procéder au remplacement de l’avocat désigné par un jugement pour rédiger le cahier des charges de la vente sur licitation.

La solution souligne l’importance des prérogatives du juge commis en ce qui concerne l’encadrement du processus de partage. On sait qu’aux termes de l’article 1364 du code de procédure civile, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal saisi peut désigner un notaire pour procéder aux opérations de partage. Il peut aussi commettre un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire doit rendre compte au juge commis des difficultés rencontrées et peut, le cas échéant, solliciter du juge toute mesure de nature à en faciliter le déroulement (C. pr. civ., art. 1365). Le juge commis est donc placé au cœur du processus car c’est à lui qu’il appartient d’en assurer la bonne marche. C’est précisément ce que consacre l’article 1371 du code de procédure civile en disposant qu’il doit veiller « au bon déroulement des opérations de partage ». A ce titre, il n’est plus limité à un rôle « de simple courroie de transmission entre le notaire et le tribunal » mais est désormais « le chef d’orchestre de l’instance en partage » (Rép. civ., Partage (3° partage judiciaire), par C. Brenner, n° 113). Il est le garant du bon fonctionnement de la procédure. C’est dans cette optique que lui a été reconnu le pouvoir de procéder au remplacement du notaire commis par le tribunal (C. pr. civ., art. 1371, al. 2). Son rôle consiste à pourvoir à cette difficulté susceptible de mettre à mal la suite du processus. Comment dès lors lui dénuer le « pouvoir » de régler une difficulté comparable tenant cette fois au remplacement de l’avocat désigné pour rédiger le cahier des conditions de vente ? L’argument par analogie qu’a utilisé la cour d’appel se double d’un argument a fortiori : qui peut le plus – remplacer le notaire en charge des opérations de partage - peut aussi le moins – remplacer l’avocat désigné pour rédiger le cahier des charges. Il entre par conséquent dans le cercle de ces prérogatives que de pallier l’impossibilité d’établir le cahier en raison de la disparition de l’avocat initialement désigné. En rejetant l’excès de pouvoirs du juge, la Cour régulatrice respecte l’esprit des dispositions de l’article 1371 du code de procédure civile en confortant le juge commis dans la fonction qui lui est assigné depuis le décret de 2006.

Dans une seconde branche du moyen, la demanderesse reprochait à la juridiction du fond d’avoir retenu que l’article 495 du code de procédure civile selon lequel une copie de l’ordonnance à laquelle est également jointe la requête doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée, avait en l’occurrence été respectée puisque l’ordonnance a été notifiée par courrier officiel à son conseil.

Or, selon elle, la notification devait être faite à cette partie elle-même, et non à son mandataire une exigence qui conditionnait l’exécution de l’ordonnance.

Là encore l’argument est rejeté. Pour la Cour de cassation, l’ordonnance du juge commis procédant au remplacement de l’avocat n’avait pas à être opposée à l’épouse « dont le concours était inutile », de sorte qu’il n’était pas nécessaire de lui en remettre une copie. L’ordonnance dont il était ici question est une ordonnance sur requête, laquelle est définie par l’article 493 du code de procédure civile comme une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler une partie adverse. Aux termes de l’article 495 du même code, ce type de décision est exécutoire au seul vu de la minute mais, pour préserver le droit à la contradiction, une copie de la requête et de l’ordonnance doit être laissée « à la personne à laquelle elle est opposée ». Le problème soulevé dans l’arrêt rapporté ne portait pas sur l’exigence de cette notification. Il est acquis qu’en matière d’ordonnance sur requête, le respect du principe de la contradiction qui fonde l’exigence posée à l’alinéa 3 de l’article 495, requiert que la copie de la requête et de l’ordonnance soit remise à la personne à laquelle elle est opposée antérieurement à l’exécution des mesures qu’elle ordonne. L’ordonnance ne peut être exécutée contre cette personne qu’après lui avoir été notifiée (Civ. 2e, 10 févr. 2011, n° 10-13.894, Dalloz actualité, 27 févr. 2011, obs. C. Tahri ; ibid. 2012. 244, obs. N. Fricero ; RTD civ. 2011. 387, obs. R. Perrot ; Dr. et proc. 2011. 122, note Lauvergnat). Le problème portait sur le destinataire de cette notification. Pour la cour d’appel, l’exigence de notification était satisfaite dès lors que le conseil de l’épouse avait reçu cette notification. Cette position reposait sur le mécanisme même de représentation qui implique une forme de confusion entre la personne du représenté et celle du représentant.

Ce n’est pourtant pas cette lecture que développe la Cour régulatrice. Substituant un motif de pur droit à ceux critiqués par la demanderesse, la Cour de cassation relève simplement qu’aucune notification à la personne de l’épouse n’était nécessaire eu égard au fait qu’elle ne participait nullement à l’exécution de la mesure. En se positionnant ainsi, la Haute juridiction rappelle simplement qu’en vertu de l’article 495 du code de procédure civile, la copie de l’ordonnance doit être déposée à la personne qui supporte la mesure (V. Civ. 2e, 1er sept. 2016, n° 15-23.326, Dalloz actualité, 21 sept. 2016, obs. M. Kebir ; AJDI 2016. 782 ; RTD civ. 2017. 484, obs. N. Cayrol ; Dr. et proc. 2016. 173, note Dorol), autrement dit à celle qui doit l’exécuter, étant entendu que cette personne n’est pas nécessairement la partie en cause. Si, aux termes de l’article 495, alinéa 3, une copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée, cette règle ne s’applique qu’à la personne qui supporte l’exécution de la mesure, qu’elle soit ou non partie (Civ. 2e, 4 juin 2015, n° 14-14.233, D. 2015. 1279 ; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle ; ibid. 2016. 167, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; ibid. 449, obs. N. Fricero ; Gaz. Pal. 22 sept. 2015, p. 26, note Raschel ; 4 juin 2015, no 14-16.647, D. 2016. 167, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; JCP 2015. 947, note Foulon et Strickler). Il peut s’agir d’un tiers pourvu que celui-ci participe à la mise en œuvre effective de la mesure ordonnée. En l’occurrence, l’ordonnance du juge commis procédait au remplacement de l’avocat chargé du cahier des conditions et avait été adressé à l’avocat nouvellement désigné, es qualité. Ne participant pas à l’exécution de la mesure, la demanderesse ne devait pas recevoir notification de l’ordonnance rendue.