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Sont inconstitutionnelles les dispositions qui empêchent le témoin assisté d’interjeter appel du refus du juge d’instruction de constater la prescription de l’action publique.
par Méryl Recotilletle 1 juillet 2022
D’après la jurisprudence constante de la chambre criminelle, le témoin assisté n’est pas une partie (Rép. pén., v° Témoin assisté, par C. Guéry, n° 52), de sorte qu’il se voit privé de certains droits reconnus en temps normal au mis en examen. D’après Christian Guéry, certains praticiens ont pu recourir au statut du témoin assisté « pour des raisons sans relation avec la volonté du législateur » et ne le placer en examen qu’à la toute fin de la procédure. « Certes, la personne mise en examen à la fin de la procédure trouve alors la plénitude de ses pouvoirs, mais à un moment où le dossier a pu se cristalliser, sans que la personne ait eu d’influence sur son déroulement ». Autrement dit, une personne placée initialement sous le statut de témoin assisté puis tardivement mise en examen peut se trouver en difficulté vis-à-vis de certaines prérogatives, lorsque les délais sont dépassés. C’est manifestement ce qui était au cœur des discussions qui ont donné lieu à la décision n° 2022-999 QPC du 17 juin 2022 rendue par le Conseil constitutionnel.
Articles 113-3 et 186-1 du code de procédure pénale
Le 20 avril 2022 (Crim. 20 avr. 2022, n° 21-86.542), la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) suivante : « Les dispositions des articles 113-3 et 186-1, alinéa 1, du code de procédure pénale, en ce qu’elles privent le témoin assisté du droit de faire appel des ordonnances prévues par l’article 82-3 du même code, ou ne lui ouvrent pas expressément ce droit, sont-elles contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit et notamment, au droit à un recours juridictionnel effectif et au principe d’égalité devant la loi et la justice garantis par les articles 16 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? ». Le requérant reprochait à ces dispositions de ne pas permettre au témoin assisté d’interjeter appel de la décision de refus du juge d’instruction de constater la prescription de l’action publique, alors qu’un tel droit est ouvert à la personne mise en examen. Il en résulterait une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant la justice ainsi que du droit à un recours juridictionnel effectif.
Dans sa version antérieure à 2016, l’article 82-3 du code de procédure pénale prévoyait simplement que « lorsque le juge d’instruction conteste le bien-fondé d’une demande des parties tendant à constater la prescription de l’action publique, il doit rendre une ordonnance motivée dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande ». Dans un arrêt du 28 mars 2006 (Crim. 28 mars 2006, n° 05-86.661 P, D. 2006. 1189 ; AJ pénal 2006. 269 ), la Haute cour a jugé que la loi ne reconnaissait au témoin assisté ni la qualité de partie ni la faculté de saisir le juge d’instruction d’une demande tendant à constater la prescription. Par la suite, la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 a introduit un second alinéa selon lequel, « à peine d’irrecevabilité, la personne soutenant que la prescription de l’action publique était acquise au moment de sa mise en examen ou de sa première audition comme témoin assisté doit formuler sa demande dans les six mois suivant cet acte ». À la lecture de ces dispositions, le législateur permet visiblement à une personne placée sous le statut de témoin assisté de saisir le juge d’instruction d’une demande tendant à voir constater l’acquisition de la prescription de l’action publique. L’ordonnance du juge d’instruction qui contesterait la demande de constatation de la prescription de l’action publique peut, en vertu de l’article 186-1 du code de procédure pénale, être frappée d’appel par « les parties ». L’article se réfère aux parties privées, à savoir le mis en examen et la partie civile, ce qui exclut le témoin assisté.
Distinction injustifiée entre les personnes mises en examen
Le Conseil constitutionnel a tout d’abord admis que l’élaboration de règles de procédure différentes pour la personne mise en examen et le témoin assisté aux fins de constater la prescription de l’action publique ne portait pas atteinte au principe d’égalité. En effet, conformément à l’article 113-5 du code de procédure pénale, le témoin assisté ne peut pas, à la différence de la personne mise en examen, être placé sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire, ni faire l’objet d’une ordonnance de renvoi ou de mise en accusation devant une juridiction de jugement. Par conséquent, il n’est pas dans une situation identique à celle de la personne mise en examen au regard de la prescription de l’action publique.
Toutefois, le Conseil constitutionnel a observé que le délai de forclusion de six mois prévu par l’article 82-3 du code de procédure pénale demeurait opposable à une personne initialement placée sous le statut de témoin assisté qui est ensuite mise en examen. Ainsi, lorsqu’elle a été précédemment placée sous le statut de témoin assisté, une personne mise en examen peut être privée du droit d’interjeter appel de la décision de refus du juge d’instruction. Il résulte de ce raisonnement plutôt complexe « une distinction injustifiée entre les personnes mises en examen, selon qu’elles ont précédemment eu ou non le statut de témoin assisté ». Le Conseil constitutionnel a ainsi conclu que les mots « et 82-3 » figurant au premier alinéa de l’article 186-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, étaient contraires à la Constitution.
Abrogation reportée
La décision prendra effet au 31 mars 2023, en raison de conséquences manifestement excessives d’une abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles : celle-ci aurait pour effet de priver les parties du droit d’interjeter appel des ordonnances rendues par le juge d’instruction sur le fondement de l’article 82-3 du code de procédure pénale.
La réaction du législateur est vivement attendue sur ce point, et plus généralement sur le statut du témoin assisté qui, selon les premiers éléments issus du rapport des États généraux de la justice, devrait être favorisé par rapport à celui de mis en examen, « qui serait réservé au cas où des mesures coercitives sont envisagées » (P. Januel, Les États généraux de la justice dressent une feuille de route, Dalloz actualité, 9 juin 2022).
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