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Versement prématuré du prix d’un fonds de commerce et qualité à agir du liquidateur

Le liquidateur du vendeur d’un fonds de commerce a, seul, qualité pour exercer contre l’acquéreur une action tendant à obtenir du second les sommes qu’il a versées au premier avant l’expiration du délai imparti à ses créanciers pour faire opposition au paiement du prix.

En l’espèce, l’acquéreur d’un fonds de commerce a versé une partie de son prix de vente, non au tiers désigné en qualité de séquestre, mais directement entre les mains du cédant, moins de dix jours après la publication au BODACC de l’acte de cession. Le vendeur étant ultérieurement placé en liquidation judiciaire, le liquidateur a alors assigné le cessionnaire en paiement d’une fraction du prix équivalente au montant du passif comptabilisé dans le cadre de la procédure.

Cette demande ayant été déclarée recevable en cause d’appel, le rédacteur de l’acte, avocat de l’acquéreur et appelé en garantie par celui-ci, a formé un pourvoi en cassation. En substance, ce dernier soutient qu’une telle demande est irrecevable pour défaut de qualité à agir du liquidateur, puisqu’en tant que défenseur de l’intérêt collectif des créanciers, cet organe ne saurait agir dans l’intérêt personnel de l’un d’eux ou d’une partie d’entre eux, et que les créanciers susceptibles d’agir contre le cessionnaire d’un fonds de commerce ayant versé le prix au vendeur avant l’expiration du délai d’opposition se prévalent d’un préjudice propre, distinct de celui subi par la collectivité des créanciers.

L’argumentaire ne convainc pas la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi au motif que, le règlement précipité du prix par l’acquéreur étant inopposable aux créanciers du vendeur, qu’ils aient ou non fait opposition à son paiement, le liquidateur, seul investi de la qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers, est recevable à agir contre le cessionnaire afin d’obtenir de lui les sommes versées avant l’expiration du délai d’opposition, dans la mesure où il s’agit d’une action tendant à la reconstitution du gage commun des créanciers.

En son principe, la solution n’étonne guère, s’agissant fondamentalement de la reconduction de celle qui avait été adoptée sous l’empire, non seulement de la loi du 25 janvier 1985 (Com. 24 mai 2005, n° 01-15.337 FS-P+B, D. 2005. 2612, obs. E. Chevrier , note M. Sénéchal ; AJDI 2005. 661 ; RTD com. 2006. 294, obs. B. Saintourens ; CCC 2005. Comm. 135, obs. M. Malaurie-Vignal ; Gaz. Pal. 5 nov. 2005, p. 31, note M. Sénéchal ; RDC 2005. 1073, obs. F. Collart Dutilleul), mais encore de celle du 13 juillet 1967 (Com. 1er juin 1981, n° 79-14.101 P+B, D. 1981. 654, note J.-P. Marty ; ibid. IR 452, obs. A. Honorat ; RTD com. 1982. 91, obs. J. Derruppé ; JCP 1982. II. 19878, note A. Cohen). Si bien que c’est surtout dans la modernisation de sa justification que semble se trouver l’apport du présent arrêt qui, par sa publication au Bulletin, invite d’ailleurs à ne pas en négliger la portée.

La reconnaissance classique de la qualité à agir du liquidateur contre l’acquéreur du fonds

La clef de compréhension de la reconnaissance de la qualité du liquidateur pour agir contre le cessionnaire d’un fonds de commerce ayant versé le prix de vente avant l’expiration du délai d’opposition réside, comme souvent en fait de procédures collectives, dans les règles de droit commun, en l’occurrence celles gouvernant la cession de fonds de commerce.

En cette matière, le souci de protection des créanciers du vendeur a conduit à la mise en place d’un système de double publicité couplée à une indisponibilité du prix entre les mains du cessionnaire (sur la question, Rép. com., Fonds de commerce, par J. Derruppé...

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