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Vices cachés : présomption irréfragable de connaissance du vendeur professionnel et mise en œuvre de l’action récursoire

La chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle que le vendeur professionnel est présumé, de manière irréfragable, connaître les vices affectant la chose vendue. Encore faut-il toutefois caractériser cette qualité sous peine d’une cassation pour défaut de base légale. L’arrêt réexplique également les solutions dégagées par l’arrêt de chambre mixte en matière de mise en œuvre des délais pour agir en matière d’action récursoire.

La garantie légale des vices cachés à l’honneur ces derniers mois ! On se rappelle évidemment les très importantes décisions rendues par une chambre mixte le 21 juillet 2023 selon lesquelles la garantie doit être exercée par l’acquéreur dans un délai de prescription de deux ans, celui-ci devant courir à compter de la découverte du vice, et, au stade d’une éventuelle action récursoire, à partir de l’assignation principale, sans pouvoir excéder le délai butoir de vingt ans à compter de la date de la vente (Cass., ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 21-15.809, n° 21-17.789, n° 21-19.936 et n° 20-10.763 B+R, Dalloz actualité, 13 sept. 2023, obs. N. De Andrade ; D. 2023. 1728 , note T. Genicon ; AJDI 2023. 788 , obs. D. Houtcieff ; RTD com. 2023. 714, obs. B. Bouloc ). Dans un autre contexte, et encore au mois de juillet, nous avions eu l’occasion de commenter un arrêt ayant arbitré un duel sous haute tension entre la présomption irréfragable de connaissance du vice par le vendeur professionnel et le droit à la preuve (Com. 5 juill. 2023, n° 22-11.621, Dalloz actualité, 11 juill. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 1885 , note A. Hyde ; ibid. 2268. Chron. C. Bellino et T. Boutié ; RTD civ. 2023. 704, obs. J. Klein ; RTD com. 2023. 716, obs. B. Bouloc ; ibid. 931, obs. B. Bouloc ). En six mois, la Cour de cassation aura donc rendu un certain nombre de décisions au mode de publication particulièrement élevé s’agissant de cette garantie essentielle à la vie des affaires. Ce choix n’est certainement pas anodin et s’explique notamment par un contentieux abondant devant les juges du fond. L’arrêt rendu le 17 janvier 2024 par la chambre commerciale de la Cour de cassation s’inscrit dans cette fresque générale en mêlant les deux thématiques précédemment rappelées.

Les faits sont assez classiques. Deux sociétés concluent en avril 2007 un contrat de vente ayant pour objet un tracteur. Ledit engin agricole est, le 10 janvier 2015, donné en location-vente à un tiers exploitant une entreprise de débardage. Mais voici que le tracteur prend feu lorsqu’il est ravitaillé en carburant. L’incendie provoque la destruction du véhicule mais également des dégâts sur des propriétés adjacentes. Le preneur de la location-vente obtient en référé la désignation d’un expert lequel dépose son rapport le 4 juin 2016. L’assureur du même preneur assigne, dans ce contexte, les deux sociétés en garantie des vices cachés. En cause d’appel, les juges du fond condamnent la société ayant conclu le contrat de location-vente en 2015 à régler à l’assurance du preneur une somme de 90 877,32 € pour l’indemnisation d’un fonds touché par l’incendie, une somme de 4 672,50 € pour l’indemnisation d’une autre personne et une somme de 6 146 € pour les frais d’assistance à l’expertise par un technicien. La société condamnée se pourvoit en cassation estimant que seul le vendeur professionnel doit être présumé connaître les vices. Elle avançait ainsi ne pas avoir cette qualité, élément que n’aurait pas considéré la cour d’appel saisie du litige. Elle reproche également aux juges du fond d’avoir accueilli le moyen tiré de la prescription qu’avançait le vendeur initial dans le cadre de son sa propre action récursoire contre celui-ci.

L’arrêt aboutit à une double cassation. Nous allons étudier pourquoi.

De l’importance de la caractérisation de la qualité de vendeur professionnel pour appliquer la présomption irréfragable de connaissance des vices 

La première cassation intervient sur le fondement de l’article 1645 du code...

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