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Vidéosurveillance de l’espace public : alerte et recommandations de la CNCDH

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a rendu, le 20 juin 2024, un avis sur la surveillance de l’espace public à l’aune notamment des Jeux olympiques et paralympiques. Elle y exprime ses craintes quant au respect des droits et libertés fondamentaux des individus et à la sauvegarde de l’ordre public et, à ce titre, émet des recommandations pour renforcer les garanties entourant l’usage de la vidéosurveillance, notamment algorithmique.

Importance de la vidéoprotection en France. La surveillance de l’espace public grâce aux nouvelles technologies est apparue en France grâce à la loi n° 95-74 du 21 janvier 1995 mais ce phénomène a, depuis, été amplifié, en particulier en prévision des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 qui imposent une sécurité renforcée1. En effet, avec la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023, la vidéosurveillance algorithmique sera notamment expérimentée et ce jusqu’au 31 mars 2025 : « les images collectées par des caméras de surveillance seront analysées par des logiciels programmés pour détecter, en temps réel, des événements susceptibles de présenter un risque pour la sécurité publique »2. Depuis des années déjà, des technologies de surveillance sont massivement utilisées par les autorités publiques à des fins de sécurité, tels que les centres de supervision urbains. Par ailleurs, de nouvelles expérimentations avec les mêmes technologies sont envisagées par la proposition de loi n° 2223 adoptée par le Sénat le 15 février 2024, après engagement de la procédure accélérée, relative au renforcement de la sûreté dans les transports. Différents mécanismes sont à différencier (vidéosurveillance algorithmique, caméra thermique, caméra optique)3, lesquels ne représentent pas tous la même menace pour les droits et libertés comme le souligne la CNCDH qui tient à les distinguer.

Inquiétudes quant au respect des droits et libertés des individus. Dans son avis 1-2024-5 du 20 juin 2024, la Commission fait le constat d’un risque pour le respect des droits et libertés fondamentaux des individus en raison de cette utilisation de plus en plus importante de la vidéosurveillance dans l’espace public. Ce constat est partagé par une partie de la doctrine qui s’inquiète de sa généralisation4 et par les associations de défense des droits humains5, bien que la CNCDH constate à regret que de manière générale, « la vidéoprotection (…) ne fait plus débat depuis longtemps »6. Les mécanismes de vidéosurveillance prévus notamment par la loi du 19 mai 2023 précitée relative aux Jeux olympiques et paralympiques se caractérisent en effet par leur caractère algorithmique, puisque l’intelligence artificielle est au service de cette surveillance. Certes, l’IA présente un avantage en permettant de « combler [l]es carences humaines »7, de gagner du temps et d’éviter de mobiliser davantage d’agents. Cependant, l’humain n’a pas toujours la maîtrise totale sur les données visuelles captées et enregistrées ; le risque est celui d’un dévoiement de l’objectif sécuritaire avec des atteintes trop importantes, injustifiées et disproportionnées aux droits et libertés des individus, mais également une « implication inédite des acteurs privés – les concepteurs des logiciels – dans l’exercice d’une mission régalienne »8.

La Ligue des droits de l’homme, membre de la CNCDH, avait déjà émis des réserves concernant l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique dans le cadre du projet de loi sur les Jeux olympiques et paralympiques en 2023 : « même si le texte ne prévoit pas la reconnaissance faciale, l’étude des comportements utilisera des données biométriques, qualifiées de données sensibles par le Règlement général sur la protection des données (RGPD), qui ne devraient être traitées qu’avec un consentement explicite des personnes concernées. Susceptible de graves erreurs d’interprétation, une telle surveillance portera atteinte à des libertés fondamentales comme la liberté de circulation, de réunion ou d’expression »9. De même, la Défenseure des droits avait dénoncé plusieurs risques d’atteintes aux droits et libertés des individus dans le cadre de ces Jeux, en affirmant sa volonté d’enquêter sur ces derniers dans le cadre de la mise en place des mesures prévues10. Enfin, à l’aune du projet de loi sur les JO, la CNIL avait souligné les risques entraînées par l’usage de l’algorithme pour la sécurité au regard des droits fondamentaux et le fait que « le déploiement, même expérimental, de ces dispositifs de caméras augmentées est un tournant qui va contribuer à définir le rôle qui sera confié dans notre société à ces technologies, et plus généralement à l’intelligence artificielle »11 : cette expérimentation est donc loin d’être anodine et appelle à une vigilance importante de la part des institutions publiques.

Recommandations de la CNCDH. L’avis de la Commission est construit en deux parties,...

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