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Vidéosurveillance intelligente aux JO : validation sous réserve par le Conseil constitutionnel

Est déclaré conforme à la constitution l’article 10 de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, autorisant à titre expérimental l’utilisation de la vidéosurveillance intelligente, notamment au moyen de drones.

par Cécile Crichtonle 24 mai 2023

Alors que la loi relative aux jeux olympiques et paralympiques de 2024 (« Loi relative aux JO ») vient d’être adoptée et majoritairement validée par le Conseil constitutionnel, son article 10 expérimentant la vidéosurveillance intelligente suscite quelques craintes en ce qu’elle est notamment susceptible de constituer un premier pas vers la généralisation de ces techniques.

Contrairement à ce que laisse penser l’intitulé de la loi, l’article 10, I, étend l’expérimentation aux « manifestations sportives, récréatives ou culturelles qui, par l’ampleur de leur fréquentation ou par leurs circonstances, sont particulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes ». Outre l’étendue de l’expérimentation, l’utilisation de drones et l’éventuel traitement de données biométrique qu’implique la vidéosurveillance méritent un usage parcimonieux protégeant les personnes par de solides garanties (v. B. Bertrand, C. Lequesne-Roth, A. Le Hénanff et J. Tré-Hardy, Encadrement des technologies de surveillance : les enseignements de l’expérimentation des JO 2024, Visioconférence, Rennes, 22 mars 2023).

Il appartient, avant de présenter l’article 10 de la loi relative aux JO et sa validation par le Conseil constitutionnel, de revenir sur le régime inséré au sein du code de la sécurité intérieure. Les effets de la proposition de législation sur l’intelligence artificielle méritent enfin d’être soulevés.

Le cadre : construction légale houleuse

L’article 10, I, de la loi relative aux JO, entend réguler les images collectées au moyen de caméras installées sur la voie publique (CSI, art. L. 252-1) ou sur des aéronefs (CSI, art. L. 242-1 à L. 242-8) avec ou sans personne à bord. L’encadrement du traitement d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs sans personne à bord, plus communément désignés par l’appellation de « drones », a fait l’objet d’une lente construction eu égard à sa nature particulièrement attentatoire aux droits et libertés fondamentaux (v. nos obs. ss Cons. const. 20 janv. 2022, n° 2021-834-DC, Dalloz IP/IT 2022. 63, chron. C. Crichton ; AJDA 2022. 127 ; AJCT 2022. 66, obs. E. Royer ).

L’usage des drones par les autorités policières, et ordonné à l’initiative de la préfecture de police de Paris, était initialement révélé par un article de Mediapart dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire (C. Le Foll et C. Pouré, Avec le confinement, les drones s’immiscent dans l’espace public, 25 avr. 2020), avant de faire l’objet d’un recours (CE 18 mai 2020, n° 440442, Dalloz actualité, 22 mai 2020, nos obs. ; AJDA 2020. 1031 ; ibid. 1552 , note X. Bioy ; D. 2020. 1336, obs. P. Dupont , note P. E. Audit ; ibid. 1336, obs. P. Dupont ; ibid. 1262, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; AJCT 2020. 530, obs. R. Perray et Hélène Adda ; Dalloz IP/IT 2020. 573, obs. Cassandra Rotily et L. Archambault ; RTD eur. 2020. 956, obs. A. Bouveresse ; censurant TA Paris, ord. réf., 5 mai 2020, n° 2006861/9, Dalloz actualité, 15 mai 2020, nos obs.). Autant l’opinion publique (v. not., J.-M. Normand, Confinement : la surveillance policière par drones dénoncée par deux associations, Le Monde, 4 mai 2020) que les différentes institutions publiques se sont fermement opposées à leur utilisation sauvage. L’atteinte aux droits et libertés fondamentaux est en effet telle que l’utilisation des drones ne peut naturellement s’envisager sans la mise en place d’un dispositif législatif ou réglementaire (CE 20 sept. 2020, avis n° 401214 ; CNIL 12 janv. 2021, délib. n° SAN-2021-003, Dalloz actualité, 20 janv. 2021, nos obs.).

Après l’adoption d’une première loi « Sécurité globale », censurée en majorité par le Conseil constitutionnel (Loi n° 2021-646 du 25 mai 2021, art. 47 ; Cons. const. 20 mai 2021, n° 2021-817 DC, AJDA 2021. 1063 ; ibid. 1637 ; ibid. 1482, étude M. Verpeaux ; ibid. 1490, étude B. Faure ; ibid. 1502, étude X. Latour , note J. de La Porte des Vaux ; D. 2021. 1030 et les obs. ; ibid. 2022. 1228, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; AJCT 2021. 274, obs. G. Pailler ; Légipresse 2021. 258 et les obs. ), une seconde loi a finalement été adoptée (Loi n° 2022-52 du 24 janv. 2022) et soumise à quelques réserves d’interprétation par le Conseil constitutionnel (20 janv. 2022, n° 2021-834 DC, préc.).

Parmi ces réserves figure la question épineuse de la reconnaissance faciale, qui, selon l’article L. 242-4, alinéa 2, du code de la sécurité intérieure, demeure strictement prohibée. Lors de l’examen de la loi, le Conseil constitutionnel spécifiait explicitement que ce n’est pas parce que la loi interdit aux aéronefs de « comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale » qu’elle autorise a contrario « les services compétents à procéder à l’analyse des images au moyen d’autres systèmes automatisés de reconnaissance faciale qui ne seraient pas placés sur ces dispositifs aéroportés » (n° 2021-834 DC, préc., pt 30). En d’autres termes, la réserve d’interprétation étend l’interdiction du recours à ces techniques à toutes les images collectées par aéronefs. Qualifiée de traitement de données biométriques – donc sensibles –, la reconnaissance faciale reste effectivement interdite de principe et soumise à exceptions strictes au regard du règlement général sur la protection des données (UE) 2016/679 et de la directive « police-justice » (UE) 2016/680 du 27 avril 2016 (RGPD, art. 9 ; dir., art. 10). Plus encore, la loi « informatique et libertés » prévoit explicitement qu’une disposition législative ou réglementaire soit...

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