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Article
Violation des droits d’un avocat défenseur des droits de l’homme
Violation des droits d’un avocat défenseur des droits de l’homme
La Cour européenne des droits de l’homme a conclu à la violation des articles 3, 5, § 1 et 4, 8 et 18 de la Convention européenne des droits de l’homme, dans une affaire intéressant la violation des droits d’un avocat défenseur des droits de l’homme.
par Emmanuel Daoud & Thomas Leonele 4 octobre 2018
Le requérant, monsieur Aliyev, avocat et président d’une association de défense des droits de l’homme, a saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) estimant que l’État azerbaïdjanais avait violé la Convention européenne des droits de l’homme en perquisitionnant son domicile ainsi que les locaux de son association, mais également en le plaçant en détention en raison de ses activités militantes.
Poursuivi pour des faits d’exploitation d’entreprise illégale, de fraude fiscale et d’abus de pouvoir, il a été placé en détention provisoire pendant plus de trois mois. Les perquisitions réalisées ont par ailleurs permis la saisie de requêtes introduites devant la CEDH ainsi que devant les juridictions internes. Monsieur Aliyev a finalement été condamné par les juridictions répressives azerbaïdjanaises à une peine de sept ans et demi d’emprisonnement.
La Cour européenne des droits de l’homme a sanctionné l’État azerbaïdjanais pour avoir notamment violé les articles 8 et 18 de la Convention européenne des droits de l’homme en ayant :
-
commis un détournement de pouvoir en plaçant en détention un avocat étant par ailleurs le président d’une association de défense des droits de l’homme en raison de ses activités militantes ;
- perquisitionné les locaux de l’association et saisi des documents afférents à des procédures pendantes devant la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que devant les juridictions internes.
En revanche, la CEDH rejette les arguments liés aux soins prodigués et aux conditions de transfert, respectivement aux motifs du défaut de preuve et de sa compétence subsidiaire en matière de protection des droits de l’homme.
La décision commentée s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la CEDH, c’est pourquoi elle a été rendue à l’unanimité des juges.
Cet arrêt s’attache de nouveau à statuer sur le cas des détournements de pouvoirs perpétués au sein de certains États du Conseil de l’Europe afin de réduire au silence les opposants politiques (dans le même sens, v. CEDH, gr. ch., 28 nov. 2017, n° 72508/13, Merabishvili c. Géorgie, Dalloz actualité, 8 déc. 2017, obs. T. Soudain ; RSC 2018. 183, obs. J.-P. Marguénaud ).
Il n’est pas sans rappeler la condamnation de l’État d’Azerbaïdjan à deux reprises pour la détention arbitraire de militants défenseurs des droits de l’homme en mai 2014 (CEDH 22 mai 2014, n° 15172/13, Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan, Dalloz jurisprudence) et en mars 2016 (CEDH 17 mars 2016, n° 69981/14, Rasul Jafarov c. Azerbaïdjan, Dalloz jurisprudence).
C’est précisément en raison de la persistance de ce type de manquement que le comité des ministres du Conseil de l’Europe, chargé de surveiller l’exécution des arrêts de la CEDH, a enclenché une procédure en manquement à l’encontre de l’Azerbaïdjan, le 5 décembre 2017, en raison de son refus de se conformer à l’arrêt précité l’opposant à M. Ilgar Mammadov.
La Cour européenne des droits de l’homme relève d’ailleurs, au visa de l’article 46 de la Convention européenne qu’elle protège, une « tendance troublante à l’arrestation et à la détention arbitraires de personnes critiques du gouvernement, de militants de la société civile et de défenseurs des droits de l’homme ».
Dans la présente affaire, il est considéré que les autorités de poursuite azerbaïdjanaises n’ont produit aucun document permettant d’étayer l’accusation d’exploitation d’entreprise illégale ou de démontrer que les dons reçus avaient généré des profits, en conséquence de quoi il n’existait aucune raison plausible de soupçonner l’intéressé des faits qui lui étaient reprochés.
En outre, la chambre estime que cette vacuité rend arbitraires la détention et la perquisition de son bureau et de son domicile. Elle rappelle que la perquisition des cabinets d’avocats requiert un contrôle particulièrement rigoureux en ce que la persécution et le harcèlement de gens de loi touchent le cœur même du système de la Convention européenne des droits de l’homme. Néanmoins, cet arrêt ne statue pas sur la spécificité d’une perquisition chez un avocat et il faut considérer que toute perquisition effectuée en l’absence de « raisons plausibles de soupçonner » pourra être contestée au visa de l’article 8.
La CEDH relève l’absence de but légitime des mesures prises à des fins autres que celles prévues par la Convention européenne, dans l’unique but de réduire le requérant au silence et de le punir pour ses activités de défense des droits de l’homme (violation de l’article 18).
Enfin est implicitement reconnue la violation de la liberté d’association. En effet, les mesures prises contre cet avocat ont restreint de manière significative sa capacité à mener ses activités dans le domaine des droits de l’homme. La Cour européenne des droits de l’homme constate également que ces mesures ont eu un effet dissuasif sur l’activité des organisations non gouvernementales de manière générale.
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