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Violences conjugales : vers des évolutions législatives

Le 10 octobre, l’Assemblée nationale étudiera deux propositions de loi des Républicains sur les violences conjugales. Si la majorité souhaitait dans un premier temps voir adopter un texte concurrent, elle se rangera derrière l’une des propositions de loi de l’opposition. Celle-ci devrait toutefois évoluer.

par Pierre Januelle 25 septembre 2019

La première proposition de loi, préparée depuis plus d’un an par le député Aurélien Pradié, avait été déposée fin août et inscrite dans la niche LR prévue le 10 octobre prochain. Dans un premier temps, le groupe LREM avait déposé à un texte concurrent. Mais ne souhaitant pas rejeter un texte sur les violences conjugales en plein Grenelle, la majorité a finalement décidé de se rabattre sur le texte des Républicains, quitte à l’amender. Le gouvernement a même déclaré la procédure accélérée sur ce texte.

Multiplier le bracelet électronique anti-rapprochement

La disposition la plus consensuelle est celle qui permettra d’enjoindre au conjoint violent à porter un bracelet électronique anti-rapprochement. En 2017, sous la précédente mandature, les députés avaient voté l’expérimentation d’un « dispositif électronique de protection anti-rapprochement » en cas de violences conjugales (art. 39 de la loi du 28 févr. 2017 relative à la sécurité publique). Ce dispositif n’a jamais été mis en œuvre.

Au-delà de l’expérimentation, cette proposition de loi vise à généraliser cette possibilité en cas de condamnation du conjoint violent, de contrôle judiciaire mais également dans le cadre de l’ordonnance de protection. Le fait d’imposer le port d’un bracelet électronique dans le cadre d’une procédure civile (l’ordonnance de protection est prononcée par le juge aux affaires familiales) pourrait toutefois poser des difficultés d’ordre constitutionnelle.

Muscler l’ordonnance de protection

Au-delà, le texte propose de muscler l’ordonnance de protection. Premier problème : la durée des procédures. Les décisions sont rendues en moyenne en 42,4 jours, un délai beaucoup trop long pour Aurélien Pradié qui insiste sur le caractère d’urgence que revêt cette procédure. Il souhaiterait encadrer le délai légal dans lequel la justice doit se prononcer (6 jours maximum).

Un délai qui semble trop contraignant pour la Chancellerie, de nombreux dossiers arrivant incomplets. Mais le député indique qu’il préfère une ordonnance légère mais rapide, quitte à la compléter ensuite de mesures plus contraignantes. Il souhaiterait également renforcer le contenu des ordonnances, en demandant au juge de statuer sur l’ensemble des mesures qu’il peut prononcer (port d’armes, éviction du domicile). Par amendement, le député proposera également de permettre l’accompagnement sanitaire, psychologique et social du conjoint violent dans le cadre de l’ordonnance de protection.

Aurélien Pradié souhaiterait également que l’absence de dépôt de plainte ne soit pas un motif de refus. Selon un récent Infostat Justice, seules 60 % des ordonnances sont accordées par le juge. La présence d’un dépôt de plainte augmente le taux d’acceptation de 25 %, tandis qu’une simple main courante diminue ce taux de 21 %.

Hébergement d’urgence, téléphone grave danger, autorité parentale

La proposition de loi vise également à favoriser la transmission du téléphone grave danger (TGD), sans passer par l’intermédiaire d’une association (qui ont souvent conventionné avec le parquet). Toutefois, pour le député, le TGD, dispositif lourd, n’est pas une solution d’avenir.

Autre proposition : une aide personnalisée au logement pour les victimes de violences conjugales. Ce sujet relève toutefois plus du domaine réglementaire. Le gouvernement a déjà annoncé l’extension de la garantie Visale (dispositif de cautionnement) à toutes les femmes victimes de violences conjugales.

Une seconde proposition de loi LR , portée par la députée Valérie Boyer, sera également étudiée, mais est moins consensuelle. Elle est centrée sur la modification du concept de violence conjugale qui pourrait intégrer les « violences économiques ». Le texte propose également d’inscrire les personnes condamnées pour violences conjugales au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV), fichier centré sur les délinquants sexuels, à l’objet assez éloigné. Le gouvernement pourrait toutefois soutenir l’article qui vise à retirer l’exercice de l’autorité parentale en cas de crime d’un parent sur l’autre. Cette proposition figurait dans les annonces gouvernementales faites début septembre .

Reste une inconnue : les moyens qui seront alloués à l’accélération des procédures judiciaires (Dalloz actualité, 24 sept. 2019, art. T. Coustet), au développement des bracelets et à l’accompagnement des victimes, comme des auteurs.