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Violences sexistes : des juristes montent une association pour conjurer la fatalité

L’association « Lawyers for Women » vient d’être créée. La structure veut agréger autour d’elle tous les professionnels du droit qui interviennent dans la réponse judiciaire aux violences faites aux femmes. Rencontre.

par Thomas Coustetle 1 août 2019

Malgré les mesures gouvernementales et législatives -  surveillance électronique, ordonnance de protection, plateforme en ligne, un grenelle le 3 septembre prochain organisé par la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa - une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint.

Et si derrière la persistance de cette statistique se cachait une certaine banalisation entretenue par les acteurs chargés de la réponse judiciaire ? C’est en tout cas le constat que fait Me Michelle Dayan, avocate au barreau de Paris depuis 26 ans et spécialiste en droit de la famille. Et elle compte faire bouger les lignes avec l’association qu’elle co-préside avec Me Emmanuel Daoud, avocat pénaliste : « L4W ».

« Un cas de violence conjugale sur six dossiers, au minimum »

L’avocate connaît bien son sujet. C’est elle qui a géré le dossier quand elle était membre du conseil de l’ordre. D’ailleurs, elle annonce vite la couleur. « Un cas de violence conjugale sur six dossiers, au minimum », assure-t-elle. « Et c’est un processus qui s’est accéléré ces dernières années ». Ce phénomène vient confirmer la funeste litanie des femmes victimes de violences. C’est donc en réaction qu’a germé l’idée d’une structure dédiée aux juristes. L’association a vu le jour début juillet. Ses statuts sont déposés. Elle s’appelle « L4W ». Comprendre « Lawyers for Women ». Pourquoi en anglais ? Parce que l’association a une vocation internationale. « Les violences contre les femmes ne s’arrêtent pas à la frontière», constate la présidente. Voilà pour les présentations.

Une association par et pour les professionnels du droit

L’association veut être composée de « juristes », mais pas que des avocats. Me Michelle Dayan tient à ce que la structure soit ouverte aux huissiers, officiers de police, « profs » aussi, étudiants en droit, magistrats, procureurs et juges du siège inclus. Bref, tous les acteurs qui appartiennent à la chaîne judiciaire. Le travail de cette association consistera alors à « sensibiliser » sur la gravité du sujet et à apporter des réponses sur le terrain. Au besoin en assurant des formations.

Il existe déjà des outils. Depuis la loi du 9 juillet 2010, pour les femmes victimes de violences au sein d’un couple ou par un ancien conjoint, partenaire ou concubin, le juges aux affaires familiales (JAF) peut, s’il le juge nécessaire, délivrer une ordonnance de protection. La victime peut demander temporairement l’éviction du compagnon violent du domicile, voire être relogée de façon anonyme. Par ailleurs, à l’initiative du bâtonnier Pierre-Olivier Sur, démarche poursuivie par les bâtonniers depuis, les avocats inscrits à l’aide juridictionnelle dans ce domaine, doivent suivre au préalable une formation en la matière. Mais pourtant en pratique, le sujet reste tristement banalisé. « Les JAF rendent peu d’ordonnances de protection » constate-t-elle. Comment l’expliquer ? « Les professionnels ne sont pas suffisamment formés », résume Me Dayan.

Même chose au commissariat. Toutes les victimes ne sont pas prises en charge de la même manière lorsqu’elles portent plainte. Leur sort a changé dans certains commissariats, avec la mise en place d’un dispositif spécifique pour la prise en charge des victimes de violences conjugales. Mais il existe encore des disparités sur l’ensemble du territoire, faute pour les officiers de police judiciaire d’avoir reçu une formation ciblée et de moyens donnés véritablement. Les clichés ont la dent dure. « Les officiers de police judiciaire le voient encore trop souvent comme un problème qui relève de la vie privée », déplore-t-elle, « surtout dans les territoires défavorisés socialement ». Le protocole cadre signé en 2013 cherchait à ce que les commissariats qui recueillent les mains courantes les transmettent aux parquets ; il n’a pas rencontré le succès escompté. « Peu de commissariats transmettent » en définitive et « peu de parquets ont accepté de signer ce dispositif ». 

Sur tous ces points, l’association veut prendre l’initiative. À savoir développer un réseau très large d’avocats spécialistes pour orienter les victimes en fonction des situations, et développer des actions ciblées de formation au profit des acteurs sur le terrain, le tout en fonction des spécificités et des territoires. À l’international aussi, l’association veut développer des coopérations à large spectre. 

Pour partager les expériences et les bonnes pratiques. « On a déjà dix pays couverts », se réjouit Me Michelle Dayan. Le 25 novembre prochain, lors de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, un procès virtuel sera organisé avec de « vrais professionnels du droit » mais « en inversant les rôles ». Avocats, policiers et magistrats vont donc intervenir mais pas dans leur rôle. Les victimes et prévenus, ainsi que les témoins seront campés par des acteurs. Histoire que chacun se mette à la place de l’autre. 

 

 

Michelle Dayan : Présidente
Emmanuel Daoud : Co-Président
Carole Pascarel : Vice-Présidente
Kadija Azougach: Secrétaire
Valérie Duez-Ruff : Secrétaire
Benjamin Pitcho : Trésorier
Siège de l’association : 1 rue Gay Lussac 75005 Paris
Adresse mail : lawyers4women@gmail.com
Twitter : @L4Women
Page facebook : Lawyers for Women
Site internet en cours de création et adhésions en ligne dès mi-septembre (tarif adhésion annuelle individuelle : 50 €, gratuit pour les étudiants en droit).