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Violences sexuelles et sexistes : Assemblée et Sénat s’accordent sur un texte

Malgré des versions très différentes, en raison de l’embolie du calendrier législatif, Assemblée et Sénat se sont accordés sur un compromis concernant le projet de loi de lutte contre les violences sexuelles et sexistes. En deça des intentions initiales du gouvernement, il contient plusieurs innovations.

par Pierre Januelle 26 juillet 2018

Prescription et cause aggravantes des agressions et crimes sexuels

Sur l’article premier, la commission mixte paritaire (CMP) a validé l’allongement à trente ans après la majorité de la victime, de la prescription des crimes commis sur mineur. Toutefois, elle a supprimé l’alinéa qui proposait d’interrompre ce délai de trente ans en cas de commission par l’auteur d’un autre crime sur mineur. Sur le délit de non-dénonciation de mauvais traitements ou d’agressions sexuelles sur mineur, afin de prolonger la prescription, le point de départ a été repoussé au moment où les agressions auront cessé (et non seulement au moment où la personne en a pris connaissance).

À l’article 2, la création par l’Assemblée d’une circonstance aggravante au délit d’atteinte sexuelle en cas de pénétration avait été dénoncée (Droit en débats, L’article 2 du projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles : des avancées, des incertitudes et des craintes pour l’avenir, par A. Darsonville). Mais la suppression de cette disposition est confirmée.

Les dispositions visant à faciliter la qualification du viol sur mineurs ont été réécrites. Pour l’ensemble des mineurs, la contrainte ou la surprise pourront résulter de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur et de l’autorité que ce dernier exerce, « cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d’âge significative ». Pour les mineurs de quinze ans, la contrainte et la surprise seront « caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes » (on passe alors d’une possibilité à un infinitif).

La CMP a supprimé les ajouts du Sénat visant à préciser les notions de « violence », « menace » et « surprise », éléments constitutifs du viol. Concernant la sur-qualification d’« inceste », celle-ci sera étendue aux victimes majeures, mais non aux délits commis sur un cousin (Dalloz actualité, 17 mai 2018, obs. P. Januel isset(node/190658) ? node/190658 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190658).

La CMP a confirmé l’amendement du Sénat visant à créer un délit spécifique en cas d’administration « à une personne, à son insu, d’une substance de nature à altérer son discernement » dans le but de commettre un viol ou une agression sexuelle. Il sera puni de cinq ans d’emprisonnement. L’administration d’une substance devient également une cause aggravante des délits de viols et d’agressions sexuelles.

Autres nouvelles causes aggravantes : l’abus d’une victime en raison de la « précarité de sa situation économique ou sociale » ou le fait que la victime ait reçu une ITT supérieure à huit jours (même en l’absence de blessure ou de lésion). La présence d’un mineur au moment des faits devient également une cause aggravante de plusieurs délits (agressions sexuelles, violences conjugales).

Voyeurisme, harcèlement et outrage sexiste

Un nouveau délit a été créé : « le fait d’user de tout moyen afin d’apercevoir les parties intimes d’une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu’il est commis à l’insu ou sans le consentement de la personne » sera puni d’un an d’emprisonnement. Il y aura plusieurs causes aggravantes, notamment en cas d’enregistrement ou de transmission d’images. Ce nouveau délit, dont la captation n’est qu’une cause aggravante, se recoupe en partie avec le délit de « revenge porn », modifié en 2016. Sa rédaction alambiquée pourrait être un frein à l’usage.

Le Sénat a accepté l’élargissement du champ du harcèlement sexuel pour y inclure les propos ou comportements à connotation sexiste (et pas seulement sexuel) imposés à une personne de façon répétée.

Sur l’outrage sexiste, cette infraction sera constituée par le fait « d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porté atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Elle sera punie d’une contravention de 4e classe, sauf amende forfaitaire minorée ou circonstances aggravantes. Des stages pourront être prononcés à titre de peine complémentaire.

Pour aboutir au compromis, le Sénat a renoncé à plusieurs dispositions, comme le rapport d’orientation sur la politique de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, l’extension de l’enregistrement des auditions des victimes aux majeurs ou l’ajout de précisions sur l’obligation de signalement des professionnels de santé.

Il a toutefois obtenu que tous les projets régionaux de santé contiennent un volet sur la prévention des violences sexuelles et le suivi médical des victimes. Enfin, le gouvernement devra présenter annuellement, en annexe du projet de loi de finances, un rapport sur la politique publique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes.