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Virement au débit du compte d’un client mineur par un seul de ses parents et responsabilité de la banque

Le virement au débit du compte ouvert au nom d’un mineur étant un acte de disposition, il doit être accompli par les deux parents exerçant l’administration légale conjointement ou être, à défaut, autorisé par le juge des tutelles. La chambre commerciale précise ainsi la responsabilité encourue par la banque lorsque l’opération est passée en dépit de cette cogestion.

Parmi les quatre arrêts de droit bancaire rendus le 12 juin 2025 par la Cour de cassation (v. sur la fraude au président, Com. 12 juin 2025, n° 24-13.697 et n° 24-10.168, Dalloz actualité, 17 juin 2025, obs. C. Hélaine ; sur les opérations de paiement non autorisées, Com. 12 juin 2025, n° 24-13.777, nos obs. à paraître au Dalloz actualité), une solution dégagée par la chambre commerciale présente un degré d’originalité important. Celle-ci croise, en effet, les règles applicables aux opérations de banque avec le droit des mineurs et plus spécifiquement encore les dispositions issues de l’administration légale exercée conjointement par les deux parents.

La question suscitée par le pourvoi intéresse les pouvoirs d’un parent sur le compte bancaire de son enfant mineur, notamment pour réaliser des virements au débit de celui-ci. Comme le remarquent certains auteurs, l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille a réduit, à ce titre, la difficulté pour l’administrateur légal unique tandis que celle-ci perdure plus ou moins pleinement lorsque les deux parents exercent conjointement ladite administration (J. Lasserre Capdeville, M. Storck, M. Mignot, J.-P. Kovar et N. Éréséo, Droit bancaire, 4e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2024, p. 423, n° 739). La problématique reste fondamentale pour les établissements bancaires qui peuvent engager leur responsabilité s’ils ne sont pas assez vigilants sur les pouvoirs réels de chaque parent quand l’un d’eux réalise un virement sur le compte du mineur.

Reprenons les faits pour comprendre où s’était noué le problème en précisant que l’ordonnance du 15 octobre 2015 n’était pas applicable à la cause. Trois enfants mineurs sont titulaires de différents comptes d’épargne ouverts dans les livres d’un établissement bancaire. Leur père – qui exerce l’administration légale conjointement avec leur mère – verse au crédit desdits comptes diverses sommes appartenant aux enfants. Il opère, par la suite, seul le 26 juin 2012 un virement de 5 000 € au débit des comptes d’épargne concernés, et ce, au bénéfice d’une de ses activités personnelles. Des virements et des retraits interviennent par la suite jusqu’à ce que le solde de chaque compte bancaire des enfants soit quasiment épuisé.

La mère se rend compte de la difficulté et alerte le juge des tutelles lequel désigne un administrateur ad hoc. En parallèle, elle fait assigner la banque – tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante de ses enfants mineurs – pour manquement à son obligation de vigilance concernant les opérations réalisées par le père sans son concours. L’administrateur intervient logiquement à l’instance. En cause d’appel, les juges du fond condamnent l’établissement bancaire à régler les sommes de 6 664,38 €, de 6 294,89 € et de 6 224,77 € à ce titre. La cour d’appel considère, en effet, que les circonstances laissaient suspecter un détournement de fonds imposant de retenir la responsabilité de la banque.

L’établissement bancaire se pourvoit en cassation. L’arrêt rendu le 12 juin 2025 aboutit à un rejet du pourvoi avec substitution de motifs, sauvant in extremis la décision attaquée d’une cassation. Une orientation assurément très importante en droit bancaire expliquant sa publication au Bulletin et aux Lettres de chambres.

Une solution incertaine

Tout l’enjeu du problème réside donc dans la qualification des virements litigieux opérés par l’un des parents au débit du compte de son enfant :

  • s’il s’agit d’un acte d’administration, l’article 389-4 ancien du code civil repris désormais à l’article 382-1 depuis l’ordonnance de 2015 permet à chaque parent...

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