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Article
Visite domiciliaire préventive en matière terroriste : usage juridictionnel des « notes blanches »
Visite domiciliaire préventive en matière terroriste : usage juridictionnel des « notes blanches »
Une visite domiciliaire préventive peut reposer exclusivement sur une « note blanche » émanant des services de renseignement, si tant est que cette dernière remplisse certaines conditions. Le juge judiciaire doit, par ailleurs, vérifier la nécessité de la mesure à l’aune de l’actualité de la menace.
Le 6 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention (JLD) a été saisi d’une demande de visite des locaux d’une association, mesure prévue aux articles L. 229-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. La requête, émanant du préfet, reposait exclusivement sur une « note blanche » – note émanant d’un service de renseignement et ayant été « blanchie », c’est-à-dire dont les éléments permettant l’identification de la source et des moyens d’obtention des informations ont été retirés – et faisait état du comportement du co-président de l’association, qui présenterait une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics. Le JLD autorise la visite par une ordonnance du 7 octobre 2021, qui fera l’objet d’un appel devant le premier président de la Cour d’appel de Paris. Ce dernier confirme l’autorisation donnée par le JLD, aux motifs, d’une part, que le Conseil d’État a admis, à certaines conditions, le recours aux notes blanches à titre probatoire, et, d’autre part, que les différents éléments au fondement de la requête du préfet démontrent que les conditions de fond étaient bien remplies. L’association se pourvoit alors en cassation. Elle prétend, en premier lieu, qu’une note blanche ne peut, à elle seule, servir de fondement à une requête de visite domiciliaire, car le JLD doit pouvoir opérer une vérification du bien-fondé de la mesure en s’appuyant sur des éléments objectifs. Une note blanche devrait donc, nécessairement, être corroborée par d’autres éléments extrinsèques. Elle conteste, en second lieu, la teneur de la menace, puisque l’ensemble des éléments invoqués par le préfet sont anciens et ne suffisent donc pas à démontrer son caractère actuel. Au surplus, l’association évoque une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, concernant le droit à la vie privée et familiale. La chambre criminelle rejette le pourvoi en validant en tous points le raisonnement opéré par le premier président de la Cour d’appel de Paris, et profite de l’occasion pour se positionner, pour la première fois, sur l’usage juridictionnel des notes blanches, tout en rappelant utilement les conditions de la visite domiciliaire préventive.
L’admission judiciaire du recours aux notes blanches en matière de prévention du terrorisme
Les notes blanches présentent l’avantage de permettre la communication à des personnes non habilitées au secret défense de certaines informations émanant des services de renseignement, sans compromettre le secret des sources (sur les notes blanches, v. B.-L. Combrade, Les notes blanches des services de renseignement, RFDA 2019. 1103 ). Si l’usage juridictionnel de ces notes a longtemps été résiduel, la mise en place de l’état d’urgence durant deux ans, à la suite des attentats du 13 novembre 2015, leur a grand ouvert les portes de la juridictionnalisation. En raison de la nature préventive des actes prévus par la loi de 1955 (Loi n° 55-385 du 3 avr. 1955 relative à l’état d’urgence, JO 7 avr.), le juge administratif s’est trouvé saisi de nombreuses mesures administratives restrictives de liberté (assignations à résidence, interdictions de séjour, dissolution d’associations, perquisitions administratives) reposant sur de telles notes. Le Conseil d’État a donc, très rapidement, élaboré de façon prétorienne une politique d’usage des notes blanches à titre probatoire en matière administrative, en soumettant leur caractère probant à trois conditions cumulatives : le contenu des notes doit être précis et circonstancié, les notes doivent avoir été versées au débat contradictoire, et, enfin, elles ne doivent pas faire l’objet d’une « contestation sérieuse » de la part du requérant (CE 11 déc. 2015, n° 394989, Dalloz actualité, 15 déc. 2015, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2015. 2404 ; RFDA 2016. 105, concl. X. Domino ). Lorsque ces conditions sont réunies, la note blanche bénéficie d’une valeur probante (Circ. du 5 nov. 2016 relative à l’articulation des mesures administratives et des mesures...
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Auteur(s) : Christian Guéry; Bruno Lavielle