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Visites domiciliaires : les établissements stables d’entreprises étrangères peuvent recevoir la visite des agents français des impôts

Une société de droit étranger est tenue, lorsqu’elle exerce une activité en France par l’intermédiaire d’un établissement stable, aux obligations résultant des articles 54, 209 et 286, I, 3°, du code général des impôts, qui exigent la passation d’écritures comptables permettant de justifier des opérations imposables en France, de sorte que lorsqu’elle a méconnu ses obligations déclaratives, elle peut être présumée avoir omis sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou avoir passé ou fait passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts. En conséquence, doit être approuvé le premier président d’une cour d’appel qui, s’agissant d’une société domiciliée dans un autre État membre de l’Union européenne exerçant une activité taxable en France par l’intermédiaire d’un établissement stable, déduit de l’existence de présomptions qu’elle a omis de comptabiliser les recettes provenant de cette activité et de souscrire les déclarations fiscales correspondantes, l’existence de présomptions d’omissions comptables entrant dans le champ d’application de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, et qui retient que la mise en oeuvre de ce texte n’entraîne pas la violation des principes de liberté d’établissement et de non-discrimination des sociétés au sein de l’Union européenne, dès lors qu’il ne constitue pas une mesure fiscale interdisant, gênant ou rendant moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement, en ce qu’il n’impose aucune obligation particulière aux contribuables, et qu’aucune disposition nationale n’exige d’une telle société qu’elle tienne une comptabilité complète en France, établie selon la réglementation nationale et conservée sur le territoire national.

par Emmanuel Cruvelierle 9 mars 2023

L’article L. 16 B du livre des procédures fiscales (LPF) confère aux agents des impôts un droit de visite et de saisie en tous lieux, même privés, pour la recherche des infractions en matière d’impôts directs et de taxes sur le chiffre d’affaires. Placé sous le contrôle de l’autorité judiciaire à tous les stades de son déroulement, ce droit de visite et de saisie est soumis à des règles très strictes destinées à concilier les nécessités de l’action fiscale qui peuvent exiger que des agents du fisc soient autorisés à opérer des investigations dans des lieux privés, d’une part, et le respect de la liberté individuelle sous tous ses aspects, et notamment celui de l’inviolabilité du domicile, d’autre part.

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, un juge des libertés et de la détention avait rendu une ordonnance autorisant une visite domiciliaire dans des locaux susceptibles d’être occupés par la société Orefi orientale et financière ainsi que par la société Orefa, société de droit luxembourgeois disposant d’un établissement stable en France, en vue de rechercher la preuve de la commission, par cette dernière société, de faits caractérisant un délit de fraude fiscale.

Ayant interjeté appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris, et celui-ci ayant, par une ordonnance en date du 3 mars 2021, confirmé la requête du juge des libertés et de la détention, la société Orefa s’est pourvue en cassation, aux motifs que :

  • l’article L. 16 B du LPF n’autorise une visite domiciliaire qu’en cas d’omission volontaire de passer des écritures comptables ;
     
  • en affirmant qu’une simple présomption d’absence de déclaration en France suffisait à justifier une visite domiciliaire à l’encontre d’une société domiciliée dans un autre État membre de l’Union européenne, le juge du fond aurait violé les dispositions du droit de l’Union.

En réponse, la Cour de cassation trouve l’occasion de s’exprimer sur l’application des contraintes posées par l’article L. 16 B du LPF aux établissements stables exploités, en France, par des entreprises étrangères, apportant ainsi une pierre importante à l’édifice du droit fiscal international.

L’omission d’écritures comptables n’est qu’un des cas d’application de l’article L. 16B du LPF

Les avocats de la société requérante invoquent l’argument selon lequel « l’article L. 16 B du LPF n’autorise une visite domiciliaire qu’en cas d’omission volontaire de passer des écritures comptables ». Dans sa motivation, la Cour de cassation ne prend pas la peine de répondre...

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