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Visites domiciliaires : pas de preuves, mais de simples présomptions !

La Cour de cassation vient de rendre, en matière de visites domiciliaires, deux arrêts qui confirment que l’administration fiscale n’a pas besoin de preuves probantes pour engager une visite domiciliaire à l’encontre d’un contribuable, que de simples présomptions suffisent à justifier.

par Emmanuel Cruvelierle 24 février 2023

L’article L. 16 B du livre des procédures fiscales (LPF) confère aux agents des impôts un droit de visite et de saisie en tous lieux, même privés, pour la recherche des infractions en matière d’impôts directs et de taxes sur le chiffre d’affaires. Placé sous le contrôle de l’autorité judiciaire à tous les stades de son déroulement, ce droit de visite et de saisie est soumis à des règles très strictes destinées à concilier les nécessités de l’action fiscale qui peuvent exiger que des agents du fisc soient autorisés à opérer des investigations dans des lieux privés, d’une part et le respect de la liberté individuelle sous tous ses aspects, et notamment celui de l’inviolabilité du domicile, d’autre part.

La visite des agents des impôts ne suscite jamais, chez le contribuable, le même enthousiasme que génèrerait celle des Rois mages, et sans doute est-ce ce déplaisir qui a conduit la société LVMH finance Belgique (ci-après LFB) à contester, devant le juge judiciaire, une ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l’article L. 16 du LPF, et autorisant l’administration fiscale à procéder à des visites avec saisie dans des locaux et dépendances susceptibles d’être occupés par diverses sociétés du groupe LVMH. Cela, afin de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la société LFB en matière d’impôt sur les sociétés et de taxes sur le chiffre d’affaires, ainsi que des infractions d’achats ou de ventes sans factures et d’omissions d’écritures comptables, ou de passation d’écritures comptables inexactes ou fictives. Par procédure séparée, les diverses sociétés du groupe LVMH (LVMH, Moët Hennessy International, Ufipar, Delphine, LBD Holding, Moët Hennessy Investissement, Alderande, etc.) ont également contesté l’ordonnance rendue à leur encontre, et autorisant la même visite domiciliaire.

Par ordonnances du 9 septembre 2020, le premier président de la cour d’appel de Paris a annulé les ordonnances rendues par le juge des libertés et de la détention, annulant ainsi la visite domiciliaire au motif que l’administration fiscale ne démontrait pas que la société LFB avait les moyens nécessaires pour assurer dans cet État la mission qui lui était confiée.

Le Directeur général des finances publiques s’est pourvu devant la Cour de cassation afin de voir prononcer la cassation de ces deux ordonnances, au motif que :

  • pour solliciter une autorisation de visite, l’administration n’a pas à prouver l’existence d’une situation révélant un manquement aux obligations fiscales ;
  • elle est simplement tenue d’apporter des indices permettant de retenir des soupçons de manquement, de telle sorte que l’exigence formulée par le premier président de la cour d’appel de Paris fait peser sur elle une preuve complète, violant ainsi l’article L. 16 B du LPF.

La jurisprudence judiciaire se limite à l’exigence d’une simple présomption

L’article L. 16 B du LPF énonçant expressément que la visite domiciliaire peut être...

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