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Volet immobilier de la loi « Pouvoir d’achat » du 16 août 2022

La loi nouvelle anticipe la revalorisation des aides personnelles au logement, met en place des « boucliers loyers » et précise les modalités d’interruption de la fourniture d’électricité dans une résidence principale.

En matière immobilière, la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (JO du 17 août) comporte tout d’abord des mesures de revalorisation des aides personnelles au logement.

Elle met ensuite en place un plafonnement de la révision des loyers pour les baux d’habitation, ruraux et commerciaux.

De plus, pour les baux d’habitation portant sur des locaux situés en zone tendue, elle limite la possibilité, pour le bailleur, d’appliquer un complément de loyer.

Enfin, le législateur a apporté des précisions concernant les modalités d’interruption de la fourniture d’électricité dans une résidence principale entre le 1er avril et le 31 octobre.

On relèvera que les mesures concernant les APL et les loyers (ne) sont (que) conjoncturelles (car limitées dans le temps). Elles pourront toutefois, évidemment, être reconduites et/ou amendées le cas échéant.

Revalorisation anticipée des aides personnelles au logement

Aux termes de l’article 12 du texte nouveau, toutes les aides mentionnées à l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation, à savoir l’aide personnalisée au logement et les allocations de logement (familiale et sociale) sont revalorisées le 1er juillet 2022 de 3,5 %.

Cette revalorisation intervient « pour 2022, par anticipation et en remplacement de la revalorisation annuelle prévue à l’article L. 823-4 du CCH » (d’ordinaire, la revalorisation intervient au 1er octobre pour les paramètres représentatifs de la dépense de logement).

La loi de 2022 ajoute par ailleurs un alinéa à cet article L. 823-4 aux termes duquel « la date de l’indice de référence des loyers prise en compte pour cette révision est celle du deuxième trimestre de l’année en cours ».

Selon l’étude d’impact du texte, sur ce dernier point il s’agissait de clarifier le droit existant : « par défaut, c’est la dernière valeur connue qui est prise en compte en cohérence avec la rédaction de l’article 17-1 de la loi du 6 janvier 1989 qui précise cette règle pour les baux. Toutefois cette règle n’est pas écrite explicitement pour ce qui concerne la revalorisation de l’APL ».

Mise en place d’un « bouclier loyers » pour les baux d’habitation et ruraux

Champ d’application. Le même article 12 de la loi nouvelle prévoit des mesures de plafonnement de la révision des loyers de baux d’habitation ou à usage mixte du secteur privé, c’est-à-dire ceux régis par la loi du 6 juillet 1989 (révision du loyer en cours de bail et prise en compte de l’évolution de l’indice dans le cadre de la fixation du loyer de renouvellement en et hors zone tendue), que les loyers du parc social et les fermages, mais aussi la redevance (et le prix de vente) dû(s) dans le cadre d’un contrat de location accession.

Principe du « bouclier loyer ». « Le bouclier loyers » n’est que temporaire, puisqu’il ne concerne que la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023.

Durant cette période, la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 3,5 % (la hausse enregistrée par l’INSEE était de 2,48 % au premier trimestre 2022 et de 3,60 % au deuxième. Au-delà, selon l’étude d’impact de la loi, la hausse devrait s’amplifier, pour atteindre 4,5 %, voire à 5 % en glissement annuel au quatrième trimestre 2022).

Dérogations. Ce bouclier est plus drastique pour les « collectivités régies par l’article 73 de la Constitution » (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte), puisque la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne pourra y excéder 2,5 %.

Par ailleurs, dans la collectivité de Corse, pour la fixation des indices de référence des loyers le représentant de l’État pourra (après consultation pour avis de l’assemblée de Corse), par arrêté, moduler la variation, dans la limite de 1,5 point de pourcentage.

Cette modulation devra prendre en compte :

- les caractéristiques démographiques et sociales de la population locale, dont le taux de pauvreté de la collectivité de Corse ;
- l’existence d’un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant ;
- l’écart entre l’inflation annuelle constatée en France métropolitaine et celle constatée en Corse.

Mise en place d’un « bouclier loyers » pour les baux commerciaux

Champ d’application. L’article 14 du texte nouveau vise les petites et moyennes entreprises locataires, et concerne la révision du loyer pour les trimestres compris entre le deuxième trimestre 2022 et le premier trimestre 2023 (Rappr., le Décr. n° 2022-357 du 14 mars 2022 opérant une refonte pérenne mais insuffisante de la formule de calcul de l’ILC, Dalloz actualité, 17 mars 2022, obs. Y. Rouquet).

Les PME dont il est question sont, précise le texte, celles qui « répondent à la définition de l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ».

Mesures de plafonnement de la révision du loyer. Pour ces locataires et sur la période considérée, la variation annuelle de l’indice des loyers commerciaux (ILC), publié par l’INSEE, prise en compte pour la révision du loyer ne peut excéder 3,5 %.

Le texte précise que le plafonnement de la variation annuelle est définitivement acquis et la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision postérieure ne peut prendre en compte la part de variation de l’indice des loyers commerciaux supérieure à 3,5 % sur cette même période.

La dernière valeur de l’ILC (celle du 1er trimestre 202 prenant en compte la nouvelle composition de l’indice, fait état d’une variation de + 3,32 %, v. Dalloz actualité, 24 juin 2022, obs. Y. Rouquet).

Complément de loyer : limitation du champ d’application

L’article 13 de la loi « pouvoir d’achat » modifie l’article 140 de la loi ELAN du 23 novembre 2018, article relatif à l’expérimentation, en zone tendue, de l’encadrement des loyers d’habitation par voie préfectorale, de manière à interdire au bailleur d’appliquer un complément de loyer lorsque le logement présente une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :

- des sanitaires sur le palier ;
- des signes d’humidité sur certains murs ;
- un niveau de performance énergétique de classe F ou de classe G au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation ;
- des fenêtres laissant anormalement passer l’air hors grille de ventilation ;
- un vis-à-vis à moins de dix mètres ;
- des infiltrations ou des inondations provenant de l’extérieur du logement ;
- des problèmes d’évacuation d’eau au cours des trois derniers mois ;
- une installation électrique dégradée ;
- ou une mauvaise exposition de la pièce principale.

Même si, le texte ne le dit pas, on peut imaginer (ou, à tout le moins souhaiter) qu’un décret d’application vienne préciser certains de ces critères (quels signes d’humidité doivent être pris en compte ? Qu’est-ce qu’un taux anormal d’air ? Que doit-on comprendre « problèmes d’évacuation » ?).

Modalités d’interruption de la fourniture d’électricité dans une résidence principale

L’article 35 de la loi du 16 août 2022 complète l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, qui s’insère dans un chapitre relatif à la lutte contre la pauvreté et les exclusions.

Jusqu’alors ce texte précisait que du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz (et, tout au long de l’année pour les distributeurs d’eau pour la distribution d’eau) ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles.

Si une réduction de puissance par le fournisseur reste toutefois, en principe, possible, elle est exclue à l’égard des consommateurs en situation de précarité énergétique.

Désormais, il est prévu que « le reste de l’année [soit, du 1er avr. au 31 oct.], les fournisseurs d’électricité ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption de la fourniture d’électricité, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, qu’après une période de réduction de puissance, qui ne peut être inférieure à un mois, permettant au ménage de satisfaire ses besoins fondamentaux de la vie quotidienne et d’hygiène.

Les modalités d’application de cette nouvelle disposition, en particulier les bénéficiaires et la durée de cette mesure, sont renvoyées à la prise d’un décret en Conseil d’État.