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Article
Le volet pénal de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration : punir et éloigner
Le volet pénal de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration : punir et éloigner
La loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 contient un certain nombre de dispositions pouvant être rattachées à la matière pénale : création de nouvelles infractions, réforme de l’interdiction de territoire, nouvelles prérogatives en matière d’identification des personnes. Une partie d’entre elles ont fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel.
par Théo Scherer, Maître de conférences à l’Université de Caen Normandiele 31 janvier 2024
Il y aurait beaucoup à dire sur la loi du 26 janvier 2024 : son parcours législatif et la manière dont elle a été adoptée, les débats qu’elle provoque, les valeurs qu’elle porte et celles qu’elle bat en brèche. Il y aurait sans doute tout autant à écrire sur la décision du Conseil constitutionnel du 25 janvier relatif à cette loi (Cons. const. 25 janv., n° 2023-863 DC, Dalloz actualité, 29 janv. 2024, obs. M.-C. de Montecler ; D. 2024. 170, et les obs. ). Par souci de synthèse, le propos du présent commentaire est centré sur les dispositions pénales de la loi, tant de droit substantiel que de procédure.
Tracer la frontière de ce qui relève du pénal ou non comporte une certaine part de subjectivité. Les dispositions de droit des étrangers font parfois référence à des textes du code pénal. C’est par exemple le cas en matière d’expulsion dans le département de Mayotte (CESEDA, art. L. 651-7-1) ou pour les refus de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour lorsque le demandeur a commis des faits l’exposant à ce qu’il soit condamné par le juge pénal et qui correspondent à l’une des infractions mentionnées au nouvel article L. 432-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Pour ces dispositions, la référence à la loi pénale n’est toutefois que secondaire ; il est donc plus approprié de les étudier dans le cadre d’une analyse sous l’angle du droit des étrangers. Le présent commentaire traitera des nouvelles infractions et des dispositions modifiant des textes d’incrimination, le nouveau régime de l’interdiction de territoire et les prérogatives des officiers de police judiciaire.
Nouvelles infractions et manquements
Une nouvelle circonstance aggravante est ajoutée aux délits de facilitation, par aide directe ou indirecte, à l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France (CESEDA, art. L. 823-1) et d’un étranger sur le territoire d’un État partie à la Convention de Schengen ou de Palerme (CESEDA, art. L. 823-2). Désormais, si ces infractions sont commises en bande organisée et dans des conditions répondant à une autre des circonstances aggravantes visées à l’article L. 823-3 du CESEDA, elles basculent dans la catégorie des crimes, en étant réprimées de quinze ans de réclusion criminelle et d’un million d’euros d’amende.
Un nouveau crime a aussi été ajouté au CESEDA. Prévu à l’article L. 823-3-1, il réprime le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objet la commission des infractions de facilitation à la circulation ou au séjour d’étranger en situation irrégulière. Ce crime est puni de vingt ans de réclusion criminelle et 1 500 000 € d’amende. On peut noter que l’immunité humanitaire visée au 3° de l’article L. 823-9 du CESEDA est applicable à cette infraction. Enfin, la création de ce nouveau crime a nécessité une modification du code de procédure pénale pour qu’il entre dans la liste des infractions relevant de la criminalité organisée (C. pr. pén., art. 706-73, 13°).
On constate également un durcissement de la répression pour certaines infractions.
Ainsi, une peine d’amende a été ajoutée aux différents délits sanctionnant la violation des modalités d’une assignation à résidence dans le cadre d’une mesure d’éloignement (CESEDA, art. L. 824-4, L. 824-5, L. 824-6 et L. 824-7). En revanche, pour ce qui est de l’alourdissement des peines en cas de mariage ou de reconnaissance d’enfant aux seules fins d’obtenir un titre de séjour ou une protection contre une mesure d’éloignement (CESEDA, art. L. 823-11), le Conseil constitutionnel l’a censuré en tant que cavalier législatif (Cons. const. 25 janv. 2024, préc., consid. 83 s.).
La loi avait aussi pour ambition de réinstaurer un délit de séjour irrégulier. Pour mémoire, l’ancien article L. 621-1 du CESEDA incriminait le séjour irrégulier ou le maintien en France au-delà de la durée prévue par le visa, et le réprimait à hauteur d’un an d’emprisonnement et 3 750 € d’amende. La loi du 31 décembre 2012 (Loi n° 2012-1560 du 31 déc. 2012, Dalloz actualité, 8 janv. 2013, obs. C. Fleuriot) a abrogé ce délit, qui s’était révélé être manifestement inconventionnel, le droit de l’Union interdisant de prévoir une peine d’emprisonnement dans cette situation (CJUE 28 avr. 2011, Hassen El Dridi, aff. C-61/11, Dalloz actualité, 11 mai 2011, obs. C. Fleuriot ; AJDA 2011. 878 ; ibid. 1614, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat ; D. 2011. 1880 , note G. Poissonnier ; ibid. 1400, entretien S. Slama ; ibid. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJ pénal 2011. 362 , note S. Slama et M.-L. Basilien-Gainche ; RFDA 2011. 1225, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; ibid. 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; Rev. crit. DIP 2011. 834, note K. Parrot ). Pour contourner cette difficulté, les sénateurs avaient prévu que le nouveau délit soit seulement puni d’une peine d’amende de 3750 € et d’une peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire français. Toutefois, cette infraction ne verra pas le jour : ajoutée en première lecture au Sénat, le Conseil constitutionnel a estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif, et l’a donc censurée (Cons. const. 25 janv. 2024, préc., consid. 83 s.).
À l’opposé des infractions évoquées, certaines dispositions pénales de la loi ont aussi vocation à protéger les personnes en situation irrégulière. Ainsi, pour plusieurs infractions du code de la construction et de l’habitation relatives à la sécurité et à la salubrité des immeubles, le législateur a ajouté une circonstance aggravante tenant à la qualité de personne vulnérable...
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25e édition
Auteur(s) : Jean-Christophe Crocq