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Article
La vraisemblance du risque de mauvais traitements en matière d’extradition
La vraisemblance du risque de mauvais traitements en matière d’extradition
La chambre de l’instruction doit émettre un avis défavorable à la demande d’extradition d’un étranger qui bénéficie de l’asile subsidiaire du fait des risques qu’il court de subir de mauvais traitements dans son pays d’origine.
par Margaux Dominatile 12 février 2021
Le 13 mars 2017, la cour d’appel de Shkodër condamne un ressortissant albanais par contumace à une peine de quatre ans et huit mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve. La même juridiction révoque le sursis qui lui avait été octroyé par un arrêt du 1er novembre 2018. Le 16 octobre 2019, la cour nationale du droit d’asile lui accorde le bénéfice d’une mesure de protection subsidiaire en application de l’article L. 712-1 b) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), du fait des risques avérés qu’il subisse « la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants » dans son pays d’origine (§ 10 du présent arrêt). Le 29 octobre 2019, il est interpellé à Annecy en exécution d’une fiche de recherches relative à une demande d’arrestation provisoire des autorités albanaises aux fins d’exécution de sa peine. Le 30 octobre de la même année, la demande d’arrestation provisoire dont il fait l’objet lui est notifiée. Il déclare alors s’opposer à son extradition, puis est placé sous contrôle judiciaire. Saisie dans le cadre de la procédure de l’article 696-15 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Chambéry émet un avis favorable à son extradition, estimant que « l’octroi de la protection subsidiaire […] a pour effet d’interdire [la] remise [de l’intéressé] durant le temps de la protection accordée. […] Cependant, ce statut provisoire protecteur n’affecte pas la régularité́ de la demande d’extradition » (§ 13). L’intéressé conteste cette décision devant la formation criminelle de la Cour de cassation.
L’extradition peut être définie comme le mécanisme juridique qui vise à la remise d’un individu par un État (l’État requis), sur le territoire duquel il se trouve, à un autre État (l’État requérant), afin qu’il y soit jugé ou qu’il y exécute sa peine (v. A. Huet et R. Koering-Joulin, Droit pénal international, 3e éd., PUF, coll. « Thémis », 2005, p. 397). Du fait des multiples causes d’extradition, de refoulement ou d’expulsion prévues par le droit interne et le droit international, ainsi que des conséquences qu’elles emportent, cette procédure fait l’objet d’un large contentieux dont se sont saisis à la fois le droit européen et le droit français (v. Rép. dr. int., v° Extradition, par D. Rebut, nos 13 s.).
À l’échelle internationale, l’article 3, § 1, de la Convention des Nations unies contre la torture du 10 décembre 1984 a harmonisé la protection applicable aux justiciables les plus vulnérables, en consacrant une obligation positive des États membres à la Convention de ne pas expulser, refouler ou extrader « […] une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture » (v. F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, 15e éd., PUF, coll. « Droit fondamental », 2021). La Cour européenne des droits de l’homme a ensuite étendu la protection offerte par l’article 3 de la Convention aux étrangers non-ressortissants d’États parties à la Convention, en consacrant un mécanisme de « protection par ricochet » (CEDH 7 juill. 1989, Soering c/ Royaume-Uni, n° 14038/88, RSC 1989. 786, obs. L.-E. Pettiti ; JCP 1990. II. 3452, note Labayle). Les États signataires disposent donc désormais d’une obligation positive de ne pas éloigner un étranger vers un pays où il courrait un risque de subir des traitements contraires à l’article 3, quels que soient ses agissements et son degré de dangerosité (CEDH 3 déc. 2009, Daoudi c/ France, n° 19576/08, §§ 71 et 72, AJDA 2010. 997, chron. J.-F. Flauss ; CE 8 oct. 2010, n° 338505, Daoudi, Lebon ; AJDA 2010. 1911 ; ibid. 2433 , concl. S.-J. Liéber ; RFDA 2010. 1257, chron. A. Roblot-Troizier et T. Rambaud ; ibid. 2011. 353, étude G. Eveillard ; Constitutions 2011. 117, obs. V. Tchen ; Constitutions 2011. 117, obs. V. Tchen ; JCP 2009. Act. 596, obs. B. Belda).
Classiquement, l’applicabilité de l’article 3 de la Convention est conditionnée par la démonstration d’une « preuve au-delà de tout doute raisonnable » du risque réel d’être soumis à un tel traitement (CEDH, gr. ch., 28 févr. 2008, Saadi c/ Italie, n° 37201/06, §§ 130 et 131, AJDA 2008. 978, chron. J.-F. Flauss ; ibid. 1929, chron. J.-F. Flauss ; RSC 2008. 692, chron. J.-P. Marguénaud et D. Roets ; RFDA 2009. Chron. 705, obs. H. Labayle et F. Sudre). Son examen est donc réalisé à la lumière de la situation générale dans le pays de renvoi (CEDH 27 août 2013, V. T. c/ France, n° 3551/10, § 25) et des circonstances propres au cas de...
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