- Administratif
- Toute la matière
- > Acte
- > Bien
- > Collectivité territoriale
- > Compétence
- > Contrat et marché
- > Droit économique
- > Droit fondamental et liberté publique
- > Election
- > Environnement
- > Finance et fiscalité
- > Fonction publique
- > Police
- > Pouvoir public
- > Procédure contentieuse
- > Responsabilité
- > Service public
- > Urbanisme
- Affaires
- Civil
- Toute la matière
- > Arbitrage - Médiation - Conciliation
- > Bien - Propriété
- > Contrat et obligations
- > Droit et liberté fondamentaux
- > Droit international et communautaire
- > Famille - Personne
- > Filiation
- > Mariage - Divorce - Couple
- > Procédure civile
- > Responsabilité
- > Succession - Libéralité
- > Sûretés
- > Voie d'exécution
- Européen
- Immobilier
- IP/IT et Communication
- Pénal
- Toute la matière
- > Atteinte à l'autorité de l'état
- > Atteinte à la personne
- > Atteinte aux biens
- > Circulation et transport
- > Criminalité organisée et terrorisme
- > Droit pénal des affaires
- > Droit pénal général
- > Droit pénal international
- > Droit social
- > Enquête
- > Environnement et urbanisme
- > Etranger
- > Informatique
- > Instruction
- > Jugement
- > Mineur
- > Peine et exécution des peines
- > Presse et communication
- > Santé publique
- Social
- Toute la matière
- > Accident, maladie et maternité
- > Contrat de travail
- > Contrôle et contentieux
- > Droit de la sécurité sociale
- > Grève
- > Hygiène - Sécurité - Conditions de travail
- > IRP et syndicat professionnel
- > Négociation collective
- > Protection sociale
- > Rémunération
- > Rupture du contrat de travail
- > Santé publique
- > Travailleurs handicapés
- Avocat
Interview

Au cœur de la sécurité économique : contrôle des investissements étrangers, protection des actifs stratégiques et lutte contre les ingérences économiques (Partie 1)
Au cœur de la sécurité économique : contrôle des investissements étrangers, protection des actifs stratégiques et lutte contre les ingérences économiques (Partie 1)
Les turbulences d’ordre géopolitique, sanitaire et économique qui ont secoué le monde ces dernières années ont conduit les États à repenser l’équilibre entre attractivité des investissements étrangers et souveraineté économique, entraînant parfois des modifications brutales et structurelles dans l’accompagnement des investissements étrangers dans les secteurs sensibles, ainsi que dans l’évaluation et la prévention des menaces que font peser ces investissements sur leur sécurité nationale et leur ordre public. De la Chine aux États-Unis, du Royaume-Uni à l’Allemagne, en passant par la France, de nombreux États réforment et renforcent leurs mécanismes de contrôle des investissements étrangers. En France, un écosystème dynamique s’est progressivement structuré autour de cette problématique, à la croisée de la politique, de la géopolitique, de l’économie, de la finance, de la stratégie et du droit. Les investissements internationaux, les transactions transfrontalières et les opérations de fusions-acquisitions transnationales sont désormais encadrés par une diversité croissante d’acteurs institutionnels et privés, dans une logique de dialogue renforcé avec l’État. Dans ce contexte, le Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE), rattaché à la Direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, joue un rôle central. Chargé de la protection des intérêts économiques fondamentaux de la Nation, le SISSE coordonne les politiques publiques de sécurité économique, en particulier en matière de contrôle des investissements étrangers, de sauvegarde des actifs stratégiques et de lutte contre les ingérences économiques. Pour rendre compte de la richesse de ces pratiques et de l’évolution du contrôle des investissements étrangers en France, Dalloz actualité, en partenariat avec FDI Control, donne la parole aux acteurs clés de ce dispositif. L’entretien avec Joffrey Célestin-Urbain, chef du SISSE de 2018 à 2025, permet de dresser un bilan approfondi, analytique et de référence de sept années marquées par des transformations majeures de la politique française en matière de sécurité économique, ainsi que des instruments juridiques déployés à son service.
le 13 mai 2025
Entretien réalisé par David Chekroun, Professeur de droit des affaires à ESCP Business School et Avocat au Barreau de Paris pour Dalloz actualité et le Cercle Lefebvre Dalloz.
Cet entretien s’inscrit dans une série d’entretiens réalisés en partenariat avec FDI Control, sous la direction de David Chekroun, Professeur de droit des affaires à ESCP Business School et Avocat au Barreau de Paris, et le Cercle Lefebvre Dalloz.
Les missions et les moyens du SISSE
David Chekroun : Depuis votre prise de fonctions en 2018, le SISSE a notablement renforcé ses outils de veille et d’alerte. Quel bilan dressez-vous des menaces économiques les plus récurrentes traitées par vos services ces dernières années ?
Joffrey Célestin-Urbain : Le bilan le plus marquant – et paradoxalement le plus discret – concerne précisément la mise en place, sans précédent avant 2020, d’un système complet de remontée d’informations et de détection d’alertes impliquant, autour du SISSE, une longue chaîne d’acteurs publics, au niveau national comme au niveau local. Avant 2020, il n’existait aucune statistique consolidée au sein de l’État sur l’état de la menace économique étrangère répertoriée. À partir de 2020, à la suite des réformes de gouvernance de la politique de sécurité économique, le SISSE a constitué une plateforme interministérielle qui recueille quotidiennement l’ensemble des flux d’informations stratégiques collectés par les administrations parties prenantes et susceptibles de constituer une alerte de sécurité économique, c’est-à-dire une menace étrangère, potentielle ou avérée, sur un ou plusieurs actifs stratégiques, matériels ou immatériels, de l’économie française. Ces actifs sont référencés depuis 2019 dans trois listes distinctes et complémentaires, protégées par le secret de la défense nationale. Celles-ci recouvrent à la fois des entreprises, des unités de recherche publiques et des technologies. Dès qu’un service de l’État relève, dans le cadre de ses attributions, une information relative à l’un de ces actifs, il en avise le SISSE, qui procède alors à la caractérisation fine du signalement, pour déterminer s’il révèle une menace pour la sécurité économique de la Nation. Dans l’affirmative, le SISSE s’assure qu’une réponse coordonnée et efficace y est apportée par les services de l’État concernés, dans le but explicite de prévenir ou de neutraliser la menace identifiée. Dans la négative, l’information est écartée comme non pertinente pour la sécurité économique. Le nombre d’alertes recensées a fortement augmenté entre 2020 et 2023, passant de 353 nouvelles alertes par an en 2020 à 968 en 2023, avant de refluer pour la première fois en 2024 (à 750). Au total, en l’espace de cinq ans, sur la période 2020-2024, près de 3 250 menaces pour la sécurité économique de la France ont été détectées et traitées par les services de l’État. Ces menaces se divisent en deux blocs principaux représentant chacun entre 40 et 45 % du total selon les années : d’une part, la prise de contrôle d’entreprises stratégiques par des intérêts étrangers, via la réalisation d’opérations capitalistiques ; d’autre part, les atteintes à la propriété intellectuelle, aux savoir-faire et aux informations sensibles. Les premières peuvent elles-mêmes prendre des formes très diverses : offre publique d’achat amicale ou hostile sur une entreprise cotée, offensive d’un fonds d’investissement activiste, reprise d’un sous-traitant industriel à la barre du tribunal de commerce… Les secondes empruntent également des canaux variés : accords-cadres de partenariats relatifs au financement de programmes de recherche, « phishing expeditions » dans le cadre de procédures judiciaires diligentées depuis l’étranger, attaques cybernétiques…
David Chekroun : Quels ont été, sous votre direction, les principaux axes de mission du SISSE ? En quoi ont-ils évolué entre 2018 et 2025 ?
Joffrey Célestin-Urbain : Les missions du SISSE sont explicitées dans le décret n° 2019-206 du 20 mars 20191 qui a refondu le cadre institutionnel de gouvernance de la politique de sécurité économique. Elles s’articulent autour de trois composantes clefs : l’identification des actifs stratégiques de l’économie nationale (élaboration et mise à jour régulière des listes d’entreprises, de technologies et de laboratoires de recherche à protéger), la veille sur les menaces étrangères qui s’y rapportent ; et le pilotage de la remédiation, c’est-à-dire la mobilisation coordonnée de l’ensemble des moyens utilisables par l’État aux fins de contrecarrer ces mêmes menaces. Ce cadre de missions consacre une approche résolument opérationnelle de la sécurité économique, autour d’une chaîne continue et structurée d’informations (identification et partage d’alertes) qui nourrissent des décisions (neutralisation des menaces). Le principal apport des réformes engagées en 2018-2019 réside dans la systématisation des processus qui sous-tendent le fonctionnement de cette chaîne, avec des responsabilités clairement établies, et une doctrine, des référentiels et une feuille de route communs à l’ensemble des services de l’État. L’année 2019 a été essentiellement consacrée à l’adoption du nouveau cadre de gouvernance de la sécurité économique et à la mise en œuvre des réformes institutionnelles. L’année 2020 a marqué l’atterrissage opérationnel de la nouvelle politique, avec la création de la plateforme interministérielle de détection et de traitement des alertes autour du SISSE. Les années 2021 à 2024 ont été celles de la montée en puissance et du passage à l’échelle du dispositif étatique, dans un contexte de forte augmentation de la volumétrie des alertes enregistrées. Au fil de l’eau, plusieurs ajustements ont été apportés afin d’adapter les défenses économiques de l’État aux nouvelles formes de menaces étrangères, en intégrant les retours d’expériences : élargissement du périmètre des actifs protégés (inclusion du monde de la recherche à partir de 2021, affinement de la liste des technologies stratégiques…), extension des secteurs et des briques technologiques couvertes par...
Joffrey Célestin-Urbain

Joffrey Célestin-Urbain a été chef de 2018 à 2025 du Service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE), rattaché à la Direction générale des Entreprises (DGE) du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.