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Interview

Le directeur de l’EFB souhaite que des avocats financent la formation continue

Interview de Pierre Berlioz qui a pris la tête de l’École de formation du barreau de Paris (EFB).

le 1 février 2018

La rédaction :  À quoi sert l’EFB ?

Pierre Berlioz : Elle sert à transformer un juriste en avocat. C’est un SAS d’entrée vers la profession. L’université forme des juristes, elle constitue le socle commun à toutes les professions du droit, même s’il y a des aiguillages amorcés plus ou moins tôt. L’école a une vocation différente.

Elle ne doit enseigner que ce qui est utile pour l’avocat : la déontologie, qui est l’âme et l’esprit de la profession ; la procédure, mais appliquée, c’est-à-dire en vue de l’acquisition des réflexes nécessaires à l’exercice du métier ; et bien sûr l’élaboration des actes qui font le quotidien des avocats : actes de procédure, mais aussi contrats, statuts de société… Les élèves-avocats doivent être formés aux outils juridiques du praticien.

La rédaction : Jusqu’à présent, l’enseignement des savoirs fondamentaux souffrait d’une mauvaise réputation. À tort ou à raison, on lui reprochait de ne pas apporter de réelle valeur ajoutée. Est-ce que les réformes engagées permettront d’améliorer cette image ?

Pierre Berlioz : On n’arrive pas en disant qu’on va réinventer l’eau tiède. Pour moi, l’EFB n’est pas une grande école du droit, c’est une école de formation à la pratique. Je préfère rester dans la modestie de l’artisan, du travail bien fait. Je ne prétends donc pas révolutionner l’école, mais au contraire revenir à son fondement même. Mais s’il n’est pas question de révolution, il est en revanche question d’évolution, en profondeur. Je crois que c’est l’un des points importants.

Comment le faire ? C’est avant tout par une harmonisation et un suivi des enseignements. Il ne faut pas laisser les enseignants sans directive, mais au contraire leur donner la marche à suivre, sous la supervision d’un responsable pédagogique qui est lui-même avocat.

Concrètement, les cours sont dispensés sur la base de fiches élaborées par les responsables pédagogiques, qui constituent l’ossature harmonisée, enrichie par les intervenants. Quant au foisonnement, les cas pratiques sont élaborés soit par les responsables, soit sous leur contrôle. Le contenu et les directives de corrections sont vérifiés, à l’image d’un suivi qualité en quelque sorte, comme dans l’importe quel entreprise.

Cela me semble être une bonne façon de s’assurer de la qualité des enseignements, ce qui est presque une gageure avec plus de 1 500 élèves et 700 intervenants.

C’est un travail qui s’inscrit dans la durée. Il s’agit aujourd’hui de poser les jalons pour ensuite pérenniser le modèle. Le changement permanent n’est pas un terrain favorable à la pédagogie. La structure, les fondations, c’est ce qui manque je crois. C’est mon rôle de fortifier l’assise.

La rédaction : Le rapport sur « l’avenir de la profession d’avocat » remis par Kami Haeri au ministre de la justice en février 2017 va même jusqu’à évoquer « la perception généralisée d’une formation peu lisible », et dont l’objectif « serait en réalité de contenter les représentants de certaines pratiques »…

Pierre Berlioz : Cela fait partie de la mauvaise réputation des écoles de formation. J’ai connaissance de cet aspect des choses, mais ce qui m’intéresse, c’est l’avenir. C’est pourquoi la méthode adoptée pour dispenser les enseignements se fonde sur des directives données par les responsables pédagogiques, sur la base d’un programme clairement défini. À mon sens, ce fonctionnement doit permettre d’avoir une formation lisible et des enseignements qui répondent à ce que l’on cherche vraiment.

Un certain nombre d’intervenants a été renouvelé, mais sur la base d’une adhésion au contenu, et non de critères subjectifs. Dès lors qu’un enseignant est d’accord pour mettre en œuvre ce contenu pédagogique et le fait, il a toute sa place dans l’école.

L’école a la volonté de faire mieux, et d’expliquer ce qu’elle fait, en étant à l’écoute des remontées du terrain. On sera très attentifs aux retours des élèves. L’idée est d’assurer un réel service aux élèves. On ajustera en fonction de ces retours, comme de ceux des intervenants également.

La rédaction : Quel est le profil des enseignants ?

Pierre Berlioz : Un profil de praticiens uniquement, pour la majorité des avocats, notamment les responsables pédagogiques qui le sont tous. On cherche en outre à développer très largement des cours en binôme avocat/magistrat, pour avoir les deux visions, complémentaires, de la pratique judiciaire. Cela répond également à un des axes importants du bâtonnat de Marie-Aimée Peyron et de Basile Ader, l’apaisement des relations entre ces professions.

Le cas échéant, l’avocat peut être en binôme avec un autre professionnel. Prenons l’exemple du divorce par consentement mutuel. On peut imaginer un avocat accompagné d’un notaire pour présenter toutes les facettes de ce dispositif. L’interaction des pratiques a vocation à enrichir le contenu.

La rédaction : Où en est la gestion des finances à l’EFB ?  L’école perd de l’argent ?

Pierre Berlioz : Des efforts importants ont déjà été engagés pour remettre les choses dans le bon ordre. Des économies ont été faites. Mais il ne s’agit pas non plus de rogner sur tout. L’idée est d’arriver progressivement à générer des recettes. J’ai notamment en tête toute la discussion sur les frais d’inscription… Ils s’élèvent actuellement à un peu plus de 1 800 € depuis l’été.

À mon sens, il faut sortir du paradoxe actuel qui fait de la formation un service payant pour les élèves-avocats, et gratuit pour les avocats. Les élèves-avocats ne sont pas des clients de l’école. Les avocats peuvent l’être. Il n’est pas cohérent que les avocats en activité qui peuvent payer ne financent pas la formation continue.

Or c’est bien ce dernier volet qui permettra d’équilibrer naturellement les recettes. J’y vois même le départ d’un cercle vertueux car en dégageant des recettes sur la formation continue, on pourra l’améliorer et proposer une offre plus affinée. Le tout est d’arriver à lancer ce mouvement.

La rédaction : Avez-vous fixé un délai ?

Pierre Berlioz : Évidemment, cela ne se fera pas en trois mois. C’est une œuvre sur la durée, mais c’est un objectif pour que les avocats soient fiers de leur école.

La rédaction : Quelles ont été l’issue des quatre plaintes déposées par des salariés de l’école ? Ces procédures ont été révélées par Mediapart en 2016 …

Pierre Berlioz : Oui, il y a eu un moment de tension à l’école. Vous avez évoqué sa réputation, j’ai mis en avant les changements mis en œuvre… L’image renvoyée est aussi excessive. Le personnel de l’école se dévoue pour elle. L’instabilité que j’ai évoquée a fait que l’école a été soumise à une grande tension. Cela s’est traduit par un certain nombre d’exaspération assez largement excessif mais compréhensible dans ce contexte. Les choses sont aujourd’hui apaisées et je suis là pour y veiller.

La rédaction : Où en est la « fondation du droit pour la société » créée en 2015 à l’initiative de l’Ordre et de l’EFB ?

Pierre Berlioz : Je n’ai pas connaissance d’une quelconque activité de cette organisation.

 

Propos recueillis par Thomas Coustet

Pierre Berlioz

Pierre Berlioz, professeur de droit, exerce les fonctions de directeur de l’École de formation des barreaux de la cour d’appel de Paris (EFB) depuis le 2 janvier dernier. Il a été nommé par la bâtonnière de Paris en exercice, Marie-Aimée Peyron, qui en assure la présidence.