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Depuis le 17 novembre, 2 000 manifestants identifiés « gilets jaunes » ont été jugés en comparution immédiate. Me Antoine Moizan a assuré la défense de plusieurs d’entre eux devant le tribunal correctionnel de Paris. Il s’exprime sur la sévérité des peines prononcées contre ces prévenus.
le 3 mai 2019
La rédaction : Qui sont les gilets jaunes ?
Antoine Moizan : Les gilets jaunes que j’ai défendus avaient pour la plupart un casier judiciaire vierge. Ils n’étaient pas connus des services de police et n’avaient jamais commis de violences. On trouve parmi eux des jeunes et des moins jeunes, souvent issus de classes populaires ou paupérisées, qui n’ont pas le profil de casseurs. Certains n’avaient même jamais participé à une manifestation avant la naissance des gilets jaunes (V. not., Dalloz actualité, 4 avr. 2019, art. T. Coustet isset(node/195258) ? node/195258 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>195258).
La rédaction : C’est la procédure de comparution immédiate (CI) qui leur est spécifiquement appliquée ?
Antoine Moizan : C’est un fait. Plusieurs centaines de gilets jaunes ont été jugés en comparution immédiate depuis le début du mouvement. Il faut rappeler que la comparution immédiate est violente et expéditive. Le prévenu est jugé en très peu de temps, après 48 heures de garde à vue et sans possibilité de préparer convenablement sa défense.
La comparution immédiate ne s’impose pas, elle est un choix du ministère public, souvent réservé a des personnes en état de récidive. Ce n’est pas le cas des gilets jaunes que j’ai défendus. S’ils avaient commis les mêmes faits dans un autre contexte ou une autre manifestation, je suis convaincu qu’ils auraient été sanctionnés d’un simple rappel à la loi, ou à tout le moins remis en liberté en vue de leur procès.
La rédaction : Les droits de la défense ne sont-ils pas respectés en comparution immédiate ?
Antoine Moizan : La majorité des prévenus jugés en comparution immédiate n’ont pas d’avocat. Ce sont donc les avocats de permanence qui les assistent. Nous devons étudier jusqu’à cinq ou six dossiers dans la matinée, relever les éventuelles irrégularités de procédure, rencontrer ceux que nous allons défendre et préparer avec eux le procès qui se déroulera l’après-midi même. Assurer une défense effective dans ces conditions est illusoire. Les avocats ne sont pas les seuls à rencontrer ces difficultés.
Le ministère public ne dispose pas non plus du temps suffisant et se borne souvent à s’assurer que l’infraction est constituée, sans considération pour les éléments à décharge ou la personnalité du prévenu. Quant au tribunal, il doit rendre la justice dans une vingtaine de dossiers au cours d’audiences qui se poursuivent souvent tard dans la soirée… Disons-le franchement, c’est en comparution immédiate qu’on est le plus mal jugé.
La rédaction : Pourtant, l’enquête de personnalité permet de cerner le prévenu et d’adapter la peine…
Antoine Moizan : Seulement lorsque l’Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale (APCARS) a pu effectuer cette enquête et que son compte rendu a été transmis à l’avocat avant l’audience, ce qui n’est pas souvent le cas… Ces services travaillent dans des conditions difficiles et avec les mêmes contraintes de temps. Il est certain que si l’APCARS a pu réunir et vérifier les informations sur la personnalité du prévenu (logement, famille, emploi, etc.), c’est un atout majeur pour l’avocat qui n’a pas à rapporter la preuve de ces informations.
La rédaction : Sont-elles bâclées en CI, comme on le dit parfois ?
Antoine Moizan : L’APCARS ne peut pas toujours tout vérifier. Dans ce cas, c’est à l’avocat d’« enquêter » et d’apporter des justificatifs au tribunal. Matériellement vous voyez que c’est très compliqué. On en vient parfois à montrer au tribunal sur notre téléphone portable des justificatifs obtenus in extremis…
La rédaction : En même temps, privilégier les CI semble aller de soi. Le contexte actuel de tensions peut laisser penser qu’il faut aller vite, non ?
Antoine Moizan : Au contraire, cela devrait inviter à la prudence et non à la précipitation. Les « gilets jaunes » ont le plus souvent des « garanties de représentation » : ils ont toutes leurs attaches en France, un domicile ou un emploi et il n’y a pas de risque qu’ils se soustraient à la justice. Ils pourraient être remis en liberté, éventuellement interdits de manifestation dans l’attente de leur procès, qui se tiendrait plus sereinement. Ils pourraient également être poursuivis en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) lorsque les faits sont reconnus. En CRPC, les peines encourues sont moins lourdes et suffisent généralement à prévenir toute réitération.
La rédaction : Mais justement, est-ce que les gilets jaunes reconnaissent les faits ?
Antoine Moizan : On ne peut pas faire de généralités. Mais c’est souvent le cas de jeunes manifestants qui expliquent s’être laissés emportés dans un attroupement ou avoir réagi à un assaut jugé disproportionné des forces de l’ordre. Pour autant, même lorsqu’ils assument leurs responsabilités, ces jeunes sont souvent catalogués comme casseurs dès le début de l’audience.
Je me souviens d’une remarque péremptoire d’un président à l’attention d’un manifestant : « Vous ne portiez pas de gilet jaune, vous n’êtes donc pas un gilet jaune. Vous étiez là pour casser, agresser les forces de l’ordre ». L’argument n’est pas sérieux : les manifestants pacifiques ne revêtent pas toujours un gilet jaune, tandis que des casseurs chevronnés en arborent parfois un pour tenter de passer inaperçus.
La rédaction : Et sur les peines prononcées ?
Antoine Moizan : Le choix de la comparution immédiate est en soi sévère et les peines prononcées sont lourdes. Il n’est pas rare que le tribunal décerne un mandat de dépôt. Le condamné est alors immédiatement incarcéré, ce qui l’empêche d’aménager automatiquement sa peine. Là encore c’est un choix, qui vient généralement punir le multirécidiviste et non le primo-délinquant.
Et encore moins en cas de poursuites pour des violences qui n’ont blessé personne. Les sanctions sont très dures alors que dans d’autres cas, des prévenus pour violences volontaires aggravées et en récidive échappent à la comparution immédiate et sont condamnés à un sursis avec mise à l’épreuve. Il y a actuellement un contraste saisissant entre le traitement des dossiers dits « gilets jaunes » et les autres.
La rédaction : Comment expliquez-vous cette différence de traitement ?
Antoine Moizan : Je pense qu’il s’explique par le fait que les pouvoirs publics n’arrivent pas à endiguer le phénomène des gilets jaunes. Les comparutions immédiates ont ceci d’instructif qu’elles reflètent l’état de notre société, en l’occurrence le climat social actuel. Rappelons-nous que le mouvement a débuté le 17 novembre 2018.
L’option choisie est manifestement celle du durcissement de la répression, afin peut être de dissuader les manifestants de poursuivre leur mouvement. C’est contre-productif puisque tous les samedis depuis plusieurs mois, des milliers de manifestants continuent de descendre dans la rue.
Propos recueillis par Thomas Coustet
Antoine Moizan

Antoine Moizan est avocat au barreau de Paris. Il copréside la Commission pénale de l’association des Avocats conseils d’entreprise (ACE) et intervient régulièrement à la Commission ouverte de droit pénal des affaires du Barreau de Paris. Il assure régulièrement les audiences de comparutions immédiates à la 23e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris.
Commentaires
la justice brave auxiliaire de la police! Sic transit gloria