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Interview

Quelle justice des mineurs pour demain ?

Dans son livre « Je ne parlerai qu’à ma juge », Catherine Sultan, présidente du tribunal pour enfants de Créteil revient sur dix années d’atteinte à la spécialisation de la justice des enfants. Alors qu’une loi sur la justice des mineurs est attendue au cours de l’année, cette juge des enfants partage sa vision sur les réformes lui semblant nécessaires.

le 15 avril 2013

La rédaction : Quels sont les préjugés les plus tenaces sur la justice des enfants ?
Catherine Sultan : La question de la justice des mineurs a souvent été évoquée dans des joutes politiciennes, en partant sur des a priori. L’objectif de mon livre est d’aller à l’encontre d’un certain nombre de préjugés et de montrer la réalité de cette justice. Les préjugés, quels sont-ils ? Le laxisme de la justice, des jeunes de plus en plus violents, des parents laxistes voire complices de leur enfant délinquant, l’idée selon laquelle plus on juge vite, plus la réponse est efficace, etc.

La rédaction : Depuis janvier, le juge des enfants ayant instruit une affaire n’est plus habilité à la juger (Cons. const., 8 juill. 2011, n° 2011-147-QPC). Quels sont les effets sur le terrain ?
Catherine Sultan : Cette décision du Conseil constitutionnel est une conséquence d’un alignement du droit des mineurs sur celui des majeurs. Jusqu’alors, on admettait que ce droit spécialisé soit un droit dérogatoire puisque l’enfant a une structure et des besoins différents de ceux de l’adulte. Cette disposition est la plus violente entrave à la spécialisation de la justice des enfants. Sur le plan pratique, depuis janvier, je juge des jeunes que je ne connais pas. Je découvre des fonctionnements familiaux le jour de l’audience…

La rédaction : De ce fait, vous êtes moins sûre de vous lorsque vous prenez votre décision ?
Catherine Sultan : Oui. Évidemment, nous discutons avec le collègue suivant le jeune. Mais, je me souviens d’un dossier où nous avons mis en place une mesure qui n’était pas opportune. Au-delà de la question de la cohérence, il y a celle du sens de l’audience. Les audiences sont...

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Catherine Sultan

Catherine Sultan est juge des enfants depuis 1988. Détachée comme enseignante à l’École nationale de la magistrature de 1995 à 2000, elle préside le tribunal pour enfants de Créteil depuis 2007. Elle a été présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) de 2007 à 2012.