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« L’absence de réforme pourrait mettre en péril l’institution du rapporteur public » Après la grève des magistrats administratifs du 9 février, le vice-président du Conseil d’Etat a répondu aux questions de l’AJDA sur les projets de réforme qui ont provoqué ce mouvement.
La rédaction - Quelle analyse faites-vous du mouvement de grève du 9 février ?
Jean-Marc Sauvé - Ce mouvement témoigne d’une forte inquiétude de la part des magistrats administratifs à l’égard de deux projets de réformes législatives actuellement en débat devant le parlement : celle concernant les modifications apportées à la procédure administrative contentieuse par le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité et celle prévoyant la possibilité de dispenser le rapporteur public de conclure sur certaines affaires dans des matières précisément circonscrites, qui figure dans la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. Je comprends et je partage la première de ces inquiétudes ; je comprends, sans la partager, la seconde. Ce mouvement témoigne également de malaises plus diffus sur les conditions d’exercice du métier de magistrat administratif, auxquels il convient d’apporter des réponses. Le parlement est en passe d’adopter la dispense de conclusions du rapporteur public.
La rédaction - En êtes-vous satisfait ?
J.-M. S. - J’ai proposé cette réforme procédurale parce que je suis convaincu qu’il est dans l’intérêt même de l’institution que le rapporteur public soit recentré sur son « cœur de métier » et ne soit plus contraint de se disperser, voire de s’épuiser, sur des dossiers qui posent des questions récurrentes dans un cadre juridique parfaitement déterminé. C’est au contraire l’absence de réforme qui pourrait mettre en péril l’institution du rapporteur public et ce qu’il apporte depuis des décennies à la juridiction administrative. Je l’ai déclaré à maintes reprises : le rapporteur public est la signature de la juridiction administrative. L’analyse et le raisonnement qu’il apporte à la formation de jugement, comme aux parties, sur les questions de droit et de fait complexes que posent les affaires sur lesquelles il conclut est une contribution éminente à la qualité de la justice rendue par cette juridiction. Je n’ai pas changé d’avis et ne peux donc que me féliciter d’avoir été entendu par le gouvernement puis par le parlement, même si, ni le secrétariat général du Conseil d’État, ni moi-même, n’avons pris l’initiative de découpler la question de la dispense de conclusions du rapporteur public du reste du projet de loi sur la juridiction administrative. L’amendement adopté reconnaît du reste pleinement l’office du « double regard » du rapporteur public et consacre ses prérogatives puisqu’il ne peut pas être dispensé de conclure sans son assentiment. C’est un élément majeur de cette réforme qui n’a pas été assez remarqué. J’ajoute que je n’ai jamais imaginé de revenir sur le principe d’un rapporteur public par chambre. On est donc loin de l’amorce d’une disparition progressive du rapporteur public au sein de la juridiction administrative. Mais, – encore une fois – sur des dossiers posant des questions récurrentes et ne présentant aucune difficulté sur le plan du raisonnement juridique ou de l’appréciation des faits,...
Jean-Marc Sauvé
Depuis 2006, Jean-Marc Sauvé est, notamment, vice-président du Conseil d’État, président du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, président de la Commission pour la transparence financière de la vie politique et président du conseil d’administration de l’École nationale d’administration (ENA).