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Le droit en débats

Avant-projet de réforme des contrats spéciaux : des effets du prêt à usage quant à l’emprunteur

Alors que le ministère de la Justice rend public un avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux qui sera officiellement soumis à consultation publique en juillet 2022, Dalloz actualité vous propose, sous la direction des professeurs Gaël Chantepie et Mathias Latina, de participer pleinement à cette réflexion au travers d’une série de commentaires critiques de cet important projet de réforme qui complète la réforme majeure du droit des obligations de 2016. Focus sur les effets du prêt à usage quant à l’emprunteur.

Par Malvina Mille Delattre le 28 Septembre 2022

Le chapitre de l’avant-projet relatif au prêt à usage contient une section introductive consacrée à sa formation, puis une section intermédiaire portant sur sa durée1. Viennent ensuite les deux sections qui traitent des effets du prêt à usage et qui sont construites autour de deux lignes directrices : fidélité au droit positif et distinction entre prêt intéressé et prêt désintéressé. La première de ces deux sections, objet de la présente analyse, détaille les effets du prêt quant à l’emprunteur.

Section III : Des effets du prêt quant à l’emprunteur

Art. 1880 : L’emprunteur doit user personnellement de la chose empruntée.
Toutefois, s’il y a été expressément autorisé, il peut la prêter ou la louer.

Art. 1881 : L’emprunteur ne peut se servir de la chose qu’à l’usage déterminé par sa nature ou par la convention.
Il est tenu de veiller à sa conservation et à sa garde comme le ferait une personne raisonnable.

Art. 1882 : Toutes les dépenses nécessaires à l’usage et à la conservation de la chose sont à la charge de l’emprunteur.
Toutefois, si la conservation suppose une dépense manifestement disproportionnée à la valeur actuelle de la chose, l’emprunteur n’en est pas tenu. Il doit notifier sans délai la nécessité de cette dépense au prêteur.

Art. 1883 : L’emprunteur rend la chose même qui lui a été remise.
Si la chose est fongible et que, sans y avoir été autorisé, l’emprunteur l’a confondue avec les siennes propres, le prêteur peut, à défaut de restitution, revendiquer toute chose de même espèce et de même qualité détenue par l’emprunteur.
Si la chose est fongible et que la convention a autorisé l’emprunteur à la confondre avec les siennes, il y a prêt de consommation.

Art. 1884 : Sauf stipulation contraire, la restitution se fait là où la chose a été remise à l’emprunteur et à ses frais.

Art. 1885 : Quoi que lui doive le prêteur, l’emprunteur n’a pas de droit de rétention sur la chose, sauf si le prêt est intéressé.

Art. 1886 : L’emprunteur répond de la dégradation comme de la perte de la chose, sauf à démontrer son absence de faute.
Cette présomption est écartée si le prêteur a continué à user de la chose, en même temps que l’emprunteur.
S’il n’a pas été établi un état contradictoire du bien lors de la remise de la chose, l’emprunteur est présumé l’avoir reçu en bon état apparent.

Art. 1886-1 : L’emprunteur n’est pas tenu de la dégradation qui résulte de l’usage pour lequel la chose a été empruntée, sous réserve d’en avoir usé raisonnablement.

Art. 1886-2 : Si l’emprunteur emploie la chose à un autre usage, ou pour un temps plus long qu’il ne le devait, il sera tenu de la perte comme de la dégradation survenue, même par cas de force majeure.

Art. 1886-3 : Lorsque le prêt est désintéressé, la responsabilité de l’emprunteur est appréciée avec plus de rigueur qu’en cas de prêt intéressé.
Si la chose prêtée périt par un cas de force majeure dont l’emprunteur aurait pu la garantir en employant la sienne propre, ou si, ne pouvant conserver que l’une des deux, il a préféré la sienne, il est tenu de la perte de l’autre.

Art. 1886-4 : En tout état de cause, si la chose a été perdue ou détériorée par force majeure et que l’emprunteur a reçu un prix ou quelque chose à la place, il doit remettre au prêteur ce qu’il a reçu.

Art. 1887 : Si plusieurs personnes ont conjointement emprunté la même chose, elles en sont solidairement responsables envers le prêteur.

Analyse

La structure

Les effets du prêt à usage sont traités dans deux sections distinctes. La Commission reste ainsi fidèle au Code de 1804. Une telle subdivision est bienvenue : elle permet au lecteur de se repérer plus facilement dans le texte. Cependant, on peut regretter, une nouvelle fois, un manque d’harmonisation entre les différents chapitres de l’avant-projet. S’agissant de la vente et du bail, par exemple, les obligations respectives des parties sont l’objet, non pas de deux sections, mais de deux sous-sections rassemblées dans une section relative aux effets du contrat. Le même plan pourrait être retenu pour le prêt à usage.

L’usage personnel de la chose prêtée

L’emprunteur peut-il mettre la chose qui lui a été prêtée à la disposition d’un tiers ? Le code civil est silencieux sur cette question et la doctrine relativement divisée. La possibilité d’un sous-prêt est parfois purement et simplement rejetée2. Certains auteurs l’admettent en précisant toutefois qu’il doit être autorisé par le prêteur3. Enfin, une autre partie de la doctrine soutient que le sous-prêt est permis, sauf stipulation contraire, soit parce qu’elle relativise le caractère intuitu personae du prêt4, soit parce qu’elle considère que ce caractère ne constitue pas un obstacle à la transmission de l’usage5.

Quant à la location de la chose prêtée, la majorité des auteurs se refusent à admettre cette possibilité6. Il est d’ailleurs soutenu que, dans ce cas, le contrat doit être requalifié en donation7. En ce sens, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 3 novembre 1988, que le fait de prêter un logement en permettant à l’emprunteur de le louer et d’en percevoir les loyers constituait en réalité « une donation éventuelle des fruits »8. Cette analyse ne fait toutefois pas l’unanimité9.

Dans un tel contexte, il est heureux que la Commission se soit emparée de ces questions. Il est précisé, à l’article 1880 de l’avant-projet, que l’emprunteur doit user personnellement de la chose empruntée. Par exception, il peut la prêter ou la louer si le prêteur l’autorise. En cela, la solution retenue est identique à celle de l’offre de réforme de l’association Henri Capitant10. La proposition consiste à admettre la possibilité d’un sous-contrat, tout en préservant les intérêts du prêteur à qui il revient de décider si la chose pourra, ou non, être prêtée ou louée. Une entreprise qui aura mis à la disposition de son client un nouveau produit pour essai pourra, par exemple, autoriser ce dernier à le prêter ou à le louer à ses propres clients, voire à son sous-traitant, dans l’idée de favoriser la vente.

La garde et la conservation de la chose prêtée

L’article 1881 de l’avant-projet énonce, d’abord, que l’emprunteur ne peut se servir de la chose qu’à l’usage déterminé par sa nature ou par la convention et, ensuite, qu’il est tenu de veiller à sa conservation et à sa garde comme le ferait une personne raisonnable. Le texte reprend les dispositions incontournables de l’article 1880 du code civil et, en cela, n’appelle pas d’observation particulière.

Les dépenses nécessaires à l’usage et à la conservation de la chose

L’article 1882, alinéa 1er, de l’avant-projet indique que toutes les dépenses nécessaires à l’usage et à la conservation de la chose sont à la charge de l’emprunteur. Ainsi, la Commission fait-elle le choix de conserver le principe posé à l’article 1886 du code civil tout en modernisant sa formulation.

L’alinéa 2 pose l’exception au principe : « si la conservation suppose une dépense manifestement disproportionnée à la valeur actuelle de la chose, l’emprunteur n’en est pas tenu. Il doit notifier sans délai la nécessité de cette dépense au prêteur ». La volonté des membres de la Commission est de « simplifier l’actuel article 1890 ». Celui-ci dispose que l’emprunteur peut obtenir le remboursement de la dépense faite à la condition qu’elle revête un caractère extraordinaire, nécessaire et urgent. Ces trois critères disparaissent au profit d’un seul : le caractère manifestement disproportionné de la dépense par rapport à la valeur actuelle de la chose. Le montant de la dépense engagée serait ainsi pris en compte, ce qui n’est pas le cas actuellement. Les juges du fond qui décident, par exemple, que certaines dépenses incombent au prêteur en raison du fait que « leur charge ferait disparaître la gratuité du prêt, élément essentiel du contrat », encourent la cassation11 . Il n’est pourtant pas illégitime d’admettre qu’au-delà d’un certain montant la dépense doit être supportée par le propriétaire de la chose, non par celui qui en a l’usage. Le nouveau texte serait donc plus favorable à l’emprunteur. Néanmoins, il faut relever qu’une dépense extraordinaire, nécessaire et urgente dont le montant ne serait pas disproportionné par rapport à la valeur actuelle de la chose resterait à sa charge.

La restitution de la chose prêtée

L’emprunteur rend la chose même qui lui a été remise, indique l’article 1883, alinéa 1er, de l’avant-projet. Cette précision n’est pas particulièrement utile. L’obligation de restituer la chose prêtée, et non une autre, relève de la définition du prêt à usage. Celle-ci figure à l’article 1875, alinéa 1er, de l’avant-projet : « Le prêt à usage est le contrat par lequel le prêteur remet, à titre gratuit, une chose à l’emprunteur pour s’en servir, à charge de la rendre ». L’utilisation du pronom personnel « la » indique déjà que ce qui doit être rendu, c’est bien cela même qui a été remis.

Le deuxième alinéa de l’article traite ensuite d’une hypothèse particulière, celle dans laquelle l’emprunteur n’est pas en mesure de rendre la chose même qui lui a été prêtée parce que, celle-ci étant fongible, il l’a confondue avec d’autres. Dans ce cas, le prêteur peut alors « revendiquer toute chose de même espèce et de même qualité détenue par l’emprunteur ».

Quant au troisième alinéa, il énonce : « Si la chose est fongible et que la convention a autorisé l’emprunteur à la confondre avec les siennes, il y a prêt de consommation ». Dès lors que l’emprunteur n’a pas l’obligation de rendre la chose même qui lui a été prêtée, il ne peut s’agir d’un prêt à usage. Le contrat doit effectivement être requalifié. La précision est pertinente, mais elle n’a pas lieu d’être dans une section relative aux effets du prêt à usage. Alors que le deuxième alinéa de l’article prévoit une sanction en cas de non-restitution de la chose prêtée elle-même, il en va différemment ici. Ce troisième alinéa intéresse bien plus la qualification du contrat. En outre, l’article 1892, alinéa 3, de l’avant-projet, contenu dans l’introduction du chapitre relatif au prêt de consommation, précise qu’« il y a également prêt de consommation si l’emprunteur s’est vu remettre une chose fongible sans être tenu de la garder séparée des choses pareilles en sa possession ». On constate une redite qui pourrait être évitée en supprimant le troisième alinéa de l’article 1883.

Enfin, l’article 1884 énonce que la restitution se fait là où la chose a été remise à l’emprunteur et à ses frais, tout en précisant que les parties peuvent en décider autrement. Sur ce point, le code civil ne donne aucune indication. L’avant-projet retient la solution communément admise par la doctrine12.

Le droit de rétention

Au sujet du droit de rétention de l’emprunteur sur la chose prêtée, l’article 1885 de l’avant-projet s’écarte du droit positif à deux égards. Premièrement, les termes du code civil, c’est-à-dire « l’emprunteur ne peut pas retenir la chose par compensation de ce que le prêteur lui doit », sont abandonnés. Même si l’on a coutume de déduire de ce texte une absence de droit de rétention, il n’en demeure pas moins qu’il vise plus précisément la compensation, laquelle ne concerne que des choses fongibles13. Les membres de la Commission ont donc, à juste titre, remplacé ce terme par celui de « droit de rétention ».

Deuxièmement, le champ d’application de la règle est réduit au prêt désintéressé. En d’autres termes, il est admis un droit de rétention au profit de l’emprunteur lorsque le prêt à usage est intéressé. Une telle proposition avait déjà été émise par la doctrine14. L’absence de droit de rétention se justifie au regard du fait que le prêteur cherche seulement à rendre service à l’emprunteur. Puisque tel n’est pas le cas lorsque le prêt est intéressé, rien n’empêche, en effet, de reconnaître un droit de rétention dans ce contexte précis.

La dégradation et la perte de la chose

Pour ce qui concerne la dégradation et la perte de la chose prêtée, l’avant-projet reste très fidèle au droit positif, lequel opère une distinction selon l’origine du dommage.

En premier lieu, lorsque la dégradation ou la perte de la chose est causée par une faute de l’emprunteur, celui-ci en est tenu responsable. La Cour de cassation juge, en effet, que « celui qui emprunte une chose à titre gratuit est tenu de réparer les détériorations occasionnées par sa faute »15.

En second lieu, la dégradation qui résulte de l’utilisation normale de la chose pèse sur le prêteur puisque l’emprunteur n’en est pas tenu (C. civ., art. 1884).

En dernier lieu, lorsque la dégradation ou la perte de la chose est le résultat d’un cas fortuit, elle pèse également sur le prêteur. Il existe toutefois plusieurs exceptions. L’emprunteur est tenu de la perte arrivée par cas fortuit lorsqu’il a employé la chose à un autre usage ou pour un temps plus long qu’il ne le devait (C. civ., art. 1881). Tel est également le cas lorsque l’emprunteur aurait pu « garantir » la chose prêtée « en employant la sienne propre » ou « si, ne pouvant conserver que l’une des deux, il a préféré la sienne » (C. civ., art. 1882). L’ensemble de ces règles sont reprises dans l’avant-projet aux articles 1886, alinéa 1er, 1886-1, 1886-2 et 1886-3, alinéa 3.

Il en va de même pour la charge de la preuve. Il revient actuellement à l’emprunteur de prouver son absence de faute ou un cas fortuit ; à défaut il engage sa responsabilité. La jurisprudence est constante en la matière : « en cas de perte d’une chose ayant fait l’objet d’un prêt à usage ou commodat, l’emprunteur peut s’exonérer en rapportant la preuve de l’absence de faute de sa part ou d’un cas fortuit »16. Cette présomption est toutefois écartée lorsque la chose prêtée fait l’objet d’une utilisation commune par le prêteur et l’emprunteur17. La Commission conserve ces solutions, que l’on retrouve à l’article 1886 de l’avant-projet.

Le principe retenu par la Cour de cassation à propos de l’indemnité d’assurance perçue par l’emprunteur est également maintenu18. En ce sens, l’article 1886-4 de l’avant-projet énonce que si la chose a été perdue ou détériorée par force majeure et que l’emprunteur a reçu un prix ou quelque chose à la place, il doit remettre au prêteur ce qu’il a reçu.

L’avant-projet reprend encore, quasiment mot pour mot et au même numéro, l’article 1887 du code civil en précisant que si plusieurs personnes ont conjointement emprunté la même chose, elles en sont solidairement responsables envers le prêteur.

Si l’essentiel des règles en la matière a été conservé, on relève néanmoins quelques écarts par rapport au droit positif. La Commission a notamment fait le choix de supprimer la disposition contenue à l’article 1883 du code civil. L’estimation de la chose prêtée n’aura pas donc plus pour conséquence de faire peser sur l’emprunteur le risque de la perte.

Le texte contient ensuite deux ajouts. D’abord, la présomption qui prévaut en matière de bail quant à l’état du bien est étendue au prêt. L’article 1886, alinéa 3, de l’avant-projet précise que s’il n’a pas été établi un état contradictoire du bien lors de la remise de la chose, l’emprunteur est présumé l’avoir reçu en bon état apparent. Ensuite, l’article 1886, alinéa 1er, indique que, lorsque le prêt est désintéressé, la responsabilité de l’emprunteur est appréciée avec plus de rigueur. Il répond à l’article 1891 qui prévoit que, lorsque le prêt est intéressé, c’est la responsabilité du prêteur qu’il convient d’apprécier de cette manière. Ces deux articles s’inscrivent dans la volonté, clairement affichée par la Commission, de créer deux régimes distincts, selon que le prêt est désintéressé ou non19.

Quelques améliorations peuvent être proposées. En premier lieu, il convient de relever que la proposition a déjà été légèrement modifiée. Dans la première version publiée, les membres de la Commission utilisaient tantôt le terme « dégradation » (art. 1886 et art. 1886-2), tantôt celui de « détérioration » (art. 1886-1). Or, pour une meilleure lisibilité, il est préférable d’employer un seul et même terme. La nouvelle version du texte, mise en ligne le 29 juillet dernier, y remédie. Le mot « dégradation » a été substitué à celui de « détérioration » à l’article 1886-1 de l’avant-projet. On peut toutefois regretter que l’article 1886-4 n’ait pas été, lui aussi, corrigé. Il aurait pu être réécrit de cette manière : « En tout état de cause, si la chose a été perdue ou dégradée par force majeure … ».

En second lieu, il est possible de retravailler l’enchaînement des dispositions. Le choix a été fait de commencer par la question de la charge de la preuve. Peut-être aurait-il été plus pertinent d’expliquer, au préalable, qui du prêteur ou de l’emprunteur est tenu de la dégradation ou de la perte de la chose en fonction de l’origine du dommage. Sur ce point, le texte pourrait d’ailleurs être plus explicite. Si l’on comprend que le prêteur est tenu de la perte ou de la dégradation de la chose lorsqu’elle survient par cas de force majeure, il n’en demeure pas moins que le principe n’est pas énoncé. Il se déduit seulement des deux exceptions posées aux articles 1886-2 et 1886-3, alinéa 2. On peut regretter que ces deux exceptions n’aient pas été soit réunies dans un seul et même article, soit placées l’une à la suite de l’autre. Entre les deux figure, en effet, la disposition relative à l’appréciation de la responsabilité de l’emprunteur en cas de prêt désintéressé. L’inconvénient est double puisque, ce faisant, l’article 1886-3 réunit deux dispositions qui n’ont pas le même champ d’application. L’alinéa 1 est relatif au prêt désintéressé tandis que l’alinéa 2 est commun au prêt intéressé et désintéressé ; à moins qu’il ne faille considérer, en raison de cet enchaînement, que l’obligation pour le prêteur d’employer la chose qui lui appartient pour éviter la perte de celle qui lui a été prêtée ne vaut qu’en matière de prêt désintéressé. La proposition de limiter le champ d’application de cette exception a déjà été émise par la doctrine20. Cependant, il ne semble pas, à la lecture de la version commentée de l’avant-projet, que la volonté des membres de la Commission ait été de la retenir21. Le doute reste permis et il mériterait d’être levé.

Proposition alternative

L’ensemble des articles seraient regroupés dans une sous-section intitulée « Des effets du prêt quant à l’emprunteur », elle-même comprise dans une section « Des effets du prêt à usage ».

Sont conservés tels qu’ils figurent dans l’avant-projet les articles 1880, 1881, 1882, 1884 et 1885.

L’article 1883 est, quant à lui, modifié. Les premier et troisième alinéas sont supprimés de manière à éviter les redondances.

Art. 1883 : Si la chose est fongible et que, sans y avoir été autorisé, l’emprunteur l’a confondue avec les siennes propres, le prêteur peut, à défaut de restitution, revendiquer toute chose de même espèce et de même qualité détenue par l’emprunteur.

Pour ce qui concerne la dégradation et la perte de la chose prêtée, sont proposées les modifications suivantes :

Art. 1886 : L’emprunteur répond de la dégradation, comme de la perte de la chose, lorsqu’elle est causée par sa faute.

Art. 1886-1 : L’emprunteur n’est pas tenu de la dégradation qui résulte de l’usage pour lequel la chose a été empruntée, sous réserve d’en avoir usé raisonnablement.

Art. 1886-2 : L’emprunteur n’est tenu ni de la dégradation ni de la perte de la chose survenue par cas de force majeure, sauf les exceptions ci-après.

Art. 1886-3 : Si l’emprunteur emploie la chose à un autre usage, ou pour un temps plus long qu’il ne le devait, il sera tenu de la perte comme de la dégradation survenue, même par cas de force majeure.

Art. 1886-4 : Si la chose prêtée périt par un cas de force majeure dont l’emprunteur aurait pu la garantir en employant la sienne propre, ou si, ne pouvant conserver que l’une des deux, il a préféré la sienne, il est tenu de la perte de l’autre lorsque le prêt est désintéressé.

Art. 1886-5 : Il appartient à l’emprunteur de démontrer son absence de faute ou un cas de force majeure.
Cette présomption est écartée si le prêteur a continué à user de la chose, en même temps que l’emprunteur.
S’il n’a pas été établi un état contradictoire du bien lors de la remise de la chose, l’emprunteur est présumé l’avoir reçu en bon état apparent.

Art. 1886-6 : Lorsque le prêt est désintéressé, la responsabilité de l’emprunteur est appréciée avec plus de rigueur qu’en cas de prêt intéressé.

Art. 1886-7 : En tout état de cause, si la chose a été perdue ou dégradée par force majeure et que l’emprunteur a reçu un prix ou quelque chose à la place, il doit remettre au prêteur ce qu’il a reçu.

Art. 1887 : Si plusieurs personnes ont conjointement emprunté la même chose, elles en sont solidairement responsables envers le prêteur.

Les articles 1886, 1886-1 et 1886-2 indiquent lequel des contractants est tenu responsable de la dégradation ou de la perte de la chose en fonction de l’origine du dommage.

Les deux exceptions à l’article 1886-2 sont détaillées aux articles 1886-3 et 1886-4. La première a une portée générale tandis que la seconde est propre au prêt désintéressé.

L’article 1886-5 rassemble les règles de preuve.

Les articles 1886-6, 1886-7 et 1887 reprennent à l’identique les articles 1886-3, alinéa 1er, 1886-4 et 1887 de l’avant-projet, étant précisé que le terme « détériorée » est remplacé par le terme « dégradée » à l’article 1886-7.

 

 

1. Sur ces questions, v. nos précédentes analyses, Avant-projet de réforme des contrats spéciaux : la formation du prêt à usage, Dalloz actualité, 15 juin 2022 ; Avant-projet de réforme des contrats spéciaux : la durée du prêt à usage, Dalloz actualité, 1er juill. 2022.
2. P. Delebecque et F. Collart Dutilleul, Contrats civils et commerciaux, 11e éd., Dalloz, 2019, n° 606 ; P. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, Droit des contrats spéciaux, 11e éd., LGDJ, 2020, n° 636.
3. A. Bénabent, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, 14e éd., LGDJ, 2021, n° 429.
4. J. Raynard et J.-B. Seube, Droit des contrats spéciaux, 10e éd., LexisNexis, 2019, n° 394.
5. G. Cattalano-Cloarec, Le contrat de prêt, LGDJ, 2015, nos 206 s.
6. V. par ex., A. Bénabent, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cit., n° 429 ; P. Delebecque et F. Collart Dutilleul, Contrats civils et commerciaux, op. cit., n° 606 ; Rép. civ., Prêt, par G. Pignarre, 2021, n° 61 ; J. Raynard et J.-B. Seube, Droit des contrats spéciaux, op. cit., n° 394.
7. P. Delebecque, F. Collart Dutilleul, Contrats civils et commerciaux, op. cit., n° 606.
8. Civ. 1re, 3 nov. 1988, n° 87-13.319, RTD civ. 1990. 700, obs. J. Patarin ; Defrénois 1989. 442, obs. G. Vermelle ; JCP 1989. II. 21377, note T. Hassler ; RTD civ. 1989. 570, obs. P. Rémy.
9. G. Cattalano-Cloarec, Le contrat de prêt, op. cit., n° 222.
10. Art. 106.
11. Civ. 1re, 13 juill. 2016, n° 15-10.474, D. 2016. 1646 ; AJDI 2017. 109 , obs. Marcie Morin et P.-L. Niel ; CCC 2016, comm. 228, obs L. Leveneur ; Gaz. Pal. 13 déc. 2016, p. 60, note C. Barrillon ; LEDC 2016, n° 9, p. 5, obs. O. Sabard.
12. V. par ex., P. Delebecque et F. Collart Dutilleul, Contrats civils et commerciaux, op. cit., n° 610 ; G. Pignarre, préc., n° 79 ; J. Raynard et J.-B. Seube, Droit des contrats spéciaux, op. cit., n° 398.
13. Sur la rédaction du texte et son interprétation, v. G. Cattalano-Cloarec, Le contrat de prêt, op. cit., nos 314 et 540 ; J.-Cl. civ. Code, Prêt à usage – Obligations de l’emprunteur, par F. Grua et N. Cayrol, LexisNexis, 2021, n° 48.
14. G. Cattalano-Cloarec, Le contrat de prêt, op. cit., n° 540.
15. Civ. 2e, 17 janv. 2013, n° 11-29.032, CCC 2013. Comm. 72, obs. L. Leveneur ; LEDC 2013, n° 3, p. 6, obs. M. Latina.
16. Civ. 1re, 6 févr. 1996, n° 94-13.388, Defrénois 1996. 1435, obs. A. Bénabent ; 6 nov. 2002, n° 99-21.136, CCC 2003. Comm. 37, obs. L. Leveneur ; RDC 2003. 130, obs. J.-B. Seube ; 28 juin 2012, n° 11-17.629, CCC 2012. Comm. 226, obs. L. Leveneur. La solution est la même pour ce qui concerne les dégradations, Civ. 1re, 29 mars 2017, n° 16-12.165 ; 28 nov. 2007, n° 05-16.543.
17. Civ. 3e, 20 mai 2020, n° 19-10.559, D. 2020. 1107 ; JA 2020, n° 625, p. 12, obs. X. Delpech ; AJDI 2021. 40 , obs. C. Dreveau ; CCC 2020. Comm. 109, obs. L. Leveneur ; JCP E 2021. 1148, note P. Casson.
18. Civ. 1re, 27 juin 1995, n° 92-19.952, RTD civ. 1996. 396, obs. J. Mestre ; CCC 1995. Comm. 179, obs. L. Leveneur : « si l’obligation de restituer la chose prêtée est éteinte lorsque la chose a péri sans faute de l’emprunteur, ce dernier reste tenu, en application de l’article 1303 du code civil, de céder au prêteur la créance d’indemnité d’assurance relative à la chose périe ».
19. V., Avant-projet de réforme des contrats spéciaux : la formation du prêt à usage, préc.
20. En ce sens, F. Grua et N. Cayrol, Prêt à usage – Obligations de l’emprunteur, préc., n° 28.
21. « Le texte reprend l’actuel article 1882 du code civil. En dépit de l’absence de contentieux, l’hypothèse étant d’école, la Commission a choisi de le conserver pour sa vertu pédagogique : celui qui reçoit à titre gratuit, même intéressé, doit prendre un soin particulier de celui qui l’a gratifié ».