Introduction
Observations liminaires sur l’articulation générale des qualifications du code civil avec le droit de la consommation. Le droit moderne des contrats spéciaux est confronté à une nouvelle difficulté que les rédacteurs du code civil ne pouvaient qu’ignorer. Cette difficulté réside dans l’art de composer un droit national, pétri de son histoire et de sa culture, avec un droit européen intégré répondant à une autre culture. Le droit de la consommation est à cet égard un laboratoire passionnant du fait de son origine, désormais, essentiellement européenne. Les difficultés d’articulation entre les catégories contractuelles nationales et européennes proviennent d’une approche respective très différente1, qu’il est nécessaire de prendre en compte afin de limiter, autant que possible, les points de conflits et ainsi sécuriser les relations contractuelles.
L’intégration de ces difficultés par le législateur national doit le conduire, lors de l’élaboration de la loi, à un double mouvement. Tout d’abord, le rédacteur du droit de la consommation doit s’assurer que les qualifications contractuelles utilisées lors des transpositions de directives correspondent bien aux qualifications nationales existantes afin d’éviter des interprétations fantaisistes ou incertaines. Si parfois le choix peut être délibéré de créer dans le droit spécial une nouvelle catégorie contractuelle2, tel n’est pas toujours le cas, comme en témoigne l’usage excessif du « contrat de service » dans le code de la consommation, dont la similitude apparente avec le contrat d’entreprise conduit à des interprétations erronées3. Dans un mouvement inverse, ensuite, le rédacteur de la loi doit s’assurer que les nouvelles qualifications d’origine européenne intégrées dans le code de la consommation trouvent leur correspondant dans le droit général des contrats spéciaux. Peu importe qu’une ou plusieurs qualifications soient possibles, mais il faut s’assurer que le droit général des contrats spéciaux dispose des ressources adaptées pour jouer son rôle de complémentarité. Cette observation vaut surtout pour les contrats de consommation qui ont vocation à exister indépendamment de la qualité des parties. Tel est le cas, par exemple, des contrats portant sur un contenu et/ou un service numérique. Les développements suivants n’aborderont cette question de manière qu’incidente sur certains points révélateurs de la vente, mais les interrogations qu’ils relèvent sont susceptibles de se poser à plusieurs égards.
Observations liminaires sur le droit de la vente et la garantie des vices. Les obligations du vendeur ont été modifiées par l’avant-projet de réforme, notamment concernant l’obligation de délivrance et la garantie des vices cachés. Ces propositions sont parfois nouvelles, comme la consécration de la conception moniste du vice à travers la « garantie des vices », parfois issues de la jurisprudence. Ce domaine de la vente est certainement celui qui trouve le plus d’interactions avec le droit de la consommation à travers la garantie légale de conformité. D’origine européenne depuis la directive 1999/44/CE récemment abrogée par la directive (UE) 2019/7714, cette garantie issue de la vente est devenue un modèle en droit de la consommation, exportée au nouveau contrat de fourniture de contenu et service numérique par la directive (UE) 2019/7705.
L’articulation entre ces sources doit donc être analysée. Elle le sera à travers deux prismes. En premier lieu, le droit de la consommation autorise le cumul d’actions entre la garantie de conformité issue du code de la consommation et le droit de la vente du code civil. En termes de politique juridique, puisque ce cumul existe et est maintenu, il faut analyser quels sont les avantages actuels du cumul pour se demander s’ils sont maintenus par l’avant-projet (I). Indépendamment du cumul, en deuxième lieu, le droit de la consommation est susceptible de constituer une source d’inspiration pour la réforme des contrats spéciaux, autorisant d’analyser l’avant-projet à travers les apports du droit de consommation (II).
I - Observations liées au cumul d’actions pour le consommateur
Que l’on envisage la question sous l’angle, pour le consommateur, d’un « droit d’option »6 ou d’un cumul d’actions7, il s’agit dans à chaque fois de constater que le consommateur peut agir « selon son intérêt »8 sur le fondement des dispositions du code de la consommation ou sur celles du code civil. Les intérêts découlant de ce cumul d’options en droit positif (A) méritent que l’on s’interroge sur leur effectivité si l’avant-projet de réforme devait être adopté (B).
A - Droit positif : intérêts du principe d’un cumul d’actions9
Légalité du cumul d’options. L’article L. 217-30 du code de la consommation introduit par l’ordonnance du 29 septembre 2021 portant transposition de la directive (UE) 2019/771 énonce que les dispositions relatives à la garantie légale de conformité du code de la consommation « ne privent pas le consommateur du droit d’exercer l’action résultant de la garantie des vices cachés telle qu’elle résulte des articles 1641 à 1649 du code civil ou toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi ». Ce cumul d’actions existait déjà sous l’empire du droit issu de la transposition de la directive 1999/44/CE. Si l’on pouvait alors nourrir quelques doutes quant à sa légalité10, il s’autorise désormais d’une légitimité bien plus solide. En effet, l’article 3, § 7, de la directive (UE) 2019/771 affirme qu’« elle ne porte pas atteinte aux règles nationales ne régissant pas spécifiquement les contrats de consommation et prévoyant des recours spécifiques pour certains types de défauts qui n’étaient pas apparents au moment de la conclusion du contrat de vente », cependant que le 18e considérant autorise le maintien des règles relatives aux « vices cachés ». Conforme au droit européen, le cumul du droit de la consommation avec le droit de la vente présente en droit positif des intérêts (1). Par ailleurs, la jurisprudence révèle que, par analogie avec la situation de l’acheteur régi par le droit de la vente, le consommateur peut trouver un intérêt à cumuler le droit de consommation avec le droit commun des contrats. Puisque les règles relatives à la formation, à la validité, la nullité et les effets du contrat ne sont pas couverts par la directive11, ce cumul ne heurte pas le droit européen et sera également présenté (2).
1 - Cumul du droit de la consommation avec le droit de la vente
Trois intérêts du cumul d’action. Sur trois aspects, le consommateur a intérêt à se placer sur le terrain du droit commun de la vente. Le premier concerne le domaine d’application quant au contrat (a), le deuxième a trait à la hiérarchie des remèdes (b) et le dernier est un enjeu de prescription (c).
a - Intérêt lié au domaine d’application
Avant l’ordonnance du 29 septembre 2021, l’option entre le droit de la vente et le droit de la consommation présentait un enjeu lié au type de contrat souscrit par le consommateur. Si le bien, affecté d’un défaut, avait été non pas acheté mais obtenu à la suite d’un échange auprès d’un professionnel, le consommateur ne pouvait tirer parti de la garantie du code de la consommation articulée exclusivement autour du contrat de vente. Il avait alors, comme le montre le contentieux, tout intérêt à invoquer le code civil12. Par le biais de l’article 1707 du code civil, appliquant à l’échange toutes les règles prescrites pour le contrat de vente, hormis la rescision pour lésion, les juges pouvaient ainsi mettre en œuvre les règles sur la garantie légale des vices cachés. Depuis l’adoption de l’ordonnance du 29 septembre 2021, le code civil perd cet apanage. Le code de la consommation procède en effet à une analogie entre le prix et « tout autre avantage procuré au lieu ou en complément du prix »13. Si cette extension a pour principal objectif d’attraire dans le champ du contrat à titre onéreux, tel que défini par l’article 1107 du code civil, la contrepartie consistant en la fourniture par le consommateur de données à caractère personnel14, elle permet aussi de considérer la remise d’un bien corporel comme une contrepartie. L’article L. 112-4-1 du code de la consommation prévoit en effet que « Lorsque le contrat de vente de biens ou le contrat de fourniture de contenus numériques ou de services numériques ne prévoit pas le paiement d’un prix, le professionnel précise la nature de l’avantage procuré par le consommateur au sens des articles L. 217-1 et L. 224-25-2 ». Aussi, le droit de la vente a-t-il perdu sur ce point l’intérêt qu’il présentait auparavant.
b - Intérêt lié aux remèdes
Le consommateur insatisfait qui souhaite obtenir le remboursement du bien affecté d’un défaut a tout intérêt à emprunter le canal du droit commun de la vente, dès lors que l’article 1644 du code civil lui offre « le choix » entre l’action rédhibitoire et l’action estimatoire là où le code de la consommation lui impose de solliciter préalablement la mise en conformité du bien15. Cette hiérarchie des remèdes, issue de la transposition de la directive 1999/44/CE, perdure sous l’empire du droit issu de la directive (UE) 2019/771. Elle devrait donc laisser subsister l’intérêt pour le consommateur d’agir sur le fondement du code civil avec toutefois une atténuation liée à la possibilité nouvelle pour le consommateur de solliciter immédiatement la réduction du prix ou la résolution du contrat en présence d’un défaut de conformité d’une certaine gravité16.
La jurisprudence rendue sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance révèle la fréquence avec laquelle les consommateurs se placent sur le terrain du droit spécial de la garantie légale des vices cachés pour obtenir « d’emblée » la résolution du contrat. Le cas est fréquent pour les véhicules d’occasion17 même s’il convient de ne pas systématiser puisque le contentieux sur la garantie des véhicules d’occasion s’arrime parfois dès la première instance au code de la consommation18. Le manquement à l’obligation de délivrance conforme a pu être également invoqué à propos de véhicules neufs19. Souvent, et cela ne concerne pas exclusivement les véhicules d’occasion, l’acquéreur invoque la résolution judiciaire de la vente après des réparations obtenues à l’amiable mais demeurées infructueuses20. Sur ce point l’avantage offert par le code civil devrait, en droit positif s’amoindrir puisque la transposition de la directive (UE) 2019/771 octroie désormais au consommateur le droit d’invoquer la résolution du contrat, lorsque la non-conformité du bien persiste en dépit de la tentative de mise en conformité du vendeur restée infructueuse21.
Enfin, si le consommateur souhaite restituer un bien affecté d’un défaut pourtant mineur, l’action rédhibitoire du droit spécial de la vente est la seule voie a priori ouverte22, un tel défaut paralysant, sous l’empire du droit antérieur à la directive (UE) 2019/77123 comme depuis sa transposition, la mise en œuvre de la résolution du contrat de consommation24.
c - Intérêt lié au point de départ du délai de prescription
Droit antérieur à l’ordonnance du 29 septembre 2021. En prévoyant une responsabilité du vendeur « lorsque le défaut de conformité apparaît dans un délai de deux ans à compter de la délivrance »25, la directive 1999/44/CE ne présentait pas le délai biennal comme un délai de prescription mais comme un délai de garantie26. En outre, non couverte par le texte européen, la prescription était susceptible, selon le choix des États membres, de s’appliquer en plus du délai de garantie, selon les règles du droit national et à condition que ce délai de prescription n’expire pas avant l’expiration du délai de garantie27. En prévoyant que « l’action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien »28, la France avait donc opté pour un délai unique de prescription. Cette solution était donc moins favorable que celle qui aurait consisté à introduire lors de la transposition un double délai : un délai de garantie biennal articulé au délai de prescription de cinq ans qui, conformément au droit commun de la prescription, aurait eu pour point de départ la découverte réelle ou supposée du vice29. Le choix français n’en était pas moins conforme au droit européen. Le point de départ de ce délai unique devait donc être celui de la délivrance du bien, comme prévu par la directive. C’est à ce titre que la protection du consommateur se révélait moindre que celle issue du droit commun de la vente30 qu’il s’agisse de la délivrance conforme ou de la garantie des vices cachés. Dans le premier cas le délai de prescription de droit commun de cinq ans court, comme déjà relevé, à compter de la connaissance réelle ou supposée du défaut par l’acheteur31. Dans le second cas, le délai de deux ans court à compter de la connaissance du défaut32. Cette différence entre le droit spécial et le droit commun n’avait pas échappé aux magistrats33.
Deux situations pouvaient être de nature à inciter à privilégier le code civil sur le code de la consommation. La première était celle d’un défaut apparu quasiment à l’échéance du délai biennal de prescription. Pour éviter tout risque de perte de ses droits, le consommateur pouvait avoir un intérêt à mobiliser la garantie des vices cachés. La seconde était celle d’un défaut apparu au-delà des deux ans de la délivrance Le contentieux montre alors l’intérêt qu’avait le consommateur, forclos au titre de la garantie légale de conformité, de pouvoir invoquer la garantie des vices cachés du code civil34 ou l’obligation de délivrance conforme35.
Droit issu de l’ordonnance du 29 septembre 2021. Depuis l’ordonnance du 29 septembre 2021, le régime de faveur offert par le droit commun de la vente mérite d’être nuancé à raison d’une amélioration du régime procédural de l’action en garantie de conformité du code de la consommation. Le législateur français a en effet cette fois-ci saisi l’option qu’il avait délaissée lors de la transposition de la directive 1999/44/CE, option maintenue dans la nouvelle directive36, d’instaurer un double délai de garantie et de prescription37. Aussi depuis l’ordonnance du 29 septembre 2021, au délai de deux ans, expressément qualifié de garantie38 dont le point de départ demeure la délivrance du bien39, s’ajoute le délai de prescription de l’article 2224 du code civil, l’article L. 217-3 prenant soin de préciser que son point de départ est le jour de la connaissance par le consommateur du défaut de conformité. Désormais le délai biennal du code de la consommation n’agit plus comme un couperet. La première situation, précédemment évoquée, n’est dès lors plus de nature à privilégier le droit commun. Quand bien même le défaut apparaitrait quasiment à l’échéance des deux ans suivant la délivrance, les droits du consommateur contre le vendeur seraient préservés pendant une durée de cinq ans, dont le décompte commence à compter de la connaissance du défaut. Reste la seconde situation. En présence d’un défaut se manifestant plus de deux ans après la délivrance, le consommateur doit emprunter la voie du droit de la vente.
En indiquant que « le délai de garantie s’applique sans préjudice des articles 2224 et suivants du code civil », l’article L. 217-3 du code de la consommation, issu de l’ordonnance du 29 septembre 2021, laisse augurer un encadrement de la garantie légale de conformité par le délai butoir de vingt ans de l’article 2232 du code civil40.
Selon ce texte, « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ». La Cour de cassation estime la naissance du droit, au sens de l’article 2232 du code civil, doit être fixée « au jour du contrat qui consacrait l’obligation à la garantie des vices cachés du vendeur »41. Cette solution devrait donc valoir pour le consommateur qu’il se place sur le terrain du code de la consommation ou du droit commun. En droit positif, si le défaut se manifeste au-delà des deux ans de la délivrance, le consommateur a donc un grand intérêt à se fonder sur le droit commun de la vente qui l’autorise à actionner la garantie des vices cachés pendant deux ans à compter de la connaissance du vice, dans une limite de vingt ans à compter de la conclusion du contrat.
Interruption de la prescription. À envisager les causes d’interruption de la prescription, la situation est aujourd’hui identique pour le consommateur, du point de vue du droit de la consommation ou du droit de la vente. Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 29 septembre 2021, un doute avait pu naître à raison de l’unicité du délai prévu dans le code de la consommation. Puisqu’il s’agissait d’un délai de garantie, il aurait pu, faute de précision du législateur, être considéré comme un délai de forclusion ou préfix, agissant aveuglément sans égard pour la diligence du consommateur42. En précisant qu’il s’agissait d’un délai de prescription, le législateur avait cependant limité ce risque. Désormais, le doute n’est plus permis puisqu’en transposant la directive (UE) 2019/771, l’ordonnance du 29 septembre 2021 a expressément soumis l’action du consommateur à un délai de prescription quinquennal distinct du délai de garantie. Aussi, le délai est-il interrompu par une action en justice, « même s’il s’agit d’une action en référé tendant à la nomination d’un expert laquelle équivaut à une citation en justice »43. La médiation de la consommation ou toute autre démarche de conciliation, aujourd’hui nécessaire avant toute demande en justice d’un montant inférieur à 5 000 €44, qu’il est préférable de continuer à respecter malgré l’invalidation du texte par le Conseil d’État45, est de nature à suspendre la prescription conformément à l’article 2238 du code civil. Si la tentative de médiation de la consommation peut donc être utilement invoquée que le consommateur se place sur le terrain du code civil ou du code de la consommation, il convient cependant qu’elle ait été « formellement » diligentée puisqu’une simple réclamation, laquelle est un préalable obligatoire à la médiation46 restera vaine pour la préservation de ses droits47.
Mise en œuvre du cumul. Les opportunités du cumul d’action ne sont pas sans difficultés procédurales qui se présentent différemment selon la voie empruntée par le consommateur.
S’il a fait le choix en première instance d’invoquer le seul bénéfice du code de la consommation et qu’il succombe, il est certainement hasardeux pour lui de modifier le fondement juridique de sa demande en appel pour se fonder sur la garantie légale des vices cachés ou la délivrance conforme. Certes, l’article 563 du code de procédure civile autorise en appel les parties à « invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ». Cependant, la jurisprudence dite Cesareo impose au plaideur de présenter dès la première instance tous les moyens de matière à fonder sa demande48. L’option pour les actions du code civil, qui poursuivent la même finalité que celles du code de la consommation49, se heurte donc à ce principe de concentration des moyens, quand bien même il ne s’agit pas d’un principe de concentration des demandes50. Il reste qu’en la matière la jurisprudence des juges du fond est fluctuante51.
Si, inversement, le consommateur a choisi le seul canal du droit commun de la vente, il lui faut être vigilant quant au fondement choisi – garantie des vices cachés ou délivrance conforme – puisque, d’une part, ces deux actions ne sont plus fongibles52 et, d’autre part, le juge n’a plus l’obligation de modifier le fondement juridique de la demande53. En revanche, le chemin du droit de la vente vers le code de la consommation devrait être plus facilement empruntable. En effet, le juge pourrait aisément recourir à l’article R. 632-1 du code de la consommation qui lui offre la faculté de relever d’office les dispositions du code de la consommation. Et depuis l’arrêt de la chambre mixte du 7 juillet 2017, il n’est pas exclu de considérer que cette faculté est une obligation à raison de l’origine européenne de la garantie légale de conformité. La Cour de cassation a en effet jugé que « si le juge n’a pas, sauf règles particulières, l’obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne, telle la responsabilité du fait des produits défectueux »54.
Il reste que le consommateur doit pouvoir invoquer les régimes du code de la consommation et du code civil l’un à titre principal et l’autre à titre subsidiaire55. La Cour de cassation a d’ailleurs jugé que « le choix d’invoquer la garantie des vices cachés à titre principal ne prive pas l’acquéreur de la possibilité subsidiairement la garantie de conformité prévue par le code de la consommation »56.
2 - Cumul du droit de la consommation avec le droit commun des contrats
Spécificités du droit de la consommation quant au cumul. L’erreur sur les qualités essentielles est envisageable, tout comme le dol, si le défaut, connu du vendeur, a été délibérément caché57. Si la question du cumul des vices du consentement peut se poser avec l’obligation de délivrance conforme, pour laquelle elle est d’ailleurs admise58, c’est essentiellement avec la garantie des vices cachés que s’est développé le contentieux, en raison de l’enjeu lié à la prescription de l’action59. Après une jurisprudence chaotique, la Cour de cassation refuse depuis 1996 le cumul entre la garantie des vices cachés et l’erreur. Dès lors que le défaut constitue un vice caché, la garantie des vices cachés constitue « l’unique fondement »60. En revanche, sur le fondement du dol, la Cour de cassation n’a pas la même réticence61.
Dans la mesure où la garantie légale de conformité du code de la consommation inclut la garantie des vices cachés, il faudrait transposer au consommateur les solutions retenues pour l’acheteur. Toutefois il a pu être observé que des arguments en faveur du cumul avec l’action en nullité pour erreur pourraient s’ajouter à la spécificité du droit de la consommation62. En effet, le cumul pourrait d’abord se justifier au regard de l’objectif de protection des consommateurs. Il pourrait également s’imposer par l’interprétation extensive de la disposition du code de la consommation qui, inchangée par la transposition de la directive (UE) 2019/771, permet le cumul avec « toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle »63. Cependant à notre connaissance, le contentieux récent révèle peu d’hypothèses dans lesquelles le consommateur articule la garantie légale des vices cachés avec une action en nullité pour vices du consentement64.
B - Avant-projet de réforme : effectivité du cumul65
Il est ici question de s’assurer qu’avec la réforme proposée, le droit commun de la vente conserve, pour le consommateur qui souhaite faire usage du cumul, non seulement un intérêt mais également la sécurité juridique nécessaire à son action. Avant quelques observations diverses (4), sont développées trois questions principales : la conception moniste du vice (1), le régime des sanctions (2) et celui de la prescription (3).
1 - Conception moniste du vice (art. 1642)
Nouvelle approche moniste. L’article 1641, alinéa 2, de l’avant-projet de réforme retient désormais une conception moniste de la notion de vice, réunissant sous ce même vocable l’actuelle notion de délivrance conforme et de vice caché. Ainsi le bien est « vicié lorsqu’il est impropre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable ou n’est pas conforme aux spécifications du contrat ». On retrouve ici les formulations retenues par la jurisprudence de 1993 de la Cour de cassation pour définir les deux notions66.
Pour une plus grande clarté et simplicité du droit, retenir une notion unique ne peut qu’être approuvée dans son principe. Elle évite en effet les discussions inutiles et difficiles sur la nature des défauts, source de contentieux67, et simplifie considérablement l’action de l’acheteur, particulièrement lorsqu’il est consommateur et fait usage du cumul d’actions.
Qualification de « vice ». La qualification englobante de « vice du bien » est, en revanche, davantage sujette à discussion. Comme le font remarquer certains auteurs68, le choix de la réforme est d’absorber la délivrance conforme par la garantie des vices cachés et non l’inverse. Ce choix conduit à refuser à la notion de « conformité » un rôle fédérateur, à l’inverse de la Convention de Vienne de vente internationale de marchandises ou du droit de la consommation. Trois remarques découlent du choix de la dénomination de « vice ».
Ce choix manifeste la volonté, d’abord, de conserver autant que possible la tradition du code civil clairement prônée par les auteurs de la réforme. Ce seul argument nous parait cependant insuffisant car non seulement l’évolution du droit a fait naitre des notions plus familières et transversales, mais également il n’est pas sans conséquence sur l’approche et l’évolution à terme de la notion.
Ce choix de la conservation de la notion de « vice » manifeste, ensuite, la volonté de se démarquer des régimes spéciaux, en évitant notamment que des interprétations jurisprudentielles en matière de consommation puissent être transposées à la notion de droit commun. C’est là un parti pris susceptible d’être discuté car la notion de conformité, ou de défaut de conformité, n’a pas à être distinguée, d’un point de vue purement conceptuel, en droit commun de la vente et en droit de la consommation. Seul le régime, et non la notion, doit conduire à des différences afin de protéger davantage le consommateur acheteur. En effet, s’agissant de la notion, la Commission présidée par Geneviève Viney proposait une notion commune, quelle que soit la qualité des parties, et donc s’appliquant également aux relations entre consommateurs ou professionnels. Telle est également l’approche du droit européen qui s’est dessiné à travers la proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente69 ou encore le projet de cadre commun de référence70. Une telle approche commune de la notion de conformité en droit commun de la vente et en droit de la consommation conduirait à une simplification du droit.
Dans une perspective européenne, enfin, l’utilisation d’un terme différent du droit de la consommation peut trouver une explication dans la recherche de distinction de l’action nationale face au droit européen de la consommation. En conservant une action en apparence distincte, reposant principalement sur l’emploi de termes différents, le droit français manifeste la spécificité de ses propres actions nationales face à un droit européen d’harmonisation maximale, justifiant ainsi le combat ayant présidé à la reconnaissance du cumul d’actions dans la directive (UE) 2019/77171. L’emploi de termes distincts nourrit dès lors le discours plus politique de la spécificité nationale, même si, au fond du droit, l’action n’est en rien spécifique et recouvre la réalité de la garantie de conformité du droit de la consommation. La lisibilité et la simplification du droit commanderaient, selon nous, une garantie de conformité pilote dans le droit commun de la vente72, inspirée de la structure du droit européen de la consommation, et dont des spécificités de régime demeureraient pour d’autres qualifications contractuelles, comme les contrats de consommation73 aux fins d’une protection plus forte du consommateur acheteur.
Propositions. À défaut d’une refonte totale, que ces lignes n’ont pas vocation à construire, les branches de l’alternative seraient donc les suivantes selon les liens souhaités avec le droit de la consommation :
- conserver la notion spécifique de « vice » du bien, comme le propose l’avant-projet, si la volonté est de s’assurer d’une notion spécifique, propre au code civil, étanche au droit de la consommation et particulièrement européen, et ainsi empêcher, autant que possible, que la jurisprudence sur la notion de conformité du code de la consommation ne vienne perturber la notion de droit commun ;
- ou remplacer la « garantie des vices » par la notion de « garantie de conformité » pour unifier la notion de conformité afin d’encourager une interprétation de la notion qui dépasse les codes, pour une meilleure lisibilité du droit. Cette approche n’empêchera pas des solutions différentes selon la qualité des parties puisque l’usage habituellement attendu peut différer selon que la référence est un acheteur professionnel moyen ou un acheteur consommateur moyen. Elle n’empêchera pas non plus des régimes différents.
2 - Sanctions en cas de vice
Les sanctions prévues par l’avant-projet de réforme paraissent insuffisamment précises, souvent sources de confusion, conduisant à une certaine insécurité juridique. Celle-ci trouve principalement ses causes dans un manque de clarté sur les liens du régime proposé avec tant le droit commun des contrats que le droit de la consommation. Des modifications sont dès lors suggérées sur la typologie des sanctions mentionnée à l’article 1644 (a), l’option de l’acheteur (b) et la responsabilité civile (c).
a - Typologie des sanctions (art. 1644, al. 1)
La réforme proposée présente un choix tripartite à l’acheteur entre « rendre le bien et se faire restituer le prix », « garder le bien et se faire rendre une partie du prix » ou « demander la mise en conformité du bien ». Les commentaires des auteurs de l’avant-projet précisent que ces sanctions ont vocation à être celles du droit commun des contrats, raison pour laquelle l’article commence par « conformément aux articles 1217 et suivants ». Si nous approuvons la volonté de mettre les sanctions de la garantie des vices en conformité avec celles du droit commun des contrats, le sentiment que laisse la rédaction est qu’il peut en être autrement, source d’insécurité juridique. Ces remarques portent sur la référence aux actions rédhibitoire et estimatoire (1), la mise en conformité (2) et l’omission de l’exception d’inexécution (3).
(1) Actions rédhibitoire et estimatoire
L’avant-projet de réforme fait le choix de conserver l’ancienne rédaction de 1804 quant aux sanctions exprimant les effets des sanctions choisies : « rendre le bien et se faire restituer le prix » ou « garder le bien et se faire rendre une partie du prix ». En réutilisant les formules de 1804 tout en renvoyant à l’article 1217 du code civil, la rédaction jette un trouble sur la spécificité éventuelle des sanctions ou leur conformité au droit commun. Il nous semble difficile, en effet, de vouloir à la fois conserver la tradition d’une rédaction datant de 1804 faisant de ces sanctions des exceptions au droit commun, tout en les replaçant dans le régime du droit commun actuel. Le fait même que des termes différents soient utilisés, à l’instar des anciennes actions rédhibitoire et estimatoire, peut laisser planer un doute sur l’identité de régime avec les sanctions de l’article 1217 et nourrir à terme une jurisprudence inutilement dissidente74.
Dès lors, afin de sécuriser les sanctions tout en simplifiant et modernisant la rédaction, il serait préférable de se contenter d’un renvoi pur et simple à la résolution et à la réduction du prix des articles 1217 et suivants.
(2) « Mise en conformité du bien »
L’avant-projet introduit à l’article 1644 la possibilité pour l’acheteur de « demander la mise en conformité du bien », ce qui appelle plusieurs remarques.
Tout d’abord, dans ses commentaires, la Commission ne fait aucune remarque particulière sur cette « nouvelle » sanction légale introduite à l’article 1644, laissant penser qu’il s’agit de l’exécution forcée en nature de l’article 1217 dont les termes auraient été adaptées à la vente. Cependant, il nous parait source d’insécurité de modifier le vocabulaire de droit commun pour lui préférer une notion existante par ailleurs, dotée d’un régime propre, conduisant à des risques de confusion. Pour ne prendre que ce premier exemple, la modification de vocabulaire conduit à introduire un doute sur la nécessité ou non d’une action en justice. En effet, l’exécution forcée en nature de l’article 1217 est envisagée comme une action judiciaire puisqu’il s’agit de « poursuivre » l’exécution en nature, ce que corrobore l’article 1222 qui fait de l’exécution en nature sans juge une exception encadrée. Que penser alors de la possibilité pour l’acheteur de « demander » la mise en conformité du bien : cette demande est-elle faite au juge, au vendeur ou à un tiers en lieu et place du vendeur ? Lorsqu’on sait qu’en droit de la consommation, cette mise en conformité est un droit pour le consommateur qu’il peut exiger sans juge, la rédaction ainsi proposée laisse planer un doute.
Ce doute est alimenté, ensuite, par l’expression employée en guise de sanction : la « mise en conformité » est une expression qui n’est pas utilisée en droit commun des contrats malgré le renvoi à l’article 1217 du code civil, alors que l’expression est connue du droit de la consommation. Si la volonté d’adaptation à la vente se comprend, les interrogations qu’elle suscite sont nombreuses du fait de son existence en droit de la consommation. Quel droit alors faire prévaloir pour son application : l’exécution forcée en nature de l’article 1217 du code civil, et ses modalités des articles 1221 et 1222, ou la mise en conformité de l’article L. 217-8 du code de la consommation ?75 Enfin, comment comprendre le contenu de la notion de « mise en conformité » : doit-on se référer au droit de la consommation et à son option entre réparation et remplacement et selon quelles modalités ?76
Ces difficultés révèlent les limites du refus de la transposition du régime de la garantie de conformité dans le code civil, telle que pensée en droit de la consommation, comme l’avait proposée la Commission présidée par Mme Viney. Il faut dès lors un choix clair : soit la réforme des contrats spéciaux s’inspire des bienfaits du régime européen de la consommation pour repenser la garantie de droit commun et ses sanctions à son aune, en l’adaptant de manière à en ôter ses aspects spécifiques aux relations de consommation, soit il faut rester sur un pur régime de droit commun des contrats et renvoyer les sanctions sans autre précision aux articles 1217 et suivants du code civil.
(3) L’exception d’inexécution
Utiliser à l’article 1644 d’autres termes que ceux du droit commun des contrats conduit à s’interroger sur l’existence ou non d’un régime dérogatoire, dont une illustration supplémentaire se manifeste à travers l’exception d’inexécution. Trois sanctions sont mentionnées à l’article 1644 de l’avant-projet sur les cinq de l’article 1217 du code civil, en considérant que la mise en conformité est l’écho de l’exécution forcée en nature. Si la responsabilité civile fait l’objet d’une disposition autonome (art. 1645), reste la question de l’exception d’inexécution. En faisant une référence incomplète au droit commun, l’avant-projet prend le risque d’être compris comme dérogatoire au droit commun, ce qu’il ne semble pas être souhaité pour autant.
De plus, ces hésitations ont déjà été soulevées en droit de la consommation, témoignant ainsi de la nécessité d’être précis. Le régime de la directive 1999/44/CE, en effet, ne prévoyait que quatre sanctions : la réparation, le remplacement, la réduction du prix et la résolution du contrat, la responsabilité civile étant renvoyée au droit des États membres sans harmonisation77. Afin d’éviter toute discussion et d’assurer le plus de sécurité juridique possible, la nouvelle directive (UE) 2019/771 abrogeant celle de 1999, mentionne explicitement l’exception d’inexécution comme une sanction possible en renvoyant son régime au droit des États membres78. Ainsi, pour éviter toute interprétation a contrario, il serait préférable de ne pas omettre, dans le droit commun de la vente, l’exception d’inexécution dès lors que les autres sanctions seraient mentionnées explicitement.
Par conséquent, s’agissant de l’application du droit commun des contrats aux sanctions de la garantie des vices, un simple renvoi à l’article 1217 du code civil conférerait plus de sécurité juridique, en précisant simplement que le régime de la réparation des dommages est soumis aux conditions de l’article 1645.
b - Option de l’acheteur (art. 1644, al. 2 et 3)
L’article 1644 précise dans ses alinéas 2 et 3 que le choix de la sanction est discrétionnaire pour l’acheteur (al. 2) sans que le vendeur puisse lui imposer une mise en conformité (al. 3). On comprend de ses dispositions qu’elles visent à sécuriser le droit actuel, en opposition au droit de la consommation qui impose une hiérarchie des sanctions.
Si ces ajouts sont en réalité le fruit de la jurisprudence en matière de vente, ils auraient été compréhensibles dans la réforme si les sanctions avaient été dérogatoires au droit commun. Désormais qu’il s’agit de sanctionner les vices du bien par les sanctions de droit commun de l’article 1217 pour l’application desquelles, à notre connaissance, le juge respecte déjà cette liberté de choix, il peut paraitre inutile de le préciser. Le mentionner explicitement signifierait alors la volonté de prévenir toute évolution jurisprudentielle soit du droit de vente, soit du droit commun des contrats dans son application au droit de la vente.
On peut s’interroger par ailleurs sur l’opportunité d’empêcher toute évolution sur ce point, notamment en droit de la vente, au regard de l’évolution constatée en droit de la consommation. En effet, est débattue aujourd’hui en droit national et européen de la consommation la possibilité d’imposer au consommateur acheteur une obligation à la réparation pour des raisons environnementales. Alors que ces dernières années, plusieurs lois ont incité les professionnels à un comportement écoresponsable par le biais de nouvelles obligations79, le débat se porte aujourd’hui sur des contraintes qui seraient cette fois imposées aux consommateurs. Si le vocabulaire employé aujourd’hui est celui d’un « droit à la réparation » par l’incitation des consommateurs à recourir à la réparation80, se pose la question de l’opportunité de mettre un terme à l’option entre réparation et remplacement dans l’application de la garantie de conformité afin d’imposer prioritairement la réparation destinée à allonger la durée de vie des biens existants et ainsi limiter l’épuisement des ressources naturelles81.
Il ne s’agit pas dans ces propos de trancher sur l’opportunité de cette nouvelle obligation, mais de prendre en compte ces évolutions possibles et ces débats existants en droit de la consommation pour ne pas interdire, par principe, toute évolution à venir sur le terrain du droit commun de la vente.
Il nous paraît dès lors préférable de laisser possible l’évolution jurisprudentielle, et donc de supprimer les alinéas 2 et 3 de l’article 1644.
c - Responsabilité civile (art. 1645)
La responsabilité civile sur le fondement du droit commun de la vente est un enjeu important pour les consommateurs puisque le régime de la garantie de conformité du code de la consommation ne prévoit pas de régime spécial, semblant renvoyer au droit commun82. Qu’il y ait ou non cumul d’action, le régime de la responsabilité civile de droit commun est donc susceptible de s’appliquer.
L’article 1645 reprend le droit actuel conditionnant la mise en jeu de la responsabilité civile du vendeur à sa connaissance des vices. Cependant, la difficulté nouvelle provient de la présomption désormais simple de connaissance des vices par le vendeur professionnel que propose la Commission à l’article 1642, alinéa 2. Or, il est en réalité très probable que le vendeur ne connaisse pas les vices cachés, l’autorisant ainsi à renverser la présomption, à la différence du fabricant. La présomption irréfragable de connaissance des vices cachés par le vendeur, actuellement appliquée par la jurisprudence, a l’intérêt de protéger l’acheteur profane. On peut même considérer que l’effectivité de la réparation des dommages causés par un vice caché, dans un rapport entre vendeur professionnel et acheteur profane, repose sur le caractère irréfragable de la présomption. En effet, en s’adressant directement au fabricant, seule alternative pour l’acheteur, celui-ci se verra opposer le contrat conclu avec le vendeur qui contiendra le plus souvent une clause d’exclusion de garantie83.
Par conséquent, il serait préférable de revenir au caractère irréfragable de la présomption de connaissance des vices par le vendeur professionnel, au moins face à un acheteur profane84, afin d’assurer l’effectivité de la réparation des préjudices.
3 - Délai de prescription85
Délai butoir. L’article 1648 issu de l’avant-projet reprend dans l’alinéa 1 le principe d’un délai biennal déjà en vigueur en laissant cependant entrevoir qu’il s’agit d’un délai de prescription86.
Deux nouveautés sont apportées à l’égard du droit positif. Le point de départ du délai est modifié puisqu’il n’est plus la connaissance du vice mais sa connaissance réelle ou supposée, dans l’esprit de l’article 2224 du code civil87. Par ailleurs, un délai butoir est fixé. Cependant, faute de consensus, deux options sont proposées, l’une indiquant que l’action ne peut être exercée au-delà du délai fixé à l’article 2232 précité, soit vingt ans à compter de la naissance du droit l’autre permettant de « se calquer sur le délai-butoir de dix ans admis dans la matière voisine de la responsabilité du fait des produits défectueux (C. civ., art. 1245-15) »88.
Il a été observé qu’en droit positif, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 29 septembre 2021, lorsqu’un défaut apparait quasiment à l’échéance des deux ans suivant la délivrance, le consommateur ne trouve désormais aucun intérêt à se placer sur le terrain du droit de la vente89. Avec la réforme, il y trouverait encore moins d’intérêt, puisque dans le code de la consommation seule est prise en compte la connaissance effective du défaut90. Pour autant cette différence de régime quant au point de départ de la prescription, qui risque de compliquer le cas échéant, la tâche du magistrat saisi du cumul d’actions, ne nous semble pas critiquable. Il est assez logique qu’à partir du moment où l’acheteur du droit commun de la vente relève du droit commun de la prescription, il y soit « entièrement soumis ». Pour le consommateur, la situation est différente puisque l’adaptation des règles de prescription, qui était déjà à l’œuvre à l’occasion de la réforme de la prescription91 contribue à l’effectivité de sa protection.
Dans l’hypothèse où le défaut apparait au-delà des deux ans de la délivrance, le consommateur n’a pas d’autre choix que d’invoquer le droit commun de la vente. Par conséquent, des deux options proposées par l’avant-projet quant au délai-butoir, la première qui offre un délai plus long mériterait d’être privilégiée. Le délai de vingt ans qui court, selon la Cour de cassation, à compter de la conclusion de la vente92 présenterait en effet l’avantage d’augmenter « les chances de succès » d’une action directe en garantie des vices cachés, que l’avant-projet de réforme consacre, qui serait intentée par l’acheteur final. Non seulement « l’existence de ventes successives induit inévitablement l’écoulement d’un certain temps entre la première vente et le moment où l’acquéreur final de la chose l’utilise et découvre le défaut »93. Mais encore, il peut s’écouler un certain temps avant que le consommateur n’exerce l’action directe contre le fabricant, soit parce qu’il a eu des difficultés à l’identifier, soit parce qu’il a d’abord essuyé un refus du vendeur intermédiaire. C’est d’ailleurs parce que généralement l’acheteur se tourne d’abord contre le vendeur et non le fabricant que l’analogie avec la responsabilité du fait des produits défectueux trouve ses limites. Dans cette matière issue de la directive 1985/374/CEE, la victime doit agir, sauf exceptions94 directement contre le producteur95. Le délai dérogatoire butoir de dix ans qui court à compter de la mise en circulation, délai maintenu, voire parfois allongé dans la proposition de directive du 28 septembre 202296, répond donc à une logique différente.
Dès lors, tant l’acheteur du droit commun que le consommateur auraient intérêt à être soumis au délai butoir de droit commun de vingt ans.
4 - Observations diverses97
Clauses élusives ou limitatives de garantie. En droit positif, l’article 1643 du code civil fait peser sur le vendeur la garantie des vices cachés sauf s’il a stipulé qu’il ne serait obligé à aucune garantie pour les vices dont il n’avait pas connaissance. La jurisprudence est cependant venue limiter la portée du texte en faisant peser une présomption irréfragable de connaissance des vices sur tout vendeur professionnel. Si cette présomption présente un intérêt pour l’acquéreur98, elle est désormais sans portée pour le consommateur agissant contre le vendeur puisque les clauses de non garanties sont dans cette circonstance abusives99. À cet égard il convient d’observer que l’application du dispositif des clauses abusives s’applique même si le consommateur opte pour le régime du droit commun de la vente. Si l’avant-projet de réforme qui prévoit que cette présomption serait désormais simple venait à être adopté, la situation du consommateur serait identique dans ses relations avec le vendeur. Le renversement de la présomption ainsi que les clauses limitatives ou élusives de garantie tomberaient sous le coup de la législation sur les clauses abusives. En outre, la situation du consommateur serait nettement plus enviable que celle de l’acheteur du droit commun qui risquera de se voir opposer souvent un renversement de la présomption. Le vendeur professionnel, qui n’a pas fabriqué le bien, devrait en effet aisément faire valoir qu’il ne connaissait pas le vice. Si l’on comprend que cette évolution soit de nature à vivifier la liberté contractuelle, sous le sceau de laquelle l’avant-projet se place, il semble cependant qu’outre le risque que l’acheteur se voit systématiquement opposer une clause limitative de garantie, il en résulte un effet néfaste pour le consommateur lors de la mise en œuvre de la transmission de l’action100.
Les réserves en cas de vices apparents. Le régime des réserves mentionné à l’article 1643, alinéa 2, de l’avant-projet, qui doivent être notifiées au vendeur « dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la remise du bien », parait sévère pour l’acheteur et imprécis. En effet, si on peut comprendre la recherche de sécurité juridique que confère un délai fixe, le délai de cinq jours est extrêmement court quelle que soit la qualité des parties, et particulièrement dans les rapports entre consommateurs, très fréquents dans les ventes en ligne à travers les plateformes collaboratives. Même la Convention de vienne sur la vente internationale de marchandises qui ne concerne que les rapports entre professionnels ne mentionne pas de délai chiffré et renvoie à un délai « raisonnable », à défaut de délai contractuel. De plus, le point de départ est extrêmement imprécis faute de connaissance du destinataire de la réception : est-ce une remise à l’acheteur, au transporteur, à un tiers ?
Il paraît dès lors préférable de se référer à un délai raisonnable à compter de la connaissance par l’acheteur du vice apparent ou à la remise du bien à l’acheteur.
Il faut ajouter que le régime des défauts apparents, et corrélativement des réserves, est susceptible également de s’appliquer dans une relation de consommation dans la mesure où le régime des réserves du code de la consommation comporte des zones d’ombre. En effet, si l’article L. 216-5 du code de la consommation précise que l’absence de réserves par le consommateur lors de la réception n’exonère par le professionnel de la garantie de conformité, l’intégration des défauts apparents au sein du régime de la garantie de conformité pourrait donner lieu à débat101.
L’article 1643-1, alinéa 2, concernant la connaissance des vices par l’acheteur professionnel ne précise pas de quels vices il s’agit, laissant la porte ouverte à une large interprétation. Si le fait qu’il s’agisse des vices apparents peut découler des autres alinéas du texte, il est nécessaire d’ajouter le terme « apparent » à la fin de la phrase après le mot « vice ».
Transmission de l’action (art. 1613). Associant à l’effet translatif de propriété les droits et actions, les articles 1612 et 1613 de l’avant-projet de réforme viennent donner un fondement légal à l’action directe nécessairement contractuelle du sous acquéreur contre les vendeurs successifs. À raison de l’article 1641 de l’avant-projet de réforme, l’action directe se trouve ainsi « élargie » en ce qu’elle fusionne l’action directe fondée sur le vice caché102 et celle fondée sur le défaut de conformité103 de nature prétorienne. En revanche, conformément aux principes dégagés par la jurisprudence en la matière, le sous acquéreur exerce l’action telle qu’elle existait dans le patrimoine de son auteur, avec ses « limites et particularismes »104. Pour le consommateur, l’apport de la consécration de cette action directe diffère selon deux situations.
La première est celle du sous acquéreur d’un bien de consommation qui se l’étant procuré auprès d’un vendeur professionnel choisirait d’agir, en cas de défaut, contre le fabricant ou, l’importateur du bien. Le consommateur perd alors le bénéfice de la garantie légale de conformité. Comme l’a rappelé la Cour de cassation, « n’agissant pas lui-même en qualité de consommateur à l’égard de son propre auteur, le vendeur ne bénéficie pas d’une telle garantie et ne peut donc en transmettre les droits, ce qui exclut toute action directe de l’acheteur à ce titre »105.
En revanche, rien ne s’oppose en droit positif à ce que l’acheteur exerce l’action en garantie légale des vices cachés ou l’action en conformité qu’il a pu recueillir du vendeur, situation qui se trouve donc cristallisée et simplifiée grâce à l’article 1613 de l’avant-projet de réforme. Cependant, dans cette hypothèse, le sous-acquéreur consommateur peut se voir opposer les clauses limitatives ou élusives de garantie auxquelles le vendeur intermédiaire était lui-même soumis106, alors même qu’elles seraient interdites dans le contrat conclu avec son propre vendeur107. Or, en droit positif la présomption irréfragable de connaissance du vice qui pèse sur le vendeur professionnel a pour effet de rendre ineffective ces clauses à moins que l’acquéreur soit un professionnel de même spécialité que le vendeur108. Aussi, l’avant-projet de réforme qui en fait une présomption simple109 étend par conséquent à l’excès le domaine de licéité des clauses limitatives ou exclusives de garantie des vices et, par ricochet, leur transmission avec la chose et leur opposabilité au sous-acquéreur consommateur. Si on ajoute la circonstance que le délai butoir pourrait n’être que de dix ans110, il apparaît que l’action directe risque de demeurer ineffective.
La seconde situation concerne la revente du bien par le consommateur à l’un de ses pairs. En cas de défaut, le sous-acquéreur, qui n’aurait aucun intérêt à agir contre son auteur, trouve dans l’article 1613 de l’avant-projet de réforme la consécration de l’action directe de nature contractuelle qu’il peut déclencher contre le vendeur professionnel, soit sur le fondement de la garantie légale de conformité du code de la consommation, soit sur celui de la garantie des vices du bien vendu au sens de l’article 1641 de l’avant-projet de réforme. Ici la situation du consommateur est inchangée, sur le terrain de la transmission des actions mais améliorée du fait du regroupement de la notion de délivrance conforme et de vices cachés.
1. C. Aubert de Vincelles, Acquis européen, cadre commun de référence et proposition de directive européenne relative au droit des consommateurs : quelle place pour les contrats spéciaux ?, in Vers un droit européen des contrats spéciaux, Towards a European Law of Specific Contracts, D. Voinot et J. Sénéchal (dir.), Éditions Larcier, Bruxelles, coll. « Code économique européen », 2012, p. 53.
2. Par ex., le contrat de fourniture de contenu et de service numérique, ou plus largement le contrat de voyage et de séjour intégré dans le code du tourisme.
3. C. Aubert de Vincelles, Éclairage européen sur la banalisation de la notion de service en droit de la consommation (à propos de la modification du champ d’application de l’action de groupe par la loi ELAN), D. 2019. 548 ; C. Noblot, Pour une interprétation téléologique de la notion de « service », LPA 25 mai 2018, n° 136, p. 8.
4. Dir. (UE) 2019/771 du 20 mai 2019 « relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE ».
5. Dir. (UE) 2019/770 du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques.
6. D. Fenouillet (dir.), Droit de la consommation, Dalloz Action 2021/2022, n° 212.13 ; J. Julien, Droit de la consommation, 4e éd., Lextenso, 2022, § 340.
7. Ce que la Cour de cassation semble retenir, v. Civ. 1re, 1er juill. 2020, n° 19-11.119, D. 2020. 1819 , note N. Balat ; ibid. 2021. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud .
8. Y. Picod et N. Picod, Code de la consommation commenté, Dalloz, 2023, p. 257.
9. Rédigé par N. Sauphanor-Brouillaud.
10. La dir. 1999/44/CE prévoyait en son art. 8 que les droits résultant de la directive « sont exercés sans préjudice d’autres droits dont le consommateur peut se prévaloir au titre des règles nationales relatives au droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ». Le texte n’autorisait a priori pas le cumul avec d’autres droits comme pouvaient l’être la garantie des vices cachés et la délivrance conforme puisque le champ qu’il couvre est identique à celui de la garantie légale de conformité (v. sur ce point, P. Remy-Corlay, La transposition de la directive 1999/44/CE dans le code de la consommation, RTD civ. 2005. 345). Les autres droits relevant de la responsabilité contractuelle ou délictuelle, il s’agissait certainement d’autoriser en plus des remèdes prévus par la directive, l’allocation de dommages et intérêts (v. N. Sauphanor-Brouillaud, C. Aubert de Vincelles, G. Brunaux et L. Usunier, Les contrats de consommation. Règles communes, 2e éd., LGDJ, 2018, n° 1040). Pourtant le droit français, extrapolant la disposition, avait prévu que la garantie légale de conformité du code de la consommation ne prive pas l’acheteur « du droit d’exercer l’action résultant des vices rédhibitoires telle qu’elle résulte des articles 1641 à 1649 du code civil ou toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi ».
11. Dir. (UE) 2019/771, art. 3, § 6.
12. Angers, 14 sept. 2021, n° 17/00686 : échange d’un véhicule BMW contre un véhicule de même marque mais d’un modèle différent ; 28 sept. 2021, n° 19/00039 : échange d’une motocyclette Harley- Davidson contre un cabriolet Mercedes.
13. C. consom., art. L. 111-1.
14. Dir. (UE) 2019/770, art. 3.1 ; C. consom., art. L. 224-25-2, al. 1.
15. Civ. 1re, 10 avr. 2019, n° 18-13.747 qui rappelle ce principe.
16. C. consom., art. L. 217-14.
17. Civ. 1re, 5 sept. 2018, n° 17-22.707 mais l’action est rejetée sur le terrain probatoire ; 17 oct. 2018, n° 16-19.858, RTD com. 2018. 1005, obs. B. Bouloc ; 17 oct. 2018, n° 17-26.358, RTD com. 2018. 1009, obs. B. Bouloc ; 16 juin 2021, n° 19-21.373, Civ. 1re, 16 juin 2021, n° 19-21.373, RTD com. 2021. 646, obs. B. Bouloc .
18. Aix-en-Provence, 3 sept. 2019, n° 17/22449 ; Civ. 1re, 9 mai 2019, n° 18-15.706, D. 2020. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud .
19. V. par ex., Rennes, 17 déc. 2021, n° 18/06273 à propos d’un véhicule aménagé pour une personne handicapée qui n’a pu être homologué, privant ainsi l’acquéreur de l’obtention d’une carte grise.
20. Civ. 1re, 12 sept. 2018, n° 17-22.064 à propos d’un détecteur de fumée ; Reims, 1er déc. 2020, n° 19/01425 à propos d’une chaudière à granulés ; Angers, 29 avr. 2022, n° 18/01624 à propos d’un carrelage neuf ; Toulouse, 2 mars 2022, n° 21/00539 à propos d’un camping car neuf.
21. Dir. (UE) 2019/771, art. 13, 4, b) ; C. consom., art. L. 217-14, 4°.
22. Depuis la réforme du droit des contrats, la question se pose de savoir si le juge pourrait substituer d’office une diminution du prix à une action rédhibitoire quand le vice n’est pas suffisamment grave, v. L. Mayer, in L’office du juge et le contrat, RDC 2002. 159 s., spéc. p. 172.
23. Dir. 1999/44/CE, art. 3.6 ; C. consom., anc. art. L. 217-10.
24. Dir. (UE) 2019/771, art. 13.5 ; C. consom., art. L. 217-14, dernier alinéa.
25. Dir. 1999/44/CE, art. 5, § 1.
26. Les contrats de consommation. Règles communes, op. cit., n° 1033, par C. Aubert de Vincelles.
27. Dir. 1999/44/CE, art. 5, § 1.
28. C. consom., anc. art. L. 217-12.
29. Telle était la proposition de la Commission de transposition de la dir. 1999/44/CE présidée par Mme Geneviève Viney. Il était proposé d’introduire à l’art. 1648 c. civ. un délai de garantie interrompu par la dénonciation du défaut et s’articulant avec le délai de prescription de droit commun.
30. Sur la nécessité de relativiser cette baisse de protection eu égard au contexte historique et géographique de la garantie de conformité, v. Les contrats de consommation. Règles communes, op. cit., n° 1033, par C. Aubert de Vincelles.
31. C. civ., art. 2224.
32. C. civ., art. 1648.
33. V. par ex., Aix-en-Provence, 20 juin 2019, n° 16/22090 qui prend soin de comparer le point de départ du délai de prescription de la garantie de conformité du code de la consommation avec celui de la garantie des vices cachés du code civil même si en l’espèce les deux actions étaient prescrites.
34. V. par ex., Rennes, 24 févr. 2022, n° 20/05391 : les propriétaires d’une maison qui avaient fait réaliser une terrasse en bois laquelle s’est déformée au fil du temps, obtiennent gain de cause sur le fondement de la délivrance non conforme du code civil. La cour d’appel considère que la résistance aux variations hygrométriques et ses tolérances en matière de dilatation thermique sont des caractéristiques techniques relevant de l’obligation de délivrance et non de la garantie des vices cachés. Les défauts étaient apparus plus de six ans après la délivrance ; v. égal., Aix-en-Provence, 2 juin 2022, n° 20/09086 à propos d’un défaut affectant un téléphone portable. La Cour relève que l’action était prescrite sur le fondement du code de la consommation, faute de saisine du médiateur mais qu’elle n’était pas prescrite sur le fondement de la garantie légale des vices cachés. L’action est cependant jugée non fondée faute de preuve de l’antériorité du défaut.
35. Bordeaux, 19 nov. 2020, n° 19/02406 : « si la décision déférée a justement relevé que l’action fondée sur les dispositions du code de la consommation était prescrite (…), il n’en est pas de même pour ce qui concerne celle axée sur la (…) conformité qui n’était pas soumise au respect du délai de deux années prévu par l’article 1648 du code civil ».
36. Dir. (UE) 2019/771, consid. 44 sur lequel, v. C. Aubert de Vincelles, Nouvelle directive sur la conformité dans la vente entre professionnel et consommateur. À propos de la directive (UE) 2019/771 du 20 mai 2019, JCP 2019. 758.
37. V. Lasbordes-de Virville, Nouveautés en matière de garantie légale de conformité dans les ventes de biens de consommation à propos de l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 sept. 2021, CCC 2021. Étude 11, spéc., n° 12.
38. C. consom., art. L. 217-3, dernier alinéa.
39. C. consom., art. L. 217-3.
40. Critiquant ce délai butoir en matière de garantie de conformité des contenus et services numériques, v. J.-D. Pellier, Rencontres de la Chaire Droit de la consommation sur le projet d’ordonnance de transposition de la dir. 2019/770 relative aux contrats de contenu et service numériques, à la suite de la consultation publique organisée par le ministère de l’Économie, 7 avr. 2021, https://www.youtube.com/watch?v=liwQoKr1VZo.
41. Civ. 3e, 1er oct. 2020, n° 19-16.986, D. 2020. 2157 , note P.-Y. Gautier ; ibid. 2154, avis P. Brun ; ibid. 2021. 186, point de vue L. Andreu ; ibid. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki . V. égal. confirmant cette solution, Civ. 3e, 25 mai 2022, n° 21-18.218, D. 2022. 1039 ; RTD com. 2022. 637, obs. B. Bouloc .
42. Les contrats de consommation. Règles communes, op. cit., n° 1032, par C. Aubert de Vincelles.
43. V. Lasbordes-de Virville, Droit des contrats spéciaux, 2e éd., Larcier, 2022, n° 152.
44. C. pr. civ., art. 750-1.
45. CE, ch. réun., 22 sept. 2022, n° 436939, Lebon ; AJDA 2022. 1817 ; D. 2022. 1912 ; ibid. 2096, entretien M. Barba ; S. Amrani Mekki, Annulation du préalable amiable obligatoire et autres validations procédurales. À propos de la décision du Conseil d’État du 22 sept. 2022, JCP 2022. 1186.
46. C. consom., art. L. 612-2, 1°.
47. Aix-en-Provence, 2 juin 2022, n° 20/09086, rendu à propos d’un défaut affectant un iPhone : le courrier du Médiateur des communications électroniques rappelant au consommateur qu’avant de le saisir, il devait utiliser tous les recours internes ne constitue pas un acte suspensif de prescription.
48. Cass., ass. plén., 7 juill. 2006, n° 04-10.672, D. 2006. 2135, et les obs. , note L. Weiller ; RDI 2006. 500, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2006. 825, obs. R. Perrot .
49. J. Julien, Droit de la consommation, op. cit., n° 353.
50. S. Amrani Mekki et Y. Stricler, Procédure civile, PUF, 2014, n° 85.
51. Douai, 5 déc. 2019, n° 18/05653. Confrontée à un consommateur qui après avoir échoué en première instance sur le fondement de la garantie du code de la consommation se prévaut en appel des actions du code civil, la cour énonce que le code de la consommation ne « permet pas un cumul des deux actions mais simplement un choix d’exercer son action sur l’un des deux fondements ». Inversement, v. Paris, 20 déc. 2019, n° 16/13321 qui a jugé qu’un consommateur qui s’était fondé en première instance sur la garantie légale de conformité pouvait invoquer en appel le vice caché, en application de l’art. 563 c. pr. civ. « d’autant que le cumul d’action » est expressément réservé par le code de la consommation.
52. Civ. 1re, 27 oct. 1993, n° 91-21.416, D. 1994. 212 ; ibid. 115, chron. A. Bénabent ; ibid. 239, obs. O. Tournafond .
53. Cass., ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11.343, D. 2008. 228, obs. L. Dargent ; ibid. 1102, chron. O. Deshayes ; RDI 2008. 102, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2008. 317, obs. P.-Y. Gautier .
54. Cass., ch. mixte, 7 juill. 2017, n° 15-25.651, D. 2017. 1800, communiqué C. cass. , note M. Bacache ; ibid. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; ibid. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2017. 829, obs. L. Usunier ; ibid. 872, obs. P. Jourdain ; ibid. 882, obs. P.-Y. Gautier ; RTD eur. 2018. 341, obs. A. Jeauneau .
55. J. Calais-Auloy, H. Temple et M. Depincé, Droit de la consommation, 10e éd., Dalloz, n° 239. V. par ex., Aix-en-Provence, 10 déc. 2020, n° 18/15736.
56. Civ. 1re, 1er juill. 2020, n° 19-11.119, D. 2020. 1819 , note N. Balat ; ibid. 2021. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud . Pour rejeter la demande de l’acquéreur sur le fondement de la garantie légale de conformité, la cour d’appel avait retenu que la demande subsidiaire formée sur le fondement du code de la consommation ne pouvait prospérer, « en vertu du principe de non-cumul des actions fondées sur le vice caché et le défaut de conformité ». L’arrêt est cassé.
57. Malgré leur appartenance théorique à des domaines distincts, l’erreur et le dol à la formation du contrat et les garanties du vendeur à son exécution, il peut parfois être difficile de les départager. Ainsi, il est évident que si l’acheteur avait eu connaissance du vice caché, ou du défaut de conformité du bien, il n’aurait pas acheté le bien.
58. Civ. 1re, 25 mars 2003, n° 00-22.058 qui admet le cumul : « Étaient recevables les actions fondées, d’une part, sur la non-conformité de la chose vendue et, d’autre part, sur l’erreur commise sur une qualité substantielle de cette chose ».
59. En effet, l’action en garantie des vices cachés se prescrivait jusqu’en 2005 par un bref délai après la découverte du vice, alors que l’action fondée sur les vices du consentement se prescrit par cinq ans.
60. Civ. 1re, 14 mai 1996, n° 94-13.921, D. 1998. 305 , note F. Jault-Seseke ; ibid. 1997. 345, obs. O. Tournafond ; RTD com. 1997. 134, obs. B. Bouloc . Plus récemment, v. par ex., Civ. 3e, 30 nov. 2017, n° 16-24.518, AJDI 2018. 64 .
61. Civ. 1re, 6 nov. 2002, n° 00-10.192, D. 2002. 3190, et les obs. ; RTD com. 2003. 358, obs. B. Bouloc . Plus récemment, v. par ex., Com. 23 sept. 2020, n° 19-18.104, D. 2020. 1888 ; AJDI 2021. 467 , obs. G. Trédez ; RTD civ. 2020. 879, obs. H. Barbier .
62. Les contrats de consommation-Règles communes, préc., no 1038 par C. Aubert de Vincelles.
63. C. consom., anc. art. L. 217-13, actuel art. L. 217-30. Sur le caractère énigmatique de cet article quant au cumul avec la nullité pour erreur, v. Y.-M. Serinet, La directive du 25 mai 1999 sur les garanties dans les ventes de biens de consommation : transposer n’est pas oser, RDC 2005. 955, spéc. n° 14.
64. V. cep., Civ. 3e, 15 juin 2022, n° 21-13.286, D. 2022. 1891 , note N. Bonnardel .
65. Rédigé par C. Aubert de Vincelles.
66. Civ. 1re, 5 mai 1993, n° 90-18.331 P, D. 1993. 506 , note A. Bénabent ; ibid. 242, obs. O. Tournafond .
67. Les contrats de consommation. Règles communes, op. cit., n° 984.
68. G. Chantepie, Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux : l’obligation de délivrance, Dalloz actualité, 7 juin 2022.
69. Proposition de règlement du Parlement et du Conseil « relatif à un droit commun européen de la vente » du 11 oct. 2011 : COM(2011) 635 final (annexe, art. 99 s.).
70. C. Von Bar and E. Clive (dir.), Principles, Definitions and Model Rules of European Private Law Draft Common Frame of Reference (DCFR), prepared by the Study Group on a European Civil Code and the Research Group on EC Private Law (Acquis Groupe), full edition, Sellier, 2009.
71. Dir. (UE) 2019/771 du 20 mai 2019 « relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE ».
72. Cette garantie « pilote » serait d’ailleurs encore plus lisible à se détacher de la qualification de vente pour se rattacher à la propriété du bien qu’elle concerne, et ainsi trouver à s’appliquer pour d’autres qualifications contractuelles où un bien serait concerné (par ex. location).
73. Contrat de vente du code de la consommation (C. consom., art. L. 217-3 s.) mais également contrat de fourniture de contenu et de service numérique qui dispose désormais également d’une garantie de conformité (C. consom., art. L. 224-25-12 s.).
74. Ces doutes sur l’application du régime du droit commun de la résolution à l’action rédhibitoire étaient déjà soulevés sous l’empire de la rédaction de 1804. V. par ex., F. Collart Dutilleul et P. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, 11e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2019, n° 278.
75. Pour se convaincre de l’insécurité ainsi suscitée, il suffit de se reporter aux premiers commentaires du projet qui se réfèrent déjà au régime du droit de la consommation. V., R. Loir, La réforme, le droit de la consommation et le droit de la distribution, in La réforme des contrats spéciaux, M. Leveneur-Azéma (dir.), RDC 2022. 139, spéc. p. 145.
76. Ces modalités sont prévues avec minutie dans le droit de la consommation de manière à assurer non seulement plus de sécurité juridique mais également un équilibre entre la protection de l’acheteur et les droits du vendeur.
77. Dir. 1999/44/CE, art. 8.1 ; C. consom., art. L. 217-8, al. 3.
78. Dir. (UE) 2019/771, art. 13.6 ; C. consom., art. L. 217-8, al. 2.
79. Nouvelles obligations d’information, encadrement de la publicité, disponibilité des pièces détachées, etc, imposées notamment par les lois AGEC du 10 févr. 2020, Climat du 22 août 2021 ou encore REEN du 15 nov. 2021.
80. V. « Paquet Produit durable et économie circulaire » annoncé par la Commission européenne le 30 mars 2022 : Communication de la Commission, Faire des produits durables la norme : COM(2022)140 final ; Proposition de directive modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et à de meilleures informations : COM(2022)143 final.
81. V. Sommet européen de la consommation du 10 févr. 2022 ; v. égal., Colloque « Produits de consommation et enjeux européens » organisé par la Chaire Droit de la consommation le 1er juill. 2022.
82. C. consom., art. L. 217-8, al. 3 : « Les dispositions du présent chapitre sont sans préjudice de l’allocation de dommages et intérêts ». Un débat existe cependant sur l’autonomie ou non du régime de la responsabilité civile dans le cadre de la garantie de conformité, notamment sur le point de savoir si s’applique la force majeure ou si le régime emprunte les caractéristiques d’une garantie. Sur ce débat, v. Les contrats de consommation. Règles communes, op. cit., n° 1025 ; v. égal., R. Loir, La réforme, le droit de la consommation et le droit de la distribution, préc., spéc. p. 146.
83. V. infra, Transmission de l’action.
84. L’usage du terme « profane » permettrait de rester dans un esprit de droit commun. L’alternative serait d’utiliser les termes d’acheteur « consommateur ou non-professionnel au sens de l’article liminaire du code de la consommation ». Une autre possibilité serait d’intégrer ces éléments dérogatoires dans le code de la consommation en faisant du régime de la responsabilité, un régime spécial.
85. Rédigé par N. Sauphanor-Brouillaud.
86. Le texte indique que l’action résultant des vices « se prescrit » ; le commentaire sous l’article fait état d’une « prescription biennale ».
87. C. civ., art. 2224 : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
88. Commentaires de la commission sous l’article 1648, avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux Commission présidée par le Professeur P. Stoffel-Munck, juill. 2022.
89. V. supra, Le droit issu de l’ordonnance du 29 sept. 2021.
90. R. Loir, La réforme, le droit de la consommation et le droit de la distribution, préc., spéc., p. 145.
91. V. par ex., C. consom., art. L. 218-1 et L. 218-2
92. V. supra, Le droit issu de l’ordonnance du 29 sept. 2021.
93. O. Robin-Sabard, Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux : vente – vices cachés, Dalloz actualité, Le droit en débats, 11 juill. 2022. Sur l’action directe prévue à l’article 1613 du projet de réforme, v. infra, La transmission des actions.
94. C. civ., art. 1245-6.
95. C. civ., art. 1245-5.
96. COM(2022) 495 final, art. 14, § 2, les États membres veillent à ce que les droits conférés à la personne lésée en vertu de la présente directive s’éteignent à l’expiration d’un délai de prescription de dix ans à compter de la date à laquelle le produit effectivement défectueux qui a causé le dommage a été mis sur le marché, mis en service ou substantiellement modifié conformément à l’art. 7, § 4, à moins qu’un demandeur n’ait, entre-temps, engagé une procédure devant une juridiction nationale contre un opérateur économique qui peut être tenu pour responsable en vertu de l’art. 7.
Art. 14, § 3. Par dérogation au § 2, lorsqu’une personne lésée n’a pas été en mesure d’engager une procédure dans un délai de dix ans en raison de la période de latence de lésions corporelles, les droits conférés à la personne lésée en vertu de la présente directive s’éteignent à l’expiration d’un délai de prescription de 15 ans.
97. Rédigé par C. Aubert de Vincelles et N. Sauphanor-Brouillaud.
98. V. infra, C - Définition du professionnel, Dalloz actualité, 16 janv. 2023.
99. C. consom., art. R. 212-1, 6° et R. 212-1, 7°.
100. V. infra, Transmission de l’action.
101. Les contrats de consommation. Règles communes, op. cit., n° 1009.
102. Civ. 1re, 9 oct. 1979, n° 78-12.502.
103. Cass., ass. plén., 7 févr. 1986, n° 83-14.631.
104. Commentaires de la commission sous l’art. 1613, Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux Commission présidée par le Professeur P. Stoffel-Munck, juill. 2022.
105. Civ. 1re, 6 juin 2018, n° 17-10.553, D. 2018. 1254 ; ibid. 2039, chron. C. Barel, S. Canas, V. Le Gall, I. Kloda, S. Vitse, S. Gargoullaud, R. Le Cotty, J. Mouty-Tardieu et C. Roth ; ibid. 2019. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJ contrat 2018. 377 , obs. D. Mainguy .
106. Civ. 1re, 3 nov. 2016, n° 15-18.340.
107. C. consom., art. R. 212-1, 6° et R. 212-1, 7°.
108. Dans l’arrêt précité rendu par la première chambre civile (Civ. 1re, 3 nov. 2016, n° 15-18.340), l’opposabilité de la clause au consommateur se justifie par son insertion dans un contrat entre « professionnels liés par des relations d’affaires ».
109. V. supra, les paragraphes sur la responsabilité civile et sur les clauses élusives ou limitatives de garantie.
110. V. supra, Délai de prescription.