L’article 175 du code de procédure pénale qui figure dans une section 11 intitulée « Des ordonnances de règlement » institue un dispositif contradictoire en fin d’information. Le juge d’instruction communique le dossier au procureur de la République et en avise en même temps les parties et leurs avocats. Dans un délai d’un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas, le procureur de la République adresse ses réquisitions motivées au juge d’instruction. De leur côté, les parties peuvent, dans les mêmes délais calculés à compter de l’envoi (et non de la réception) de cet avis exercer, de manière ultime, des droits spécifiques dont l’importance ne peut être sous-estimée : adresser des observations écrites au juge d’instruction (C. pr. pén., art. 175, al. 3) ; présenter des demandes d’actes dont l’éventail reste très large (C. pr. pén., art. 81, art. 82-1) ; solliciter une expertise (C. pr. pén., art. 156, al. 1er) ; présenter une demande tendant à ce que le juge constate la prescription de l’action publique (C. pr. pén., art. 82-3) ; présenter une requête en nullité (C. pr. pén., art. 173, al. 3). Enfin, les parties disposent d’un délai de dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d’un mois dans les autres cas pour adresser au juge d’instruction des observations complémentaires au vu des réquisitions qui leur ont été communiquées.
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice comprend un article 56 figurant sous un titre IV intitulé « Dispositions portant simplification et renforcement de l’efficacité de la procédure pénale » et qui modifie sensiblement le contenu de l’article 175 du code de procédure pénale à compter du 1er juin 2019. L’objectif de simplification annoncé ne résulte nullement du texte qui institue une nouvelle formalité à la charge des parties, et donc de leurs avocats. L’on peine d’ailleurs à en deviner la justification sauf à y voir une nouvelle chausse-trappe procédurale applicable aux procédures en cours. Ainsi, celui qui entend exercer un droit en fin d’instruction devra en aviser le juge d’instruction au moyen d’une déclaration d’intention. Le III du nouvel article 175 du code de procédure est rédigé en ces termes : « Dans un délai de quinze jours à compter soit de chaque interrogatoire ou audition réalisé au cours de l’information, soit de l’envoi de l’avis prévu au I du présent article, les parties peuvent faire connaître au juge d’instruction, selon les modalités prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article 81, qu’elles souhaitent exercer l’un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI du présent article ». Une première lecture peut a priori s’avérer rassurante. Si les parties « peuvent » et non « doivent », il s’agirait d’une simple faculté et non d’une obligation. En outre, le texte ne précise nullement que cette formalité se trouve prescrite à peine d’irrecevabilité. Toutefois et en y regardant de plus près, la prudence s’impose. En effet, le IV du nouvel article 175 énonce que, « si elles ont indiqué souhaiter exercer ces droits dans les conditions prévues au III, les parties disposent, selon les cas mentionnés au II, d’un même délai d’un mois ou de trois mois à compter de l’envoi de l’avis prévu au I pour [exercer ces droits] ». Il semble donc acquis qu’à défaut d’avoir manifesté leur intention d’exercer ces droits spécifiques dans le délai requis les parties ne seront plus recevables à le faire à la suite de la notification de l’avis de fin d’information. Le terme « si » figurant au début du IV de l’article 175 du code de procédure pénale semble bien constituer une condition de recevabilité de l’exercice des droits. Dans l’attente de l’interprétation qui en sera faite par la jurisprudence la prudence commande aux parties et à leurs avocats de se conformer aux exigences du nouveau texte.
Quelles seront en pratique les formalités à accomplir ? Bien évidemment, seule la jurisprudence à venir permettra de dégager le contenu précis de ces nouvelles règles. Qu’il nous soit ici permis de regretter que, dans une matière aussi grave que celle touchant à la procédure pénale, le législateur ait cru devoir édicter un texte complexe, long et qui reste globalement imprécis. Sous ces réserves, le praticien avancera avec prudence en terra incognita. En premier lieu, une seule déclaration d’intention d’exercice des droits semble suffisante pourvu qu’elle ait été formalisée dans les quinze jours, « soit » de chaque interrogatoire ou audition, « soit » de l’envoi (et non de la réception) de l’avis de fin d’information. En aucun cas le texte n’exige ici un renouvellement systématique de cette formalité. Notons ici la brièveté du délai. En pratique, l’avis de fin d’information est adressé aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Un délai de quinze jours courant à compter de l’envoi de cet avis sera en pratique intenable lorsque l’on sait qu’un courrier peut parfois mettre plusieurs jours pour parvenir à son destinataire. Il ne fait aucun doute que le nouveau texte, loin de simplifier la procédure, sera à l’origine d’un contentieux abondant de nature à gaspiller le temps et les énergies. Les parties seront donc avisées d’y procéder dès le premier interrogatoire ou audition. Elles disposent d’ailleurs de la faculté d’en solliciter la réalisation tout au long de l’information, ce qui leur ouvrira alors un nouveau délai de quinze jours. Cette possibilité ne devra pas être méconnue s’agissant des informations actuellement en cours et sur le point de s’achever vers le 1er juin 2019, date à laquelle le télescopage du nouveau texte avec les procédures en cours ne manquera pas de générer des difficultés. En toute hypothèse, attendre la notification de l’avis de fin d’information pour procéder sera très dangereux. En deuxième lieu, et sauf à ajouter au texte, celui-ci n’exige point la désignation expresse du droit que la partie entend exercer. Du reste, ce n’est qu’au fur et à mesure du déroulement de la procédure que les parties peuvent être en mesure de déterminer le ou les droits qu’elles entendent exercer. Il en va a fortiori de même des observations qu’elles entendent présenter à la suite des réquisitions, lesquelles ne sont connues qu’à l’issue de la procédure. Il semble donc qu’il soit possible pour les parties d’adresser une déclaration d’intention récapitulant l’ensemble des droits qu’elles peuvent exercer en fin d’information. Une attention toute particulière devra être attachée à la rédaction de ce nouvel acte afin qu’il comprenne, par précaution, la désignation complète de l’ensemble de ces droits. Sous les réserves précitées, il sera ainsi possible d’indiquer au juge d’instruction que la partie souhaite exercer l’intégralité des droits prévus aux IV et VI de l’article 175 du code de procédure pénale et qui pourront être d’ailleurs repris dans le texte, savoir : adresser des observations écrites ; formuler des demandes ou présenter des requêtes sur le fondement du neuvième alinéa de l’article 81 du code de procédure pénale, des articles 82-1 et 82-3 du même code, du premier alinéa de l’article 156 du même code et du troisième alinéa de l’article 173 du même code ; adresser des observations complémentaires à la suite des réquisitions. En troisième et dernier lieu, cet acte devra être versé à la procédure d’information selon les modalités prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article 81 du code de procédure pénale. Rappelons à cet égard que les nouvelles dispositions généralisent la possibilité de procéder par voie de lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Les parties et les avocats devront toutefois ne pas oublier que deux actes seront ici nécessaires : d’une part, l’avis du souhait d’exercice des droits destiné au juge d’instruction ; d’autre part, la déclaration faite au greffier, constatée, datée et signée par celui-ci et par le demandeur ou son avocat, ou qui lui sera adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Encore aujourd’hui, certaines parties méconnaissent ces règles et écrivent directement au magistrat instructeur, lequel ne manque alors pas d’opposer une irrecevabilité.