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Le droit en débats

Copropriété : le monopole des géomètres-experts confirmé par la Cour de cassation

La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu, le 29 juin 2022, un arrêt confirmant que les plans annexés aux actes de copropriété relevaient du monopole des géomètres-experts.

Par  Joseph Pascual le 04 Octobre 2022

Par cet arrêt (Civ. 3e, 29 juin 202, n° 20-18.136, Dalloz actualité 12 juill. 2022, obs. P.-E Lagraulet ; D. 2022. 1317 ; AJDI 2022. 617 , obs. Pierre-Édouard Lagraulet ; ibid. 561, point de vue Ange-Lucien Guidicelli et R. Carles ), la Cour de cassation rappelle que le plan annexé aux actes de copropriété ne peut être que l’œuvre d’un géomètre-expert en ce qu’il délimite les droits fonciers. À défaut, il est inopposable. Il s’agit d’un arrêt important, sur lequel revient Me Bertrand Périer, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation : « Plusieurs éléments traduisent effectivement l’importance de cet arrêt. D’abord le fait que la Cour de cassation ait décidé de le publier à son Bulletin. La Cour de cassation ne publie au Bulletin que les arrêts dont elle estime qu’ils ont une valeur de principe au-delà du cas d’espèce qu’ils tranchent. La publication montre qu’il s’agit d’une décision qui n’est pas de pure espèce ». La solution est donc applicable à toutes les copropriétés, quels que soient leur nature ou le nombre de copropriétaires, ce que confirme Me Périer : « La généralité des termes employés montre que la Cour de cassation n’entend pas cantonner cette solution à une copropriété horizontale ou à la situation très particulière de l’espèce, à savoir une copropriété à deux ».

D’après Me Périer, un autre élément vient renforcer l’importance et la portée de cet arrêt : « La Cour de cassation a rédigé un “sommaire” pour accompagner la publication de cet arrêt. Il est assez clair puisqu’après avoir cité les articles 1, 1°, et 2 de la loi du 7 mai 1946, elle écrit : “viole ces textes la cour d’appel qui, pour dire qu’un plan annexé aux actes d’une copropriété est régulier et s’impose aux copropriétaires successifs, retient qu’il importe peu qu’il n’ait pas été réalisé par un géomètre-expert, alors que le plan annexé aux actes de copropriété délimite les droits fonciers des copropriétaires” ».

L’arrêt de la Cour de cassation rappelle ainsi qu’il en va de la protection des droits des propriétaires. Qu’il s’agisse d’un terrain ou d’un lot de copropriété, les garanties offertes doivent être les mêmes : il n’y a pas de régime de « sous propriété » en France, et c’est heureux, car il s’agit d’un droit protégé par la Constitution. Il est donc légitime que la définition des limites de propriété et des droits qui y sont attachés soit confiée à des professionnels bénéficiant d’une formation spécifique, soumis à des règles de déontologie, à une obligation d’assurance, de formation continue et contrôlés régulièrement par leur ordre professionnel.

Ce rappel par les hauts magistrats de la Cour de cassation de la garantie offerte à tous les propriétaires est d’autant plus important que nous entrons dans une période instable sur le plan économique. Inflation, hausse des taux d’intérêt, pénurie de matériaux, crise énergétique, tous ces facteurs sont anxiogènes et économiquement à risque. L’immobilier reste alors une valeur refuge pour nombre de Français. Il convient donc de préserver ce qui constitue pour la plupart d’entre eux l’épargne d’une vie.

La contrepartie financière à fournir pour le copropriétaire reste par ailleurs très raisonnable au regard de la garantie et de la sécurité tant juridique qu’économique offertes. Une étude menée par l’Ordre des géomètres-experts démontre que l’établissement d’un plan annexé à un état descriptif de division de copropriété est facturé en moyenne 400 € TTC par logement (sur la base de 250 factures pour des prestations réalisées en ville comme en ruralité). Par ailleurs, comme toutes les prestations des géomètres-experts, l’élaboration d’un plan annexé à un acte de copropriété et délimitant les droits fonciers est soumise à concurrence.

Pour finir, il semble utile et nécessaire d’insister sur deux éléments.

Tout d’abord, il ne s’agit pas d’une extension du monopole confié par l’État aux géomètres-experts, ni d’un nouveau monopole, comme l’affirme Me Périer : « Il s’agit de la simple application à la copropriété d’un principe très ancien selon lequel tout plan ayant vocation à délimiter des droits fonciers ne peut être réalisé que par un géomètre-expert. Il n’y a là rien de nouveau ! La Cour de cassation ne fait que tirer les conséquences des articles 1, 1°, et 2 de la loi de 1946 : la loi réservant aux géomètres-experts l’établissement des documents délimitant les droits fonciers, relèvent nécessairement de ce monopole les plans annexés aux actes de copropriété ayant une telle finalité de délimitation ».

Enfin, cet arrêt ne conduira pas les copropriétaires à recourir à un géomètre-expert pour établir ce type de plan pour les copropriétés existantes. Cet arrêt rappelle le principe qui vaudra pour les copropriétés exposées à un contentieux sur les limites des lots existants et, bien entendu, pour l’ensemble des plans annexés aux états descriptifs de division en copropriété à établir.