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Le droit en débats

Élection présidentielle, parrainage et consultation locale

Le temps de recueil des parrainages s’est ouvert avec la publication du décret n° 2026-66 du 26 janvier 2022 pour se clore le 4 mars prochain à 18h00. L’occasion, pour certains édiles dont le parrainage est recherché, de remettre leur choix dans les mains de leurs électeurs par l’organisation de consultations locales. 

Par Arthur de Dieuleveult et Jean de Brosses le 07 Février 2022

Tel a été le cas ces derniers jours, des maires de Guéméné-sur-Scorff (Morbihan), Pia (Pyrénées-Orientales), Sainte-Anastasie-sur-Issole (Var), ou encore de Comprégnac (Aveyron) dont l’imagination n’a pas nécessairement été bien accueillie par les préfectures.

La question se pose de savoir si une telle pratique est régulière et peut valablement précéder l’envoi par le maire de son parrainage au Conseil constitutionnel.

Sur le parrainage

Afin d’éviter les candidatures fantaisistes, le législateur organique a mis en place une procédure préalable à l’élection présidentielle : le Conseil constitutionnel établit la liste des candidats au vu des présentations qui lui sont adressées par des citoyens répondant aux critères fixés à l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962.

La présentation d’un candidat est la décision personnelle d’un citoyen, la qualité de maire, par exemple, n’étant qu’une condition légale pour être habilité à présenter un candidat. En ce sens, cette procédure s’apparente à un vote au sein d’un collège électoral restreint. Le parrainage n’est donc pas une compétence exercée par le maire en tant qu’exécutif municipal, ni en tant que représentant de l’État dans la commune.

Le parrainage ne génère généralement qu’un seul type de contentieux, celui de la réclamation contre l’établissement de la liste de candidats prévu par l’article 8 du décret du 8 mars 2001. Ce droit est ouvert à toute personne ayant été présentée et son contentieux est strictement réservé au Conseil constitutionnel (CE 21 avr. 2012, n° 358669).

Avec la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, le nom et la qualité des citoyens qui ont valablement présenté des candidats à l’élection présidentielle sont rendus publics.

C’est l’une des raisons qui pousse certains maires, souvent sans étiquette, à organiser des consultations communales ayant pour but de les « déresponsabiliser ».

Sur la consultation locale

L’article L. 1112-15 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que « les électeurs d’une collectivité territoriale peuvent être consultés sur les décisions que les autorités de cette collectivité envisagent de prendre pour régler les affaires relevant de la compétence de celle-ci. La consultation peut être limitée aux électeurs d’une partie du ressort de la collectivité, pour les affaires intéressant spécialement cette partie de la collectivité ».

Dès l’origine, ce mécanisme créé par la du 6 février 1992 pour l’administration territoriale de la République a été utilisé par certains maires pour donner la parole aux électeurs sur des sujets politiquement sensibles : sur le tracé d’un projet d’autoroute (CE 16 déc. 1994, n° 146832, Commune d’Avrillé, Lebon 558 ; AJDA 1995. 838 , note Y. Jégouzo ; RFDA 1996. 452, note H. Rihal ), le droit de vote des étrangers (CAA Versailles, 23 oct. 2008, n° 08VE01555, Commune de Clichy-la-Garenne), l’accueil de populations émigrées (CE 16 nov. 1994, n° 148995, Commune d’Awala-Yalimapo, Lebon 498 ), l’hébergement de migrants (TA Montpellier, 6 déc. 2016, Préfet de l’Hérault, n° 1605527, AJDA 2017. 173 , note A. de Dieuleveult ).

De telles consultations sont envisageables si et seulement si le sujet sur lequel elles portent relève de la compétence de la commune et cette condition est strictement appréciée par le juge : il ne suffit pas qu’un projet puisse avoir des conséquences sur les affaires relevant de la commune pour soumettre à consultation : il faut un intérêt direct avec l’intérêt local.

Or, le Conseil constitutionnel a rappelé, dans ses observations sur l’élection présidentielle de 2007, que « la présentation d’un candidat est un acte personnel et volontaire ». Même si le résultat de la consultation locale n’est pas contraignant, la décision préalable et publique du maire de respecter le résultat de la consultation revient à déléguer aux électeurs le choix du candidat qui sera présenté au Conseil constitutionnel, ce qui porte atteinte au caractère volontaire de ce choix. Il serait donc à craindre que le Conseil constitutionnel invalide toute présentation qui lui aura été adressée dans ces conditions.

Surtout, il est clair que le parrainage, décision personnelle d’un citoyen pris en sa qualité de maire, n’entre pas dans le champ de l’article L. 1112-15 du CGCT : il ne s’agit pas d’une affaire relevant de la compétence du conseil municipal.

Finalement, la seule solution pour le maire soucieux de parrainer en faisant le jeu de la participation serait de se voir saisi d’une pétition citoyenne, mais au risque d’une participation d’électeurs étrangers à sa commune et sans certitude sur l’acceptation d’un tel parrainage par le Conseil constitutionnel.