La crise sanitaire sans précédent que nous avons traversée a généré pour beaucoup une profonde remise en cause du sens du travail. Un tel évènement, inédit par sa nature et par son ampleur, a pu être de nature à priver de sens nombre de situations sur lesquelles jusqu’alors l’on ne s’interrogeait pas.
L’opposition sans cesse mise en exergue au plus fort de la crise entre activités essentielles et activités non essentielles, le rôle au combien exemplaire tenu par les femmes et les hommes pour la santé de chaque être humain, ont inévitablement posé à chacun la question de l’utilité ou du sens de son travail, de son action ou de son engagement.
Parallèlement, cette crise a bouleversé le monde de l’entreprise. Dans un contexte parfaitement inattendu, certaines entreprises se sont recentrées sur des valeurs fondamentales, distinctes de celles procédant de leur vocation première de développer une production, un chiffre d’affaires ou un résultat. Elles ont privilégié dans la conduite de leurs actions, la solidarité, l’humanisme, ainsi que l’efficacité et le pragmatisme le plus grand. L’entreprise a montré sa capacité immédiate et sans condition à élargir sa mission à des mesures non directement liées à sa finalité première de rentabilité économique, ce pour mobiliser des moyens au service de la cité (chaînes de production des automobiles reconverties pour concourir à la fabrication d’appareils respiratoires, entreprises cosmétiques transformant leurs unités pour fabriquer du gel hydroalcoolique, entreprises de distribution alimentaire concourant aux dons, etc.).
De façon plus générale, ces circonstances ont évidemment conduit à renouveler la réflexion sur la quête de sens et sur la portée et la nature de l’action ainsi que de l’engagement de chacun dans l’entreprise et dans la cité.
Par ailleurs, et au-delà des aspirations que la crise sanitaire a pu faire naître, les exigences que porte l’impérieuse nécessité de faire face aux enjeux climatiques et de l’environnement, d’inscrire le comportement de tous les acteurs dans la perspective d’un développement durable et d’un nouveau modèle économique, donnent une acuité renouvelée à la nécessité d’une réflexion globale et profonde sur le rôle de l’entreprise, sa contribution à la société de demain, et finalement sur l’ambition de l’ensemble de ses parties prenantes de contribuer au bien-être collectif, pour ne pas dire au bien commun.
Dans ce contexte, l’avocat doit exercer son rôle dans le but d’apporter aux entreprises une contribution réelle pour déterminer les conditions et les modalités de la réalisation d’une telle ambition. Cela suppose qu’il exerce son activité de conseil pour identifier les leviers de l’engagement, tels la raison d’être ou les valeurs de l’entreprise, pour favoriser l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance à la stratégie de l’entreprise, pour déterminer les modalités de l’engagement des collaborateurs et enfin pour faire de la durabilité un enjeu stratégique pour l’entreprise.
Identifier la raison d’être et les valeurs de l’entreprise
La raison d’être et les valeurs de l’entreprise constituent de réelles sources d’engagement des collaborateurs et peuvent représenter une forme de réponse au fort besoin de sens qu’ils expriment.
Présenter les valeurs de l’entreprise et déterminer sa raison d’être caractérise à l’évidence un mouvement vertueux.
Il contribue en premier lieu à renforcer le sentiment d’appartenance à l’entreprise et favorise ainsi son unité. Il répond en second lieu à une aspiration réelle des collaborateurs à agir dans une entreprise dont la croissance est portée par des valeurs reconnues, partagées et affichées, ce qui est de nature à constituer une source d’engagement (déterminer ce qui anime ou motive profondément les femmes et les hommes qui chaque jour s’investissent pour l’entreprise, donner du sens à la volonté d’entreprendre et à l’action). Ce mouvement concourt enfin au rayonnement de l’entreprise dans la cité.
Nicole Notat et Jean-Dominique Senard relevaient dans le rapport remis aux pouvoirs publics le 9 mars 2018 (« L’entreprise objet d’intérêt collectif ») lequel a présidé sur ce point à l’adoption de la loi pour la croissance et la transformation des entreprises (dite « loi PACTE ») du 22 mai 2019 : « [La raison d’être] est souvent formulée pour renforcer l’engagement des salariés, en donnant du sens à leur travail ».
Un constat similaire avait été opéré par Bris Rocher, dans un rapport remis, le 19 octobre 2021 : « […] le modèle français met la définition du sens du projet collectif au cœur de la stratégie des entreprises et au fondement de tous les engagements sociaux et environnementaux que celles-ci peuvent adopter. On n’a sans doute pas assez souligné la puissance et l’originalité d’un modèle qui, au lieu de contraindre d’abord, invite chaque entreprise à se réapproprier et à réaffirmer le sens de son activité et de sa contribution pour le monde […]. Pour les femmes et les hommes de l’entreprise, c’est une manière de donner du sens à leur action, de s’épanouir dans leur travail en étant capable de délivrer la double exigence attendue aujourd’hui : profitabilité et contribution sociétale. […] ». Le processus de formalisation de la raison d’être et l’adoption de la qualité de société à mission fédèrent les salariés, les actionnaires et les parties prenantes de la société (clients, fournisseurs, partenaires associatifs, territoires) et encourage l’innovation. L’alignement autour des enjeux permet aux dirigeants de fixer un cap guidant les décisions stratégiques. Les salariés sont ainsi engagés sur une mission claire, sur des objectifs partagés et rassemblés autour d’une direction commune. L’élaboration d’une raison d’être et l’adoption de la qualité de société à mission créent une dynamique d’adhésion et d’engagement des salariés actuels et futurs sous l’angle de la marque employeur. Les auditions font ressortir le mouvement, la dynamique et l’adhésion générale des collaborateurs aux processus d’adoption d’une raison d’être et de la qualité de société à mission. Une majorité des personnes auditionnées ont qualifié cet exercice d’élément catalyseur et mobilisateur pour les salariés. Cela est conforté par les nombreuses études sur le sujet qui mettent en avant le besoin, en particulier chez les nouvelles générations, que leur travail ait un sens et que la société génère des externalités positives ».
L’étude d’impact du projet de loi PACTE précisait d’ailleurs déjà que « [la raison d’être constitue] la volonté d’ancrer un projet d’entreprise pour en favoriser la dynamique, concourir à sa communication, améliorer l’image de l’entreprise, constituer une source de motivation ».
Le Conseil d’État avait pour sa part estimé que la raison d’être est « un dessein, une ambition ou toute autre considération générale tenant à l’affirmation de ses valeurs ou de ses préoccupations de long terme ».
La loi du 22 mai 2019 a ainsi modifié l’article 1835 du code civil afin de prévoir que les statuts d’une société : « peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ».
La voie de la modification des statuts ne paraît cependant pas s’imposer comme seul vecteur de l’élaboration de la raison d’être d’une entreprise. Si en effet le code civil prévoit donc désormais la faculté de formaliser la raison d’être dans les statuts d’une société, toute autre modalité peut être étudiée et retenue : déclarations, chartes et instruments de soft law peuvent être mobilisés pour atteindre l’objectif visé. À cet égard, les modalités les plus adaptées à la situation de l’entreprise, à son histoire, à sa politique sociale doivent, avec tout le discernement que cela requiert, être déterminées.
L’identification des valeurs de l’entreprise suppose, d’une part, qu’elles soient authentiques, et donc qu’elles soient vécues et partagées par le plus grand nombre, d’autre part qu’elles puissent être clairement explicitées, et enfin qu’elles révèlent réellement l’identité de l’entreprise, participant ainsi le cas échéant à révéler sa raison d’être. Ces prérequis permettent d’impliquer la collectivité et les collaborateurs, selon des modalités propres à chaque entreprise.
Définir une raison d’être ou identifier des valeurs comme vecteur de l’engagement des collaborateurs constitue une ambition susceptible de concerner toutes les entreprises indépendamment de leur taille ou de leur secteur d’activité.
Elle est prolongée par une inclinaison toujours plus prononcée à intégrer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance à la stratégie de l’entreprise.
Intégrer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance à la stratégie de l’entreprise
La France, il y a déjà plus de vingt ans, a adopté des mesures relatives à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
La loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques imposait déjà à l’ensemble des sociétés cotées de publier dans leur rapport annuel de gestion des informations à caractère social et environnemental.
À cette loi a notamment succédé la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement dite « Grenelle II » qui a renforcé l’obligation de transparence.
Mais, au-delà du cadre légal, le débat sur la place et le rôle de l’entreprise dans la société a été profondément renouvelé.
Des réflexions menées très récemment par l’Institut de l’Entreprise sont particulièrement inspirantes en ce qu’elles promeuvent « L’entreprise full RSE ».
Cette notion procède du constat selon lequel la RSE a constitué une avancée positive en rapprochant les citoyens de l’entreprise et de la conviction selon laquelle il faut maintenant en intégrer plus complètement les ambitions dans la stratégie, les pratiques et les métiers de l’entreprise.
Selon cette étude publiée en juin 2022, il s’agit d’un renversement conceptuel : « ce travail sur l’évolution de l’entreprise, tant dans sa fonction que dans son fonctionnement, correspond à un renversement du regard que notre société porte sur le monde. Depuis le XIXe siècle, la nature, les personnes, la société, la science, la culture, la liberté, ont été perçues comme des ressources pour les entreprises. Prenant appui sur ces atouts, les entreprises ont créé et diffusé les produits et les services qui ont permis à une grande part de l’humanité de sortir de la précarité, et à beaucoup de profiter d’une prospérité inimaginable encore une génération auparavant. Mais désormais nous, les citoyens, les consommateurs, les travailleurs attendons l’inverse : nous voulons une entreprise davantage au service de la nature, des personnes, de la société, de la science, de la culture, de la liberté ». En ce sens, il appartient à l’entreprise de contribuer au renforcement des sociétés au sein desquelles elle évolue : « aucun actionnaire, aucun dirigeant, aucun salarié, aucun fournisseur, aucun client n’est motivé à l’idée de travailler chaque jour au succès d’une entreprise qui ne vise pas un développement intégral, une harmonie entre le macrocosme et le microcosme, entre l’interne et l’externe, entre la performance économique et la performance sociale, sociétale et écologique ».
Selon cette orientation, toutes les parties prenantes de l’entreprise, et toutes ses fonctions et métiers (Ressources humaines, Marketing, Systèmes d’information, Finance, Communication, Chaînes d’approvisionnement, etc.) doivent se considérer investies d’une mission centrale dans le cheminement de l’entreprise vers la complète intégration de la RSE dans sa stratégie, ses métiers, ses pratiques et ses productions.
Il s’agit donc d’intégrer « nativement » la RSE à la stratégie de l’entreprise, qui devra élever le niveau des compétences pour faire face à cette ambition et adapter son organisation.
Cette ambition même apparaît fortement motivante comme issue selon les travaux de l’Institut de l’Entreprise de « la volonté des acteurs économiques de contribuer à une civilisation plus proche de la nature, donnant sa chance à chacun, contribuant à l’amélioration des conditions de vie des populations et assurant un meilleur partage de la prospérité ».
L’entreprise peut au demeurant y voir pour elle-même un facteur de son développement. Il peut être considéré qu’une meilleure prise en compte par l’entreprise de l’intérêt général, ou pourrait-on dire aussi d’un intérêt collectif, peut constituer dans son intérêt propre, une source d’attractivité, un facteur de performance, un avantage concurrentiel, un facteur de son leadership.
Ce mouvement répond d’ailleurs, on ne peut l’ignorer, aux aspirations du plus grand nombre des Français et semble caractériser un courant fort.
Selon un sondage d’ELABE pour l’Institut de l’Entreprise, deux français sur trois considèrent que l’entreprise elle-même, et non l’État, les gouvernements ou les pouvoirs publics, a le pouvoir « d’améliorer le monde actuel ».
À l’évidence l’entreprise a vocation à inscrire son développement dans l’ambition d’une performance sociale et environnementale, dans une vision responsable de son rôle.
L’évolution du droit contribue ici de façon particulièrement significative à modifier le comportement des acteurs économiques et plus généralement de l’ensemble des parties prenantes.
L’impératif social et environnemental procède désormais dans notre droit d’un fondement général.
La société depuis la loi PACTE du 22 mai 2019 doit être « gérée dans son intérêt social en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (C. civ., art. 1833).
Au-delà de ce fondement général, de nombreux textes tant au niveau national qu’au niveau international, qu’ils aient un caractère incitatif ou contraignant, ont été adoptés pour faire face aux enjeux sociaux et environnementaux.
Pour ne retenir que quelques lois très récentes, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire et la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets du 22 août 2021 visent à transformer les modes de vie afin de tendre vers un modèle de société plus durable.
Au plan social, la loi 24 décembre 2021 dite loi « Rixain » vise à accélérer l’égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes, s’inscrivant dans le prolongement de la loi votée il y a plus de dix ans, la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle dite « Copé Zimmermann » qui avait elle-même imposé une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et des conseils de surveillance.
À terme, la proportion minimale de personnes de chaque sexe au sein des comités exécutifs, des comités de direction et des cadres dirigeants devra être de 40 % (30 % en 2026, 40 % en 2029). Le principe légal d’une représentation équilibrée selon le principe du quota produira nécessairement des effets.
Au plan européen, « Fit for 55 » sera demain une source d’obligations pour tous les acteurs économiques en fixant des échéances quant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre de nature à faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre à l’horizon 2050.
À cet égard, l’évolution du droit relatif aux obligations de déclaration de la performance extra-financière de l’entreprise ne sera pas sans conséquence.
La Commission européenne s’est engagée, dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, à proposer une révision de la directive du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014, dite « non financial reporting directive » ou « NFRD », qui avait a été transposée en droit français par l’ordonnance du 19 juillet 2017 relative à la publication d’informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d’entreprises.
La Commission européenne a adopté le 21 avril 2021 une proposition de directive, dite « Corporate Sustainibility Reporting Directive » ou « CSRD », qui, notamment, étendrait significativement le champ des entreprises concernées par les obligations d’information, exigerait des informations en matière de durabilité, et préciserait plus en détail les informations que les entreprises doivent publier.
Le projet actuel de directive prévoit à titre de principe une première application aux exercices commençant le 1er janvier 2023.
L’obligation de déclaration de la performance extra-financière s’imposera donc prochainement à un très grand nombre d’entreprises et non plus seulement aux sociétés cotées et aux grandes entreprises.
Ce droit en perpétuelle mutation participe fortement de l’évolution du comportement des acteurs économiques.
Elle induit pour l’entreprise une démarche pour la mise en œuvre d’une politique visant à faire de la durabilité un enjeu stratégique et concomitamment une réflexion sur l’implication de l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise.
La réalisation des ambitions ainsi rappelées sera favorisée si se trouvent déterminées les conditions et les modalités de l’implication des collaborateurs dans la réalisation d’actions concrètes.
À cet égard, l’usage de la notion de temps dits non-productifs peut constituer un élément de réponse à cette orientation.
Déterminer les modalités de l’engagement des collaborateurs
La crise sanitaire a mis en valeur la pratique de temps non-productifs de nature à ouvrir aux collaborateurs de nouveaux horizons d’engagements et de participation aux grands enjeux sociétaux (éducation, santé, environnement, etc.).
Cette pratique, rattachée au domaine de l’aménagement du temps de travail, est porteuse de sens pour les salariés et concourt à la qualité de vie au travail.
La notion de temps non-productif, née de l’observation du fonctionnement des entreprises, n’a pas de définition unanimement admise. À défaut, il est possible d’en proposer une a contrario, par opposition à la notion de temps productif.
Le temps productif désigne couramment le temps de travail dédié à la mission principale et première de l’entreprise. A contrario, le temps non-productif caractérise un temps de travail dédié à des activités poursuivant un objectif autre que la mission première de l’entreprise. La notion permet au collaborateur, au sein d’une économie capitalistique, de consacrer une partie de son temps à des activités qui ne poursuivent pas une finalité de rentabilité économique immédiate mais traduisent son engagement dans un cadre professionnel pouvant être en lien, lorsqu’elles ont été définies, avec les valeurs de l’entreprise ou avec sa raison d’être.
La faculté de s’engager ainsi contribue alors à donner du sens au travail puisque chacun peut y voir autant une réponse à sa quête de sens permettant tant de trouver dans son activité un épanouissement personnel, que, le plus souvent, un moyen d’améliorer son expérience professionnelle ou ses compétences personnelles (soft skills tels que : leadership, esprit d’équipe, capacité d’adaptation et d’initiative, de négociation, etc.), ou d’élargir son réseau en rencontrant des personnes d’univers différents.
Le rôle de l’entreprise est déterminant pour accepter l’intégration de certaines activités extra-professionnelles dans le temps de travail mais également pour déterminer la nature ou la typologie de ces activités admises au titre de ce temps dédié. À cet égard, la réflexion menée en amont par l’entreprise sur sa raison d’être et ses valeurs peut également faciliter ce travail d’identification.
Cette acceptation par l’entreprise de temps non-productifs nécessite évidemment de vaincre certaines réticences qui tiennent notamment au coût immédiat ou apparent de la mesure (réduction du temps de travail opérationnel du salarié, coût de la mise à disposition hors de l’entreprise, etc.).
L’entreprise doit alors être consciente qu’au-delà de ces effets apparents, la mise en place de temps non-productifs génère des effets indirects.
En effet, la pratique de temps non-productifs est susceptible d’influencer la qualités des relations humaines (augmentation de la cohésion interne, de l’attractivité et de la rétention des talents), l’image et réputation de l’entreprise (rayonnement à partir des valeurs positives et communication autour d’une politique de RSE effective et réellement incarnée par les collaborateurs), l’ancrage territorial de l’entreprise (création d’impacts positifs dans son environnement local, meilleure capacité d’acceptation de ses activités et de reconnaissance), l’anticipation et l’innovation (la mobilisation par les salariés de toutes leurs compétences dans des activités inhabituelles les invite à porter un regard neuf et favorise la créativité qui est un levier de l’innovation).
La mise en place de temps non-productifs se rattache aussi à la qualité de vie au sens de l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013.
Il apparait donc souhaitable d’inciter les entreprises à mener une réflexion sur la place de temps non-productifs dans leur organisation du travail.
Se pose dès lors la question de savoir comment appréhender la diversité des temps dits non-productifs.
Les temps non-productifs sont multiples et peuvent être encadrés par des dispositions légales ou issues de la négociation collective ou individuelle. Ils peuvent, à ce titre, figurer dans des accords d’entreprise ou le contrat de travail ou encore résulter d’engagements unilatéraux, c’est-à-dire de décisions de l’employeur.
Dans ces temps non-productifs peuvent s’inscrire une activité pro bono ou la mise en œuvre d’un mécénat de compétences.
Le pro bono (du latin pro bono publico « pour le bien public ») désigne l’engagement de volontaires qui donnent du sens à leur métier en servant l’intérêt général.
Très présente dans la tradition philanthropique des entreprises américaines, la culture du pro bono s’est diffusée en Europe. Aujourd’hui, il s’agit d’une composante essentielle des politiques de responsabilité sociétale des entreprises.
Elle recouvre, notamment en France, les pratiques de bénévolat de compétences, de bénévolat d’entreprise, le mécénat de compétences individuelles, les congés solidaires, les journées de volontariat solidaire, la prestation de services ou de conseil gratuite, le tutorat et le mentorat, la participation au conseil d’administration d’association, ou d’instituts, etc.
En France, 24 000 entreprises pratiquent le mécénat de compétences selon une étude effectuée en 2018 par l’Admical et Pro Bono Lab, deux organisations de référence dans le mécénat.
Au plan juridique et fiscal, le mécénat de compétences a été introduit par la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations (dite « loi Aillagon ») instituant un régime fiscal de faveur.
L’implication des collaborateurs peut se réaliser au moyen de la mise à disposition temporaire de salariés auprès d’une jeune ou d’une petite ou moyenne entreprise. L’article L. 8241-3 du code du travail permet à une entreprise de mettre à disposition de manière temporaire ses salariés auprès d’une jeune ou d’une petite ou moyenne entreprise, en vue d’améliorer la qualification de sa main-d’œuvre, de favoriser les transitions professionnelles ou de constituer un partenariat d’affaires ou d’intérêt commun. Cette mise à disposition, qui ne concerne que les entreprises et les groupes d’au moins 5 000 salariés, est d’une durée maximale de deux ans. Aucun cadre juridique formel n’encadre actuellement le mécénat de compétences pour les entreprises de moins de 5 000 salariés. Il est par conséquent souhaitable que la loi soit complétée pour étendre le dispositif aux entreprises et groupes de moins de 5 000 salariés.
Ce régime pourrait par ailleurs faire l’objet d’une incitation en créant un avantage social (allègement de cotisations sociales) pour les entreprises qui mettent à disposition des salariés dans le cadre du mécénat de compétences.
Mais au-delà de dispositifs légaux doivent être mises en œuvre et promues toutes les mesures conventionnelles pertinentes. C’est l’entreprise qui doit être le premier lieu d’innovation.
Si la plupart des accords « Qualité de vie et des conditions de travail » (QVCT) reprennent classiquement des mesures d’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, certains accords comportent des mesures particulièrement innovantes.
Parmi les principaux thèmes traités par les partenaires sociaux, peuvent être relevés : des mesures liées aux différentes étapes ou circonstances de la vie, des mesures facilitant les engagements associatifs sous différentes formes (travail à mi-temps au sein d’une association tout en restant salarié de l’entreprise, partenariats avec des associations pour la mise en œuvre de leurs projets), des mesures d’accompagnement d’engagements citoyens ou civiques, des mesures facilitatrices du tutorat, du mentorat, de la formation, etc.
Néanmoins, force est de constater que trop peu d’accords QVCT prévoient des dispositifs pro bono ou de mécénat de compétences. Or, ces deux dispositifs, en raison de leur nature et de leurs objets, peuvent tout à fait s’inscrire dans cette négociation. La négociation sur la qualité de vie et les conditions de travail est obligatoire dans les entreprises pourvues d’au moins une organisation syndicale représentative ayant désigné un délégué syndical, cette négociation pouvant porter sur un ensemble de sujets figurant à l’article L. 2242-17 du code du travail.
L’intégration de thèmes tels que la mise en place de dispositifs pro bono ou de mécénat de compétences à la négociation obligatoire encouragerait les parties prenantes à dépasser le cadre légal auquel se limitent parfois ces accords.
En outre, l’ajout de ces dispositifs comme sujets facultatifs au sein de la négociation obligatoire sur la qualité de vie et des conditions de travail permettrait ainsi à l’employeur de faire partager son ambition sociétale et de faire rayonner plus largement sa politique RSE.
La détermination des modalités de mise en œuvre des temps dits non-productifs devra enfin être menée dans l’entreprise.
Pour la mise en œuvre de ces temps, il pourrait être envisagé de déterminer un volume horaire consacré à ces mesures (nombre de jours ou d’heures de travail par semaine, par mois ou par année), les modalités de maintien ou non de la rémunération pendant ces périodes (maintien total ou partiel du salaire, accompagnement matériel ou financier supplémentaire).
Les entreprises auront ainsi intérêt à examiner l’ensemble de ces paramètres pour fixer un cadre global et adapté à la mise en œuvre de l’engagement des collaborateurs.
Faire de la durabilité un enjeu stratégique pour les entreprises
Si, depuis trente ans, les enjeux environnementaux sont de plus en plus prégnants, la signature en 2015 des Accords de Paris a marqué à l’évidence une rupture. Elle a traduit une mutation profonde des esprits et des comportements en faveur d’une transition écologique mondiale, prenant en compte les enjeux globaux et les besoins des générations futures.
Ces enjeux, devenus universels, transverses et prioritaires pour la grande majorité des acteurs, se révèlent être d’une ampleur considérable : réinvention du modèle énergétique, développement des sources d’énergie renouvelables, transformation des outils industriels, plan de rénovation massif des bâtiments tertiaires, développement de l’économie circulaire, essor de la finance verte, naissance d’une fiscalité écologique, basculement du tout-pétrole dans les transports vers la mobilité propre, etc.
Développement durable, transition vers un nouveau modèle économique et social, évolution des façons de produire, de consommer, de travailler et de vivre ensemble, le chantier est évidemment immense.
Aucun secteur économique n’échappe à ces bouleversements et aux exigences nées de la responsabilité sociétale des entreprises.
Dans cette perspective, il appartient à l’avocat conseil d’entreprises d’accompagner les acteurs dans la connaissance d’une législation nouvelle et complexe qu’il est nécessaire de décrypter et d’anticiper avec eux les échéances auxquelles ces évolutions considérables les conduisent.
Les domaines sont multiples : en matière d’énergie et de changement climatique, ils s’étendent notamment à la production d’énergies décarbonées, au droit des énergies renouvelables, à la commercialisation de l’énergie, à la sécurisation de l’approvisionnement énergétique, à la mobilité durable, en matière d’environnement, aux problématiques des sites et sols pollués, de la responsabilité des producteurs, de l’économie circulaire, des infrastructures durables et de l’immobilier durable, en matière de droit économique, au droit de la publicité au regard du Greenwashing, à la promotion responsable, à la durabilité des produits, en matière de fiscalité, à la taxation de l’énergie et à la fiscalité environnementale, en matière de financement durable, au financement vert et aux investissements durables, en matière de financement de projet, à la rénovation énergétique des bâtiments, aux infrastructures de recharges de véhicules électriques, en matière sociale, à la mise en œuvre des politiques RSE, aux politiques éthiques, aux politiques sociales incluant notamment le partage de la valeur et les prérogatives des partenaires sociaux.
En tant qu’institution du monde du droit et des affaires, CMS Francis Lefebvre se doit naturellement de promouvoir les mesures ayant un impact positif sur la société, l’environnement, l’économie, concourir à l’évolution du droit et des politiques publiques et aider les entreprises dans la transition écologique.
CMS Francis Lefebvre pour sa part est une entreprise presque centenaire, qui a toujours placé le projet humain et entrepreneurial au cœur de sa culture dans le respect des valeurs humanistes héritées de ses fondateurs. Le cabinet se doit naturellement d’être volontariste. Il a récemment traduit sa politique dans un Rapport d’engagement érigeant et promouvant trois orientations : s’engager pour l’environnement, contribuer à la société de demain, conduire un projet entrepreneurial et humain guidé par des valeurs d’excellence, de bienveillance, d’engagement et d’esprit d’équipe.
Il s’agit, en somme, de faire vivre une communauté humaine unie par des valeurs fortes et engagée pour servir l’excellence.